Le Contrat Social - anno II - n. 2 - marzo 1958

110 démissionna après la venue au pouvoir du gouvernement Pétain), constitueraient à elles seules un important ouvrage si elles pouvaient être recueillies. Ses fonctions officielles n'entravèrent que peu les études personnelles de ce travailleur infatigable, ni sa participation active aux associations dont les objectifs correspondaient à ses propres intérêts. 11 obtint en 1925 le doctorat ès lettres avec la présentation d'une thèse remarquable, amoureu- ·sement ciselée à l'aide de documents pour beaucoup inédits, qu'il consacra à la Vie et l' œuvre de Flora Tristan - une figure originale entre toutes du socialisme romantique. 11 fut membre très actif de plusieurs sociétés de recherches historiques, comme de la Société d'histoire moderne et de la Société d'histoire de la Révolution de 1848. Il fut d'abord ·membre du Comité directeur de cette dernière association, puis son vice-président dès 1929. Il .donna fréquemment des articles à sa revue ou présenta des communications à son assemblée .annuelle ; à -l'assemblée. de 1957, encore, c'est lui qui prononça l'éloge funèbre du président honoraire Justin Godart. La Revue d'histoire économique et .sociale, la Grande Revue, la Revue de Paris, d'autres encore, publièrent des articles de J. L. Puech. Lorsqu'il quitta Paris pour se retirer dans sa propriété familiale de la Borieblanque, dans le Tarn, les sociétés régionales de recherches historiques bénéficièrent semblablement de sa collaboration. Car son activité intellectuelle demeura intense jusqu'aux dernières semaines de sa vie. A l'aide de la riche bibliothèque qu'il avait su se constituer - et qui annexait chaque année d'autres locaux de la vaste maison pour y étendre ses rayonnages bien chargés - ainsi que des archives régionales qu'il visitait assidûment, il put poursuivre ses travaux historiques dans le calme de la vie campagnarde et il profita de ces circonstances pour les orienter vers l'histoire locale. Il fournit également un effort considérable à la société des cc Amis de Proudhon », tant en apportant par plusieurs études sa propre contribution à l'analyse de la doctrine proudhonienne qu'en travaillant à l' œuvre collective : la nouvelle édition des œuvres de Proudhon. Associé à C. Bouglé dès le début de ce travail, J. L. Puech assuma finalement la responsabilité de le diriger après la mort de son ami, en 1940. Il s'appliqua à faire avancer la publication de cette édition critique, si précieuse pour une meilleure compréhension de la doctrine complexe de Proudhon, avec le dévouemen-tqu'il avait déjà su apporter plusieurs fois dans sa vie, et pour de longues périodes, à l'accomplissement d'une charge administrative que la confiance de ses collègues lui avait imposée. Confiance, certes, dans sa capacité technique à bien remplir cette charge, mais aussi confiance dans la · conscience qu'il .apporterait à l'accomplissement régulier de travaux astreignants, et même -fas-tidieux et obscurs, du moment qu'il les estimait utiles. 11 semblait que ces sortes de responsabilités pesantes recherchassent avec prédilection ses épaules qui jamais ne se dérobaient volontairement au fardeau. Mais la fatalité lui a fait abandonner celui-ci en cours BibliotecaGinoBianco IN MEMORIAM de route. C'est· vraiment -au pivot que le sort vient de frapper en sa personne le groupe des « Amis de Proudhon», déjà si cruellement décimé par la mort dans les dernières années. ON NE PEUTterminer cette courte notice biographique sans dire ce que furent les qualités de l'historien. Lecteur inlassable, habile fouilleur d'archives, il se passionnait à la recherche d'un document inédit, chassait avec un flair subtil les données historiques et utilisait son butin avec un scrupuleux respect de la vérité. Il s'efforçait d'être précis et objectif dans la reconstruction des faits. 11 avait horreur de l'histoire romancée. Il ne se permettait pas de combler une lacune d'information par l'imagination. Lui, dont la vie était si pleine d'obligations qu'il devait maintenir un strict emploi du temps pour mener à bien ses diverses tâches, n'hésitait pas à sacrifier plusieurs heures ou même journées de recherches dans des bibliothèques ou archives pour redresser l'erreur qu'il avait cru déceler dans un document de seconde main. Cependant, le document écrit ne lui suffisait pas. Il s'efforçait de retrouver les liens vivants qui pouvaient nous rattacher encore aux réformateurs sociaux du x1xe siècle, objet de ses études. Originaire d'une province où le saint-simonisme fut florissant, il réussit à renouer de tels liens avec plusieurs des dignitaires de l'Église saint-simonienne du Midi. Julie Toussaint, fille de l'un des principaux saintsimoniens (Gabriel Toussaint de Castelnaudary), évoquait pour lui ses souvenirs d'enfance et faisait revivre à son profit le milieu d'apostolat social où elle avait grandi. Elle-même femme de valeur, collaboratrice intime d'Elisa Lemonnier pour la fondation des écoles professionnelles de filles qui longtemps portèrent ce nom, elle appartenait à la meilleure tradition saint-simonienne : celle des réalisateurs. Par Julie Toussaint, J. L. Puech fut mis aussi en relation directe avec les descendants d'Eléonore Blanc, la fille spirituelle de Flora Tristan "et son associée dans sa tentative pour créer · des unions ouvrières. Eléonore Blanc avait recueilli des mains de Flora Tristan le journal intime où celle-ci consignait chaque jour ses impressions et ses expériences. Demeuré dans la possession de la petite-fille d'Eléonore Blanc, ce journal fut mis à la disposition de J. L. Puech ; document unique grâce auquel la figure singulière de l'apôtre de l'« Union ouvrière», et le milieu populaire où elle peina, purent être illuminés d'une sorte de lumière directe et nous apparaître dans une vision d'un réalisme impressionnant. Contrairement à beaucoup d'amants du document rare, J. L. Puech savait partager généreusement ses trouvailles avec d'autres chercheurs · auxquels celles-ci pouvaient être utiles. Et là, il faut souligner ce qu'était l'homme sur le plan des relations individuelles. Il savait s'intéresser aux travaux d'autrui, conseillait volontiers l'historien novice en mal de documentation qui venait le consulter pour la préparation de sa thèse. Avec complaisance, il

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