Le Contrat Social - anno II - n. 2 - marzo 1958

118 chiffres sur un cadran ét.ablit ·un 'circuit d'échanges et crée nombre de possibilités. Opérant sur un nombre immense de données, donc de signes, les machines combinatoires de la cybernétique moderne ~quivalent à des bureaux d'études ou à des organes de direction dont le travail est· presque instantané. Leur· actjon se complète par celle de dispositifs d'auto-régulation qui font que les machines tiennent elles-mêmes le volant de leur marche. · · Après nous avoir donné une vue précise des faits et des moyens, que complètent des indications sur le développement de l'automation aux ÉtatsUnis et en Occident, l'auteur cherche à prévoir les répercussions des techniques nouvelles sur la structure des entreprises, la vie économique, la condition des travailleurs. Il le fait en toute pondération, sans vouloir nous ébahir ou nous épouvanter; n'allons pas au-delà de ses conclusions très prudentes. : On ne sait si l'automation va pousser à la concentration des entreprises . ou si elle permettra de ·synchroniser l'action de nombreux ateliers apparemment dispersés~ On ne sait pas davantage si elle va créer un chômage de plus en plus étendu ou bien ·si l'on parera au danger grâce à la réduction de la ·semaine de travail, à l'augmentation de la consom- ' ·mation, à l'apparition de nouvelles industries ... ·ce qui semble· par contre tout à fait probable, c'est ta· conformation de la vie · industrielle à un type ·d'orgànisation ·· dont, selon M. Pollock, la vie ;militaire fournit -l·e modèle. : ' Les chefs ·d'entreprise, dont les responsabilités ne seront pas diminuées mais accrues, disposeront d'états-majors o4 les cerveaux· électroniques accom- 'pliront leur· tâche d'information et proposeront les programmes. Les cadres d'ingénieurs se feront plus nombreux et plus spécialisés; les ouvriers, libérés de l'effort m:risculaire mais astreints à la tension précise d'une surveillance continue, ressembleront à des employés, des contrôleurs ou des s~ntinelles, plus qu'à des tâcherons de style ancien. Chacun sera ramené · par ces pronostics aux problèmes généraux que pose, moins la recherche de la justice sociale, que la défense de la culture et de la liberté. · LÉON EMHRY. Dostoïevski et les Soviets VLADIMIR SEDURO : Dostoievsky in Russian -Literary Criticism. z846-z956. New York, Columbia University Press, 1957. V 01c1 un ouvrage que pourront lire avec fruit :et ceux' qui s'intéressent à l'histoire de la littérature ·russe et- ceux ~ue ne-rebute pas la micrographie de Ia· censure communiste. Aux uns, ce nouveau ;livte· de M. Seduro, ancien professeur de littérature ·à l'Université de Minsk et ex-membre de l' Asso- ,c. iation des écrivains soviétiques, donnera un aperçu 'fort utile des· jugements successifs portés en Russie Biblioteca Gino Bianco LE·. :cONTEAr ·SOCI:A 1 L - .... sur l' œuvre · de Dostoïevski ainsi ·qu'une précieuse bibliographie. Aux autres, il montrera les efforts tortueux déployés par les communistes - pour s'approprier· la figure· indomptable,· intraitable de D·ostoïevski, l'une des- gloires . de la littérature russe, mais aussi censeur pénétrant entre tous -et adversaire acharné de ceux dont le· régime actuel revendique l'héritage spirituel. Certaines œuvres majeures de Dostoïevski, et notamment les Mémoires écrits dans un· souterrain, Crime. et châtiment, les Démons, scrutent profondément, et abattent pièce à pièce, avec une force d'imagination incomparable, les . idées et les · idéaux chers à Biélinski, Herzen, Tchernychevski, Dobrolioubov et Pisarev - c'est-à-dire à la plupart des pères spirituels de la Russie d'aujourd'hui. Le « problème » :Dostoïevski donne ainsi du fil à retordre aux idéo- .logues. CERTESd,ès avant Staline.et Jdanov, ce «problème» se posait déjà pour l'avant-garde russe, dont les réactions à l' œuvre dostoïevskienne, depuis la publication des Pauvres gens en 1845, sont analysées dans la première partie de l'ouvrage de M. Seduro. Dès l'année de leur publication, les Pauvres gens furent salués par Biélinski comme le premier roman social russe; mais l'ardeur du critique ne tarda pas à tiédir quand Dostoïevski se détowna des questions sociales. Lorsqu'en 1861 Dobrolioubov écrivit son célèbre essai sur Dostoïevski « Gens oubliés», ce dernier avait déjà pris position publiquement contre l'aile extrémiste (Tchernychevski et Dobrolioub~ui-même), qui prétendait soumettre toute œuvre littéraire à des critères politiques. Dobrolioubov n'en tenta pas moins d'enrôler Dostoïevski dans le camp libéral en présentant l'ensemble de ses premières œuvres comme une justification des âmes « offensées et humiliées·>~ sous le joug de l'injustice sociale. Or, après lesPauvres gens, si Dostoïevski s'insurge encore contre l'oppression sociale, ce n'est plus du tout son thème · principal. Il n'empêche que de nos jours encore, il arrive que les premiers livres de Dostoïevski soient interprétés à la lumière de la thèse tendancieuse de Dobrolioubov. M. Seduro, lui aussi, attache un grand prix à l'essai de cet auteur (p. 15). L'on relève certes dans cette étude quelques observations judicieuses, mais comme il s'agit de toute évidence d'une tentative pour exploiter l' œuvre de Dostoïevski à des fins politiques précises, on peut se demander si la vigilance de M. Seduro n'a , , , . ·pas ete surpnse. La même question se pose lorsque l'auteur aborde sans plus de circonspection l'essai de Pisarev sur Crime et châtiment. Nul ne pouvait ignorer en 1867, lorsque parut cet essai, l'hostilité qu'affichait Dostoïevski envers les révolutionnaires. Crime er châtiment n'était pas autre chose qu'un coup mortel dirigé contre le nihilisme, alors représenté précisément par Pisarev. Et celui-ci, dans son essai, voulut seulement parer le coup en démontrant

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