S. HOOK faits les manifestations éclatantes de l'inégalité politique et économique, il s'enferme tout simplement dans la pétition de principe introduite dans sa définition initiale du régime. La manière dont Gomulka conçoit le rôle des conseils ouvriers est assez différente. D'une part, il envisage leur évolution comme l'un des trois éléments principaux de la marche au socialisme selon la variante polonaise. C'est ainsi que, dans son discours de mai 1957 devant le 1xe Plénum du Comité central polonais, Gomulka a indiqué aux conseils ouvriers sept tâches principales, lesquelles - si on en prenait la formulation au pied de la lettre - feraient d'eux les maîtres des entreprises et, par conséquent, de toute l'industrie. D'autre part, tout en désavouant l'opinion qui fait des conseils ouvriers autant de délégations du pouvoir politique établi, le même Gomulka s'inquiète à l'idée que, dans leur sein, puisse être remise en question la direction politique exercée par la fraction communiste. Il voudrait que les conseils ouvriers soient autonomes; et, en même temps, il s'efforce - assez vainement, semble-t-il - de borner leurs attributions au domaine purement industriel. Étant donnée la nature de l'économie polonaise, Gomulka n'a certainement pas tort de mettre en garde les conseils ouvriers contre les conséquences d'une optique trop limitée, dans le temps et dans l'espace, quant aux nécessités de la production. Mais si on laisse vraiment aux conseils la latitude de commettre des erreurs en ce sens, cela signifierait que leurs pouvoirs sont réels et substantiels ; d'ailleurs, Gomulka reconnaît franchement aux travailleurs le droit de grève, tout en déconseillant cette manière de réagir contre les abus. Si l'accroissement des pouvoirs conférés aux ·conseils ouvriers inspire à Gomulka des sentiments assez ambigus, c'est qu'il craint que les conseils ne finissent par échapper à l'influence du parti communiste, dont il considère le rôle dirigeant comme essentiel à la construction du socialisme. Tout se passe comme s'il comprenait parfaitement que les éléments qui définissent la « variante polonaise » risqueraient fort, une fois libérés, d'entraîner la Pologne hors de l'orbite du Kremlin. Pour apaiser les alarmes des Russes, il porte les coups les plus vigoureux, non point contre ses propres détracteurs, les dogmatistes et les conservateurs du stalinisme, mais contre ceux qu'il traite de « révisionnistes »et qui sont en fait des socialistes démocratiques selon le mode occidental. Gomulka reproche aux révisionnistes de s'imaginer que le socialisme peut se construire sans lutte de classes. Il est permis de mettre en doute l'exactitude de cette interprétation ; la difficulté est plutôt de savoir quelle sorte de lutte de classes peut exister après la disparition des capitalistes et des grands propriétaires fonciers. Les conflits persistent, certes; mais, si ce sont des luttes de classes, elles sont du type décrit par Kardelj - celles où s'affrontent les travailleurs d'une part et, de l'autre, l'appareil officiel de l'État et du Parti. Gomulka est plus près de la vérité en accusant les révisionnistes de s'opposer à la dictature du parti BibliotecaGinoBianco 149 communiste. Ce reproche, ils le méritent effectivement ; mais on pourrait en dire autant de Marx. La dictature du prolétariat JL EST DEVENU parfaitement clair, de nos jours, que la cc dictature du prolétariat », telle que la conçoivent Lénine et Staline, est en substance la dictature du parti communiste sur le prolétariat et les autres groupes sociaux. Il est à peu près hors de doute que cette acception est radicalement contraire au sens où Marx employait la formule, d'ailleurs assez rare sous sa plume. Marx et Engels n'ont-ils pas présenté la Commune de Paris comme illustrant leur conception de la « dictature du prolétariat»? Or, la Commune admettait une pluralité de groupements politiques, parmi lesquels les partisans de Marx étaient en faible minorité. Dans le Manifeste communiste, Marx avait d'ailleurs pris soin de définir la position des communistes par rapport à l'ensemble des prolétaires, en soulignant que les communistes (de 1848) ne constituaient pas un parti distinct, des autres partis ouvriers, ni au-dessus de ceux-ci. La « dictature du prolétariat », dans l'ensemble des écrits de Marx, se présente sous l'aspect social plutôt que politique, et comme une antithèse à la « dictature de la bourgeoisie». Étant donné que, selon la théorie marxiste, la « dictature de la bourgeoisie» peut revêtir un grand nombre de formes politiques diverses, qui vont de la monarchie, du bonapartisme et telles autres formes du pouvoir personnel aux formes les plus variées de la démocratie parlementaire, il est clair que le contenu économique et social de la dictature du prolétariat est compatible, du moins en théorie, avec l'existence d'un ou plusieurs partis politiques et avec des structures du pouvoir très diverses, allant elles aussi de la démocratie à la dictature. Le socialisme s'est déclaré l'adversaire de toutes les formes d'exploitation et d'oppression, et de toutes les espèces de sociétés de classes où subsiste la contrainte, manifeste ou cachée. Le marxisme reconnaît, d'autre part, que toute dictature, alors même qu'elle favorise le progrès en assurant l'expansion des forces de production, est une forme d'oppression. Si l'on prend Marx au pied de la lettre, l'élimination de tout élément coercitif dans les relations humaines - le dépérissement complet de l'État - est un idéal qui relève de 1utopie ; mais une interprétation plus large fait de ce dépérissement un idéal de progrès vers une société de moins en moins soumise à la contrainte et à l'exploitation. Si l'on relit Marx à la lumière de la sociologie moderne, on e t porté à conclure que 1 s classes continueront d'exister et que la lutte entre ce classes se prolongera, alors même que leurs r les respectifs auront été m difiés par 1intr duction de rapports sociaux d'un type nou eau. Une gr v , en régime sociali te, demeure un onflit du tra ail, encore que tels puriste puis cnt h iter à pr n ne r
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