Le Contrat Social - anno II - n. 2 - marzo 1958

114 domaines, et le système du servage qui donne aux propriétaires fonciers un pouvoir quasi absolu sur leurs péons. Un exemple extrême est celui de ces propriétaires des Andes qui envoyaient travailler leurs péons dans les mines tout en s'attribuant leurs salaires. Nulle part en Amérique latine les communistes n'ont hésité, jusqu'à ces toutes dernières années, à aider ces éléments féodaux à se perpétuer, en collaborant avec les dictatures établies ou avec des régimes de tendance totalitaire ou démagogique, toutes les fois qu'un tel soutien servait leurs fins propres. C'est ainsi qu'il y a quelque vingt ans, au Pérou, ils appuyèrent le dictateur Leguia. D'autres exemples sont offerts par · l'action communiste au Chili, au Guatemala, au Venezuela et dans la République Dominicaine. Depuis quelques années cependant, les communistes prennent certaines précautions pour se couvrir dans l'éventualité d'une défaite de leurs alliés habituels. A présent, ils se divisent en deux factions apparemment opposées ; l'une se charge de collaborer avec le gouvernement existant, l'autre avec l'opposition. Cette technique a été appliquée sous le régime de Peron en Argentine, et plus récemment, sous des régimes dictatoriaux au Pérou et au Venezuela. Le communisme latino-américain s'est toujours conformé docilement à toutes les variations de la «ligne»; il a connu lui aussi l'étape du socialfascisme, puis celles du front unique et du front populaire. Du fait de la faiblesse numérique des divers partis communistes, ils sont solidement encadrés ; leur structure bureaucratique est bien plus manifeste que dans les partis bénéficiant d'un appui populaire plus large. Même des événements tels que la révolution hongroise de 1956, qui a causé ailleurs de profonds remous dans les rangs communistes, n'ont guère eu d'écho à l'intérieur des partis d'Amérique latine .. Pour les cadres « professionnels» qui animent ces partis, l'obéissance à Moscou découle de leur situation même. Si les « masses » échappent à l'influence communiste, cela ne signifie nullement qu'elle ne s'exerce pas, et cela notamment, nous l'avons vu, dans les villes, parmi la classe moyenne, l'intelligentsia, les étudiants qui façonnent l'opinion publique. Ainsi, mieux encore qu'ailleurs, les compagnons de route sont en mesure en Amérique latine de jouer un rôle hors de proportion avec leur nombre. * ,,.,,. DEUX FAITS particuliers relevés par R. Alexander méritent· d'êtr~ signalés. L'un est l'absence de personn~ités de· premier plan dans le mouvement communiste d'Amérique latine, qu'il s'agisse de chefs politiques ou de théoriciens. Ni le sociologue marxiste argentin Anibal Ponce, ni l'éminent · journaliste J. C. Mariategui, ·fondateur_-du- parti socialiste péruvien, l'un et l'autte;~décédés->:n'étaient membres du parti communiste. , L'autre fait à retenir est que le communisme n'a acquis une force -réelle que là oit il a réussi à BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL dominer des organisations syndicales. Nous avons vu qu'en règle générale la classe ouvrière lui échappe. Mais au Chili, par exemple, les communistes sont particulièrement bien retranchés ; c'est qu'ils y tiennent de nombreux sy_ndicats. On peut constater de ,même qu'ils n'ont jamais été plus forts au Mexique qu'il y a une dizaine d'années, lorsqu'ils y tenaient les syndicats sous leur coupe. En contrepartie de ces quelques succès, que d'erreurs et d'échecs ! Le professeur Alexander donne bien des exemples des grossières fautes de calcul commises par Moscou, et de l'incompréhension radicale des problèmes de l'Amérique latine dont faisaient preuve ceux qui dirigeaient naguère les cadres communistes nationaux. Au Mexique, par exemple, le Parti reçut l'ordre de s'opposer d'abord à Calles, puis à Cardenas, puis de nouveau à Calles - les deux présidents étant considérés tour à tour comme trop « avancés » pour appuyer la cause communiste. Au Chili, au Pérou et au Venezuela, les communistes exécutèrent des volteface semblables, soutenant à tel moment la cause populaire, mais se ralliant finalement à ses adversaires. Ces dernières années, toutefois, il semble que l'on s'applique à Moscou à mieux connaître l'Amérique latine, et même à se fier à des spécialistes de la région pour bien distinguer les problèmes de l'Amérique latine de ceux d'autres régions sousdéveloppées. C'est là un « progrès » sérieux depuis l'époque de Lénine et de Staline. M. ALEXANDEcRonsacre une particulière attention aux relations qw existent dans les divers pays d'Amérique latine entre le communisme et l'armée, problème important en raison du rôle essentiel et trop souvent dangereux joué par les militaires dans la vie politique. Comme il le souligne, certains clans militaires, bien qu'ils ne menacent pas nécessairement, de façon directe, la sécurité de l'État, constituent pour les communistes un moyen d'action redoutable. Dans leurs efforts persistants pour se hisser au pouvoir, tels de ces groupes militaires peuvent se heurter à des courants politiques - créant des situations dont les communistes sont faits pour profiter. Pour peu que la tension s'accentue, comme ce fut le cas au Guatemala, la situation peut devenir assez grave pour imposer une solution militaire. R. Alexander conclut en rappelant ces points fondamentaux concernant le communisme latinoaméricain : ' · 1. Ses militants ne sont ni des « réformateurs -agraires », ni des « révolutionnaires nationaux », ni quoi que ce soit d'autre que des agents disciplinés du Parti. 2. Le danger est bien plus politique que militaire. 3. Ses conditions de travail ne diffèrent guère de celles qui prévalent dans les autres régions sous-_ développées, lorsque s'y produisent des changements précipités par l'industrialisation.

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