Pages oubliées . MAXIMILIEN ROBESPIERRE Observations de Philippe Buonarroti Notes d' Auguste Blanqui A titre de contribution à l'étude de Robespierre, et à l'occasion du bicentenaire de celui-ci,* nous reproduisons ci-après deux textes fort peu connus. Philippe Buonarroti et Auguste Blanqui en sont les auteurs. Le premier a écrit son apologie de Maximilien à l'occasion, semble-t-il, de discussions qui se déroulèrent à la Société des Droits de l'Homme sous la monarchie de Juillet. L'autre document appartient aux notes laissées par Auguste Blanqui : Albert Mathiez les a ·fort judicieusement incluses dans son recueil Girondins et Montagnards. Philippe Buonarroti fut un des inspirateurs du babouvisme en même temps qu'un représentant de la pure tradition jacobine. C'est par lui surtout que l'on connaît la conjuration des Égaux. Son admiration pour Robespierre était sans limites. Très attaché au culte de l' l!,tre Suprême et voyant dans cette institution le fondement du civisme républicain, son évolution le porta vers un socialisme moralisateur et fortement teinté de religiosité. Il dénonce l'athéisme dans lequel il voit le principe de la corruption des âmes, inséparable à ses yeux de la tyrannie et de l'i'négalité sociale. Son apologie de Robespierre jette un jour intéressant sur la pensée et les buts de ce dernier. Buonarroti l'affirme : la destruction du christianisme s'accompagnait d'une libération violente des appétits ; le peuple, privé de la foi religieuse, n'était plus livré qu'à ses instincts; il lui fallait un frein et une morale. L' Incorruptible le comprit et, « considérant comme inséparable le déisme et l'égalité », voulut fonder la République sur la Vertu. Élive et compagnon de Buonarroti qui lui transmit comme à beaucoup d'autres l'expérience du babou- • Voir éa-alcment, dans nos précédents numéro , RonBRT PBTITGAND : • L'homme de la Vertu 11 (janvier 1958) et MICHEL COLLINET : 11 Le monde ~ rmé de la Vertu 11 (mars 1958). Biblioteca Gino Bianco visme, Blanqui érigea en système la tactique du coup de force. On a beaucoup insisté sur le caractère aventureux de cette méthode qui valut à son prédicateur de nombreuses années de prison, mais la filiation avec le jacobinisme est évidente. Blanqui vit sur le souvenir des grandes « journées >> de la Révolution où l'action directe des sans-culottes préfigure l'insurrection qu'il médite. Il s'inspire d'illustres modèles et la conquête de Paris, ce grand théâtre du Peuple, est pour lui aussi l'acte décisif. Mais à la différence de Buonarroti, cc /'Enfermé » ne sépare pas le socialisme d'une déchristianisation violente, il voue la religion à l'anéantissement et les prêtres à l' exter1nination. cc L'évacuer au-delà des frontières », écrit-il en parlant del' << armée noire ». On comprend qu'il n'ait pas sympathisé avec Robespierre. Le pontife jacobin célébrant l'Etre Suprême, résolu, affirme-t-il, à sacrifier ce qui restait de la Montagne à son déisme et à ses ambitions, lui apparaît l'homme de l'appel aux modérés et le naufrageur de la Révolution. La thèse peut paraît1'e paradoxale, elle néglige des faits essentiels, mais Blanqui a bien vu que la désaffection du peuple à l'égard du régime datait de la chute des hébertistes, quand les sections furent épurées et décapitées. Son athéisme militant entache de parti pris le ju.gen1ent qu'il porte sur l' Incorruptible, niais lu1· per,net de sai'sir sur le vif le mouvement populaire. La vigueur du sans-culotte renversant les idoles, l'enthousiasn1e déferlant des fou/es qui enterrent le passé, cette dynamique de la Révolution qui se développe dans le climat optimiste des « lumières » par ses vertus r vigorantes inspire toujours Blanqui. En revanch Buonarroti s'en tient à la lettre d'un.e doctn·ne. 1 / apprécie l'homme d'État et en lui l' xacte adéquati 11 de l'acte à la pensée : les décisions politiques deR b spierre, ses desseins, annoncent la régénérati n de l'Homme par les ,·nstitutions acte de foi des r olutionnaires.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==