64 poids du nombre, ou la mécanique orgànisée. Personne ne semble contester une vérité aussi évidente, pas même les experts, les technocrates et autres stratèges en Occident. Les États-Unis qui accumulent des stocks de bombes nucléaires dont le pouvoir de destruction se mesure en milliers de mégatonnes se ·préoccupent aussi de ·· planifier la « guerre psychologique» et tâchent de« mener le combat de la paix» par des moyens impondérables. Il existe donc d'autres forces que celles de la physique. Or parmi les gens qui admettent cette dualité du spirituel et du matériel, du moins en théorie, rares sont ceux qui en tirent les conclusions pratiques. Avec une monotonie déprimante, d'une année à l'autre se succèdent les manifestations stériles de la passivité occidentale. Maladie des cerveaux, ou des cœurs - non des corps - elle se cache dans les méandres d'une politique par laquelle on arme les adversaires éventuels, on encourage les ennemis déclarés tout en croyant pouvoir acheter la sympathie de neutres hargneux ou hostiles, et concilier ce qui n'admet ni conciliation ni • co~prorms. _ _ _ __La question se pose aux maîtres de la stratégie occidentale : sommes-nous vraiment conscients .de .la valeur suprême du moral (pour ne rien dire _·de la morale) en tant que source de tout pouvoir _politique digne de ce nom, de toutes alliances ou çoalitions efficaces ? Question qui n'implique pas la .négation du rôle des États-Unis dans la vie internationale. Il ne s'agit pas non plus de rejeter les responsabilités_ de l'Occident sur la _seule Amérique. Les erreurs des Américains. suivent une ornière creusée depuis longtemps par les Européens qui ont fait faillite et se sont trahis eux-mêmes à l'époque d'entre les deux grandes guerres. On ne saurait _éluder ladite _q_uestion, et d'autres_qui s'ensuivent, si l'on veut écarter une catastrophe peut-être évitable. .. ·- ; ' 0 . , N NE VAINC PAS automatiquement en etant --_ -matériellement les plus forts. En réalité --(une _réalité dont les faiseurs de plans tiennent rarement compte) il se trouve bien ·souvent -que ·ce sont les « plus faibles » qui l'emportent, · tant dans la défensive que dans l'offensive. Toute · !'Histoire est là pour le prouver, depuis la Bible et -Hérodote jusqu'à nos jours. · ·' Dans le programme d'éducation classique · {enc~re en vigueur en Europe, des deux côtés du ·rideau de fer) les jeunes gens prennent leur prenûére leçon de civisme à l'école des _guerres médiques. - C'est la résistance de Sparte et --d'Athènes contre, les Perses, la supériorité de BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL Pallas Athéné sur le Grand-roi, l'esprit héroïque de la Cité en armes faisant face aux hordes du despotisme asiatique·qùi est l'Idée fondamentale, mère de toute civilisation en Occident. ··Depuis -lors··1à·vérÎt~ble·Europe, même et surtout l'Europe conquérante, ·.a fondé sa grandeur - sur son génie plus que- ·sur ses forces armées. Dans la discorde perpétuelle qui unit l'Occident à l'Orient, aucune victoire ne fut plus fructueuse que celle d'Alexandre qui poussa l'hellénisme jusqu'en Inde. Mais quelles étaient donc les ressources matérielles du royaume de Macédoine, comparées à celles de l'empire des Achéménides? Autre exemple, symbolisant mieux encore le sort du monde européen : Rome, avec sa grandeur et sa décadence. Les Romains, lorsqu'ils entreprirent de dominer le Mare nostrum, n'étaient ni riches ni nombreux. La ville impériale devint populeuse, fastueuse, opulente pendant que son immense Empire déclinait, alors que n'importe quelle bande de Barbares hardis pouvait en faire sa proie, et que cinquante millions d'hommes se paraient du nom pompeux de ((Romains ». . . Toutefois, il ne faudrait pas croire que ce rapport inverse entre la vraie grandeur et les trompeuses dimensions numériques ou spatiales soit un trait spécifique de la seule histoire européenne. Celle des pays de l'autre côté de la Méditerranée abonde en illustrations du même paradoxe apparent, et particulièrement dans le moride de l'Islam. .. Ils étaient maigres, faméliques, ils n'étaient qu'une poignée, ces Bédouins rôdeurs et pillards qui battirent les fiers capitaines du Roi des rois et du _César de Byzance. _Mais lorsque_ ces -mêmes Arabes se furent installés en heureux possédants, en gens trop gras, d-ansleur domaine sans bornes (ce qui arriva au bout de cent ans -environ), ils furent . balayés aussitôt par des rivaux· plus affamés, qui brandirent à leur tour le glaive de l'Islam. Les derniers furent ces Turcs qui donnèrent l'assaut à Constantinople, assiégèrent Vienne, faillirent expulser la chrétienté de la .Méditer- .ranée en la refoulant vers les océans .encore ·ténébreux, à la périphérie du mon_de civilisé. Ils semblaient irrésistibles, les Turcs ottomans : · l'Europe, l'Asie, puis l'Afrique tremblaient à leurs pieds, jusque vers la fin du xv1e, voire en plein xv11e siècle. Pourtant ils n'étaient point très nombreux tant qu'ils restèrent terribles. Dans leur immense empire, au cœur des trois. continents, ils ne se multiplièrent que dans leur décadenc~/ sorte que bientôt leur Sultan-Calife devint ,l'Homme Malade proverbial, jouet _d_e -la diplomatie européenne. ..-. .-..- .
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