158 les kolkhozes. Il y a certes une bouffée d'air frais, mais malheureusement dans la seule vie matérielle. Au cours du débat sur les propositions de Khrouchtchev dont il sera question plus loin, F. Généralov, un des présidents de kolkhoze les plus connus (région de Moscou) a dit ( Agriculture, 11 mars 1958): En inaugurant un nouveau stade du développement des kolkhozes, il faut condamner d'emblée la pratique de régenter les petites choses dans l'administration des kolkhozes. Les formes de la planification et du contrôle de l'emploi des tracteurs, le paiement du personnel qui les dessert, et beaucoup d'autres problèmes doivent être décidés par le conseil et l'assemblée des kolkhozes, sauf peut-être dans le cas des kolkhozes économiquement faibles. 5 Le fait même qu'une telle exigence ait pu être formulée explicitement, que l'organe du ministère de l' Agriculture l'imprime en caractères gras paraît significatif dans les conditions soviétiques. Au surplus Généralov n'a pas été le seul à se prononcer dans ce sens. Le fait récent le plus important est la « proposition » de Khrouchtchev de vendre aux kolkhozes le matériel des MTS. Elle a été faite le 22 janvier 1958, bien qu'en 1957 la conversion des kolkhozes en sovkhozes ait été pratiquée sur une très grande échelle. Le 28 février 1958, une résolution dans le sens indiqué par Khrouchtchev a été adoptée par le comité central du Parti. Puis un grand «débat» s'ouvrit dans des réunions et dans la presse. Khrouchtchev (Pravda, 28 mars 1958) a dit que du 1er au 25 mars, au moins 256 879 réunions furent tenues avec 49 909 000 participants, que 502 945 articles et lettres furent publiés, etc. La résolution du Comité central devint loi par décision du Soviet suprême le 31 mars 1958. En réalité le transfert de l'équipement des MTS aux kolkhozes avait commencé sur une vaste échelle dès le lendemain du 22 janvier, date du discours de Khrouchtchev. Il est prévu que tous les kolkhozes, à l'exception des plus pauvres, achèteront - en partie à crédit - les machines de leurs MTS. Toutefois, les kolkhozes pauvres continueront à être desservis par les MTS jusqu'à ce qu'ils deviennent assez forts. On ne sait pas encore quel en sera le nombre. Leur renforcement sera peut-être obtenu, au moins en partie, par fusions. Là où les kolkhozes achèteront les machines, les MTS seront converties en ateliers de réparation (RTS) qui effectueront les travaux les plus compliqués et serviront en même temps d'intermédiaires pour la vente des pièces de rechange, du carburant, des lubrifiants, etc. Il reste encore beaucoup de choses à mettre au point, par exemple la rémunération du personnel des tracteurs qui sera transféré des MTS aux kolkhozes en même temps que les machines. La plupart des porte-pa-role des kolkhozes souhaitent que les décisions à ce sujet leur soient laissées. Khrouchtchev et beaucoup d'autres veulent obliger tous les kolkhozes, même les plus faibles, à payer 5. Le passage en italiques figure en gras dans le quotidien soviétique cité. BibliotecaGinoBianco· L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE ce personnel au moins autant qu'il gagnait dans les MTS. Devant cette exigence, la crainte s'exprime que si certains kolkhoziens ont une situation privilégiée, dans un même kolkhoze, cela ne provoque un grand mécontentement. Les nouvelles obligations des kolkhozes concernant les prestations, etc. ne sont pas encore connues non plus. La rapidité vertigineuse avec laquelle on élimine une forme d'organisation qui existe depuis vingt-huit ans et l'étrange façon dont on laisse les gens exprimer leurs vœux n'inspirent guère confiance même à ceux qui, comme l'auteur de ces lignes, estiment depuis toujours que les kolkhozes devraient disposer de leur matériel de culture. Un observateur occidental compétent est allé jusqu'à affirmer que la nouvelle mesure préconisée par Khrouchtchev est très populaire parmi les kolkhoziens moyens. C'est possible, mais comment le saura-t-on? On hésite à croire sur parole les présidents de kolkhozes. Sauf si l'on fait payer cher aux kolkhozes (sous une forme ou sous une autre) la nouvelle organisation, celle-ci devrait influer heureusement sur la production agricole, à l'avantage de tous les . , , 1nteresses. Sous maints rapports il y a une grande différence entre la transformation des kolkhozes en sovkhozes, pratiquée hier, et leur renforcement par la possession des machines qu'on introduit à présent. Mais kolkhozes et sovkhozes ont désormais ceci de commun qu'ils ne séparent pas les paysans des machines agricoles, que les deux types d'entreprises sont propriétaires de l'équipement dont elles se servent. On peut estimer, comme Khrouchtchev, que c'est là un point fondamental, et conclure que la difféiènce entre les deux types d'organisation s'en trouve fortement réduite. Un grand débat «idéologique» est en cours. En 1952, Staline décréta que la vente des machines aux kolkhozes serait un recul sur la voie du communisme. Maintenant Khrouchtchev affirme que la voie du communisme passe par le renforcement des kolkhozes. Son communisme revient de plus en plus à permettre aux masses soviétiques d'avoir autant de beurre que les citoyens des États-Unis capitalistes. L'année 1957 a été en URSS défavorable à la plupart des cultures. La production de grains, en particulier, a baissé de 19 pour cent par rapport à la bonne récolte de 1956. Il est peu probable que la production agricole totale ait augmenté et elle a mê.me pu décliner légèrement. Aussi l'accroissement calculé pour la période de trois ans de 1953 à ,1956 peut-il être imputé plus correctement à la période de quatre ans 1953-1957. Une telle progression en quatre ans n'a rien d'impressionnant. Quand Khrouchtchev parle de réalisations accrues, il sait fort bien que la. plupart de ces réalisations nécess~ires appartiennent à l'avenir, et à un avenir nullement assuré. La réorganisation des kolkhozes et des MTS est peut-être le moyen par lequel il espère réaliser au moins en partie l'expansion nécessaire de la production agricole. N. I.
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