122 discuter avec l'ambassadeur allemand à Berne. Nous ne pouvons y participer directement ni indirectement ; notre participation gâterait tout. Mais le plan, en luimême, est très bon et très juste. 2 Le 28 mars, Lénine télégraphie à J. Ganetski, son homme de confiance à Stockholm : Une autorisation de Berlin est pour nioi inacceptable. Ou le gouvemement·suisse obtiendra un wagon jusqu'à Copenhague; ou · le .gouvernement russe négociera l'échange de tous les émigrés contre des ·Allemands internés. 3 Le 30 mars, nouveau télégramme de Lénine à Ganetsk.i_:. Votre plan ~l inacceptable. L'Angleterre ne me laissera jamais passer, m'int~;nera plutôt.· Milioukov trompera. Unique espoir : envoyez· qµtlqu'un à Pétrograd, obtenez du Soviet des députés ouvtjer_s l'échange contre des internés allemands. 4 · Ces textes· authentiques font comprendre que Ganetski, dont on n'a pas les télégrammes, s?enquérait de divers côtés pour trouver une solution et n'était nullement l'agent allemand que tant de gens ont accusé à la légère. Cependant Robert Grimm, député socialiste suisse, faisait des démarches qui n'avançaient pas vite, au nom des Russes impàtients de partir. Le 31 mars, Lénine lui adresse un · télégramme pressant. 5 Le même jour, le groupe bolchévik adopte une résolution constatant· que ((· la proposition de R. Grimm est pleinement acceptable puisqu'elle garantit la liberté de passage indépendamment des tendances politiques » et que «· la proposition est fondée sur le plan d'un échange d'émigrés russes contre des Allemands internés en Russie>>. 6 . Mais la résolution constate aussi avec regret que les représentants· de « certaines tendances » sont d'avis d'ajourner leur décision (en effet, ils voulaient une approbation du soviet. de Pétrograd pour se couvrir). Quant à Lénine, il ne s'embarrasse pas de tant de scrupules : il a hâte de participer aux événements. Le 5 avril, il télégraphie à Ganetski : Nous avons un retard incompréhensible. Les menchéviks exigent la sanction du Soviet des députés ouvriers. Envoyez immédiatement quelqu'un en Finlande ou à Pétrograd ·t,oùr s'entendre avec Tchkheïdzé (président, menchévik, du Soviet] autant que possible. 7 Et comme Grimm, qu'il tenait pour « centriste », donc suspect, ne menait pas ses démarches avec assez de conviction, il avait confié à Fritz Platten, autre socialiste suisse, le soin de conclure. A quelles conditions? . Ces conditions figurent dans un ·memorandum de F. Platt~n daté du 4 avril et sont reproduites dans d'autres· _documents du temps. Pour l'essentiel, elles stipulent le droit d'exterritorialité reconnu au 2. Lénine, ibid., t. XXXVI, p. 381. 3. Ibid., p. 386. 4. Ibid., p. 387. · ·5. 'Ibid., p. 38tt 6. Lénine,. 1:. :XXIII,. x>• .3.5.5. 7. Lénine, t. XXXVI, p. 390. •• ·- ,J Biblioteca Gino Bianco · LE CONTRAT SOCIAL wago11 convoyé par l>latten qui seul, serait en contact avec les autorités allemandes, les voyageurs étant admis sans distinction d'opinions politiques et exonérés de tout contrôle (ce qui permit d'emmener K. Radek, de nationalité non russe); l'autorisation du passage n'était accordée qu'à· titre d'échange avec des prisonniers ou iilternés allemands et autrichiens en Russie (Otto Bauer, · notamment, .·sera libéré en vertu de cette clause). Cela ne rèsseinble pas à une connivence entre « Lépine et le· Kaise~1 »-; Dans leurs dernières déclarations, avant de- · •sê mettre en route, les bolchéviks •tépétaient · lem irréductible hostilité à l'impériaµs~e allemand~ 1 e,t leur volonté de « guerre révolutionnaire ·contre l'Allemagne impériale » après la ·ptise du pouvoit en Russie (< par la classe ouvrière ». · · >,.,. Ainsi Lénine et ses amis n'avaient aucune obli~ gation envers les Allemands, sauf celle de faire tout leur possible pour échanger un. hombre égal ·= dé prisonniers détenus · en Russie.· Le .9· avril, tin premier groupe de 32 personnes quitta ·1a Suisse~ comprenant 19 bolchéviks, 6 bundistes, 3 nienèhélviks-internàtionalistes. Le wagon'ti'était pas plombé, ' ni le train scellé, ·encore moitis « blindé 1 ·».· Léttioë refusa sèchement de voir · des, social-démocratès allemands qui montèrent dans 'lë wagon à Berlin~ Il repoussa avec dégoût une velléité de Parvus, ex-soc1wiste devenu ·homme d'affaires et plus ·oü moins agent du gouvernement' allemand, désireux d'avoir une conversation avec·· Iùi. ·· Le· 16 avril; Lénine et ses compagnons de voyage étaient reçùs à Pétrograd pat N. Tchkheïdzé, · président du soviet, et M. Skobelev, vice-président, délégués du Comité exécutif, ainsi que par_un:e·foule inimensè que les bolchéviks locaux avaient rassemblée. Le journal de P. Milioukov (cadet,: ministre des Affair~ étrangères) s'était exprimé ainsf : ((.Un chef soëià;. liste aussi uni~llement connu ·qu·e Lénine doit entrer dans l'arène et nous ne_pouvons que saluer son· artivée en Russie, quelle que soit notre .opitiiott sur ses doctrines politiques. » 8 · : •.. , Un mois plus tard, quelque deux cents réfugiés politiques russes, en grande majorité menchéviks ou « social-patriotes », qui avaient dé·savoué ·1e départ de Lénine comme prématuré, ·faute de l'approbation du Soviet, prenaient le ·même chemin, las d'attendre une décision de Pétrograd qui ne venait pas. L. Martov, cette fois, était du nombre. A leur sujet, personne ne parle de wagon ·plombé, scellé ou blindé. Ils firent pourtant le même voyage, dans les mêmes conditions, ni plus ni moins innocents ou coupables que Lénine. · ' Les intentions du Chancelier allemand von Bethmann-Hollweg qui prit la responsabilité de l'opé.'.. ration étaient évidentes, pour les bolchéviks comme pour tout lê monde. De part et d'autre, les témoignages explicites abondent. Du côté allemand, on a ceux des généraux Ludendorff et Hoffmanti, les mémoires du so·cial-démocrate Scheidemann, un livre de Parvus, etc. Du côté bolchévik, .on a tous les textes de Lénine (lettres, télégrammes, notes), les souvenirs des participants (Kroupslraïa, 8. B. Souvarine, op• .cit., .I). 141. · .. '.. . . , . . . •;; ; .. , ;
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==