Le Contrat Social - anno II - n. 2 - marzo 1958

• :·.:n s'agit (comme le lecteur l'·a sans· doute ~é) de la formule qui torture tout le monde : << Nous vivons à l'âge atomique.» Avec ce sousentendu que toute l'expérience du passé, tout l'héritage des sagesses séculaires, voire le simple bon sens doivent désormais se taire ; ou attendre dans une résignation muette que vienne l'oracle des experts inexperts en matière d'astronautique. ·' Ce n'est pas ici le lieu d'exorciser chacune des superstitions, folies ou hérésies pseudo-scientifiques qui viennent encombrer la saine pensée militaire et politique en ce qui concerne l'influence prétendument décisive de cette nouvellè astrologie : celle des satellites artificiels, des fusées intercontinentales, des contre-fusées et autres fantasmagories. 11 suffira d'expliquer pourquoi l'idée d'une révolution totale causée par la « stratégie atomique » ou « nucléaire » ne semble pas convaincante. · De toute évidence cet « âge atomique » nous entraîne soit vers a. l'équilibre des terreurs, l'impasse des superpuissances nucléaires, soit -vers b. .la guerre nucléaire totale. Tertium non datur. · ·Les spécialistes, carriéristes et politiciens divers ·qui···dissertent à leur aise sur les engins « A » soi-disant tactiques, alors que les engins << H », -dignes .de Satan, ·seraient réservés · aux seules -mis~ions stratégiques, parlent pour ne rien dire. Personne ne sait exactement ·ce qui arriverait si les bombes, obus ou fusées nucléaires ..;._en . . . . . , . . •ID1Ss1otnacnque ou strateg1que, peu importe - se mettaient à tomber un peu partout. Mais quiconque n'a pas déjà perdu la raison sent bien que ces comètes artificielles seraient nécessairement le présage d'une forme nouvelle d'enfer : chaos ·physique et social, une de ces « fins du monde >} ·dans l'embrasement universel qu'annoncent tant -de ·mythologies. Il n'est point. prouvé que cela causerait l'extinction de toute vie sur notre planète, ni même l'anéantissement de l'humanité tout entière. Mais sûrement il s'agirait - et ·cette fois pour de bon - de la fin de notre univers civilisé : nuit, et non plus seulement crépuscule de l'Occident (pour user de la terminologie de Spengler *). Et c'est bien pourquoi le deuxième terme de l'alternative., la guerre nucléaire totale, présente peu d'intérêt pour le véridique observateur et le véritable praticien de l'art politique : il est du d<1rnainede l' Apocalypse. D'ici là, c'est-à-dire avant le Jugement dernier, nous continuerons de vivre comme nous vivons, en groupes sociaux, en communautés nationales, en Etats ou Empires • L'Midon f~nçaisC; de. Unter1ar1 des Abendlandts a Pour dtre Dkl,n th l Occident. Mais le premier sens de Unur•an, nt cr~uacule. Biblioteca Gino Bianco 6'1. souverains. Le sujet de nos .étµdes, l'objet d~ nos efforts restera comme par_ le passé l'homo politicus, et non l' « homo apocalypticus ». Cet être collectif continuera d'obéir (ou parfois de désobéir) aux lois de la politique, non à celles de la science-fiction. Malheureusement, il faut exclure également l'utopie d'un désarmement complet ou d'une réconciliation sincère qui serait le. produit de la terrorisation réciproque sinon de l'amour du prochain ... Ainsi donc, seul le premier terme de l'alternative, l'impasse nucléaire, mérite d'être retenu et pris au sérieux. LES DEUX protagonistes· démesurés, Union soviétique et États-Unis, apparaissent ·déjà au point mort de ·leur rivalité~·· de leur course nucléaire. Ce néanmoins, la lutte se poursuit sans répit, quoique par « d'autres moyens» ~ selon l'excellente formule. Mais, ce qui est pis., le Kremlin mène une guerre en somme unilatérale contre l'Amérique perplexe, l'Europe exsangue, le. monde libre décontenancé ·_ guerre d'infiltration, de subversion, de chantage ; et partout où cela lui semble possible et nécessaire, guerre de coercition .directe (comme. en Hongrie, pour ne. prendre que le plus récent exemple). En d'au~res termes, les communistes font la guerre par tous les moyens sauf celui du suicide atomique~ Quant aux .États-Unis, mal équipés pour cette sorte de belligérance, ils ne se sentent ni à même ni désireux de prendre la tête d'une contre-offensive ··politique .de même nature, pourtant urgente. Depuis 1945, ils n'ont à aucun moment exercé ce genre de leadership alors même qu'ils se trouvaient au sommet de leur pouvoir et de leur prestige internationaux. Car la doctrine Truman, le plan Marshall, la défense de la Grèce., de Berlin, de Formose, de la Corée, etc., si dignes d'éloges qu'ils fussent, étaient toutes des opérations essentiellement défensives. Une telle attitude qui ne vise qu'à « contenir » l'ennemi (containment policy) ne peut guère obtenir de résultats durables. A peine est-il besoin de mentionner les velléités plus tardives et ·vite abandonnées, telles que la «libération», le « refoulement » (roll-back), la déambulation somnambulique « au bord de l'abîme » (« brinkmanship ») et autres « doctrines ». D'autre part., les efforts bien intentionnés mais toujours incohérents visant à réorganiser, à ressouder pacifiquement les fragments épars d'une économie globale, ou à en faire une « communauté mondiale » selon le schéma de l'ONU (institution

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