QUELQUES LIVRES Évolution · dcis institu.tions , JACQUESELLUL: Histoire des Institutions, tome II (2 vol.). Paris, Presses universitaires de France, 1957. CET OUVRAGEde 900 pages, en deux volumes, comprend la période qui va du Moyen Age au second Empire. Il ne se limite pas aux institutions politiques et juridiques. A juste titre,· l'auteu·r englobe dans son étude les institutions économiques et sociales. Ce ·n'est pas qu'il obéisse à certaines tendances qui attribuent la primauté aux faits économiques. Au contraire, dès sa préface, il s'en défend. Et il démontre, à l'occasion, que l'économie a joué dans la formation et le· développement des structures un rôle moindre que les doctrines (Richelieu~ Louis XIV, Bossuet pour la monarchie absolue) ou d'autres facteurs comme par exemple la « loi de croissance intrinsèque des institutions ». M. Ellul intègre les faits économico-sociaux dans le développement historique, donnant ainsi à chacune des grandes époques une image globale de la société en formation et en mouvement. L'ouvrage est, en principe, destiné aux étudiants de seconde année de licence en droit. Mais la loi de 1954 qui a instauré la réforme des études de droit a ·élargi le programme étriqué d'autrefois. On est loin de ce qui, sous le précédent régime, était enseigné sous le titre d'« Histoire du Droit>> et qui ressemblait un peu à de l'archéologie. L'étudiant aura désormais une vision vivante et non ésotérique du passé dont descendent les structures _contemporaines. Et l'« honnête homme>> lira avec profit et aisance cet ouvrage qui, pour certains, remplacera de gros traités et, pour d'autres, servira d'introduction à l'étude de périodes déterminées. La bibliographie abondante à la fin de chaque chapitre sera un guide utile à l'étude plus approfondie. Indépendamment de l'intérêt historique «pur», le lecteur contemporain est préoccupé des rapportsentre l'État et la nation, entre le pouvoir et l'individu, problème devenu si aigu au xx0 siècle. Dans l'histoire des institutions, il recherche des origines, des enseignements, des points de repère. Dans l'ouvrage de M. Ellul, ce thème ressort surtout à partir de la monarchie absolue, lorsque apparaît la« Nation organisée par l'État» ou intégrée par lui. Il est explicitement évoqué en termes d'aujourd'hui avec l'ère libérale (1815-1870), lorsque le développement parallèle du nationalisme et de la démocratie aboutit à l'accroissement de la puissance de l'État, qui prépare le « complexe ultérieur de l'État-Nation », alors que celui-ci est la C( négation même de l'État libéral ». Le XIX8 siècle connaît déjà la contradiction entre l'aspiration à desserrer l'emprise du pouvoir et la constatation que, confié au peuple, « le Pouvoir n'est pas moins tyrannique; chaque fois que l'on 'est adressé directement au peuple, celui-ci a conduit à un régime autoritaire n. M. Bllul ne conclut pas. Au seuil de la troisième Biblioteca Gino Bianco République, où ·s~arrête son ouvrage; le xixe siècle lègue au xx0 la contradiction insoluble que connaî ... tront aussi bien les démocraties que les régimes totalitaires. Sur le plan économico-social, la France bour ... geoise du premier essor capitaliste préfigure aussi l'avenir des pays de l'Est qui, au xx0 siècle, auront à bâtir à leur tour 1es fondetnents de l' économi~ industrielle. Le critère dominant de l'économie libérale est « économique d'abord ». Tout doit être subordonné à l'essor de l'économie. L'homme doit se soumettre aux exigences de la production. Cela était complété, il est vrai, par la présupposition .que le développe .. ment économique doit, en définitive, profiter à l'homme. Tout homme était· appelé à participer à la multiplication des richesses. Et c'était bien la réponse des bourgeois aux constatations relatives à la situation des ouvriers : « Leur condition est actuellement pénible., mais plus tard ils accéderont à l'enrichissement général. » Logomachie « socialiste >>mise à part, on retrouve là le langage des zélateurs des plans quinquennaux . , . sov1et1ques. M. Ellul a été gravement handicapé par le programme universitaire, qui l'a obligé à se borner strictement à la France, « sans perspective et sans comparaisons >>avec les autres pays d'Europe. Cette lacune, au grand dépit de-l'auteur, est très dommageable pour l'étude du Moyen Age et de la Renaissance. Elle l'est encore davantage pour celle des époques plus récentes, lorsque l'évolution à la fois solidaire et diverse des pays d'Occident commande l'étude comparative. Cette lacune limite la portée de l'ouvrage. Elle lui laisse, cependant, toutes ses qualités. PIERRELoCHAK Conséqt1ences de l'automation • . FRÉDÉRIC POLLOCK : L' Automation. Ses conséquences économiques et sociales. Paris, Les Éditions de Minuit, 1957. Au DÉBUT du siècle, Taylor et Ford furent les pionniers d'un ordre nouveau tendant au meilleur emploi possible de l'outil et de la main-d œuvre. Conjuguées à d'autres, leurs méthodes conduisirent à ce qu'on appela d'un terme général et vague la rationalisation technique : coordination des ateliers, division du travail, montage des chaînes de production, économie des gestes, fixation des cadences, etc. Consacra11t à l'automation un livre fort clair, objectif et judicieux, M. Pollock ne prétend pas partir de la table rase ; il sait fort bien que le phénomène décrit par lui constitue moins une nouveauté absolue que la vertigineuse accélération d'un processus inévitable. En théorie tout est très simple; l'exemple banal du téléphone automatique suffit à montrer comment une combinai on de •
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