162 phénomène temporaire. » 14 A la lu~ère ~es statistiques bulgares, c'est là une assertl~~ disc~table. Le nombre des travailleurs de l industrie en Bulgarie a augmenté annuellement d'environ 20 000 entre 1948 et 1955, date où il atteignait 361 000; l'accroissement annuel de la population est d'environ 80 000 personnes. Pologne Quant à la situation en Pologne, on dispose . ~ d'une telle abondance de renseignements, grace au flot d'informations publiées pendant plus d'un an - les premières parurent dès avant la révolte de Poznan, en juin 1956 - que nous n'en rappellerons ici que l'essentiel. Quelques chiffres, d'abord, sur le marché du travail. A la fin de 1957, la population de la Pologne dépassait 28 500 000 habitants ; son taux d'accroissement naturel est le plus élevé de toute l'Europe et de tout le bloc soviétique : il atteint jusqu'à 1,9 % ; en 1955 et 1956, l'accroissement fut de 530 000 personnes. Le nombre total des emnlois, l'agriculture mise à part, approchait ... . 7 400 000. Comme dans les autres pays asservis, on considérait dès 1949-1950 que le problème de la main-d'œuvre était résolu en Pologne, grâce à un exode rural massif, compensant les vides creusés dans la population urbaine, réduite pendant la guerre de plus de 3 millions par les massacres, les déportations et les fuites. De même qu'en Union soviétique, ces pertes énormes de population permirent de liquider le chômage urbain d'avantguerre et parurent avoir réduit le chômage rural à des proportions raisonnables. Cependant, quelques années plus tard, les premiers chômeurs urbains se faisaient inscrire ; au printemps 1956, le nombre des chômeurs était de 51 000, un an plus tard de 62 000. Ces chiffres étaient encore très loin de la réalité, car les bureaux ne pouvaient pratiquement rien faire pour les chômeurs, et ceux-ci évitaient d'y recourir. « Personne n'ajoute foi aux chiffres officiels, pas même l'organisme gouvernemental qui les recueille», déclarait un auteur ; 15 un autre pensait qu'en fait, il y avait lieu de multiplier ces chiffres par six, arrivant ainsi à un total de plus de 300 000 en 1956 16 et à 372 000 en mars 1957. Dans un article du Po Prostu qui eut un grand retentissement, le nombre de personnes « provisoirement sans emploi » était estimé à 500 000; en outre, les auteur_s de l'article concluaient à l'existence d'un énorme chômage « camouflé », quelque deux millions de salariés ne remplissant en fait aucune fonction économiquement utile. 17 A vrai dire, personne, et le gouvernement moins que quiconque, ne connaissait le nombre réel des personnes sans travail ou sous-employées, puisque les organismes statistiques chargés de l'étude de ce problème avaient 14. T. Jivkov, La Cause ouvrière, Sofia, 29 novembre 1956. 15. A. Rajkiewicz, 1< Une politique d'emploi sans idée directrice », La vi·e économique, 1957, n ° 9. 16. Z. Krzyzanowska, « Le problème inexistant», Po Prostu, Varsovie, 10 juin 1956. 17. W. Godek et R. Turski, ibid., 24 juin 1956 BibliotecaGinoBianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE été supprimés en 1950 comme n'étant plus ~é~essaires · on ne savait même plus quelles conditions il fallait remplir pour être considéré comme c~ômeur. On pouvait se faire un~ idée des proport~o~s du problème d'après des articles de press~ de~riv_ant la situation dans certaines villes et certains districts ruraux. C'est ainsi qu'à Zakopane (24 000 h.), il y avait 6 000 chômeurs en mars 1957 ; 18 à Przemysl (42 000 h.), il y en avait 9 000; 19 dans les quatre districts ruraux de Bilgoraj, Bochnia, Nowy Sacz et Opatow, sur une population totale de_481 000 h., le nombre des chômeurs et des « reserves » de main-d'œuvre atteignait environ 50 000. 20 . Or, à cette même époque, en Pologne Centrale et Orientale on comptait environ 120 districts ruraux, ave~ à peu près 10 400 000 habitants, où les _co~ditions étaient semblables à celles des quatre districts qui viennent d'être nommés. -f\ proportion, . le nombre des chômeurs et des « reserves » de maind'œuvre dans ces régions aurait donc dépassé un million chiffre auquel il y a lieu d'ajouter les différentes 'catégories de chômeurs dans les villes ainsi qu'en Pologne Occidentale et Septentrionale, d'un total certainement inférieur. Ces données approximatives indiquent l'ordre de grandeur du problème. Elles montrent que, loin d'avoir ?isp~ru.' le « fardeau » dont parlait Gomulka continuait a peser de tout son poids. La « notion de personne superflue » n'avait nullement disparu. L'accroissement du chômage était le résultat de nombreux facteurs, eux-mêmes dus en règle générale à la politique du régime .. Dans la Pologne de 1938, 2 300 000 personnes au moins vivaient de l'artisanat et du commerce ; on comptait en 1937 373 529 entreprises artisanales, occupant un nombre de travailleurs bien supérieur (l'ensemble des petites industries employait environ 1 300 000 ouvriers) ; leur nombre était tombé en 1956 à 82 600, avec moins de 124 000 salariés. 21 La nationalisation brutale du commerce ainsi que le système des livraisons obligatoires de denrées alimentaires avaient fait dépérir des centaines de villes-marchés, dont certains centres. jusque-là florissants. Ainsi, dans quinze villes de la province de Varsovie, le nombre des salariés de l'industrie et de l'artisanat tomba, en 1956, à 6,4 et même 2 % du chiffre total de la population; à Nowy Dwor, 283 personnes seulement sur 7 370 habitants occupaient de tels emplois, et à Nasielsk 109 sur 4 598, « un tableau de misère et de désolation ». 22 Le niveau des salaires réels était tombé si bas que les femmes cherchaient du travail, au détriment de leurs obligations familiales. « En Pologne populaire, il est impossible à un travailleur de faire vivre une famille de cinq personnes », constatait un journaliste d'après son expérience personnelle. 23 18. Chiffres tirés du rapport du Comité local du parti communiste, ibid., 12 mai 1957. 19. Ibid., 1957, n° 4. 20. La Vie économique, 1956, n° 22; La Tribune du peuple, 4 septembre 1957; Po Prostu, 15 septembre 1956; · La Tribune du peuple, 11 septembre 1957. 21. A. Atlas, La Vie économique, 1956, n° 13. 22. S. Miszcal, ibid., 1956, n° 24. 23. L. Froehlich, ibid., 1957, n° 1.
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