Le Contrat Social - anno II - n. 2 - marzo 1958

.. 106 classe au lycée, et ils en sortent pour subir avec succès les concours les plus difficiles. Leur exemple semble démontrer que les notions les plus subtiles de notre civilisation tiennent à l'aise dans un cerveau maugrebin. J'entends bien que ce sont des Juifs, une race à part; mais est-ce une race biologiquement distincte, ou une nation développée à travers les siècles par la pratique d'une religion _commune, un patriotisme jaloux, un genre de vie très spécial, l'intermariage? Depuis quinze cents ans, nous cons.t~tons la présence de ces gens-là au Maghreb et il n'est pas prouvé qu'ils y soient jamais venus d'ailleurs. Ce ne sont pas des étrangers, ils font sin1plement figure de cerveaux entraînés et sélectionnés parmi les cerveaux maugrebins. Que sont donc les Berbères, au point de vue biologique, sinon des hommes blancs méditerranéens, tout près des autres? L'homo Europœus, l'Aryen, porteur actuel de la civilisation, a des dithyrambes scientifiques sur la supériorité biologique du grand dolichocéphale blond. On ne peut oublier cependant que cette. même civilisation, nous l'avons reçue, il y ·a un petit nombre de siècles. Elle est apparue très loin de chez nous, au Levant, en Égypte, en Chaldée, chez l'homme méditerranéen, sémite ou protosémite; chez des hommes qui assurément avaient un peu de sang nègre. Elle s'y est épanouie merveilleusement pendant des millénaires. Où était en ce temps-là la présomption de supériorité raciale? Il est vrai que ceci ne s'applique pas au Maugrebin, qui n'a jamais rien eu à voir avec la genèse de la civilisation. Le Maghreb est assez exactement l'inverse de l'Égypte et de la Chaldée, quelque chose comme la plus belle réserve existante de barbares blancs. Aussi bien n'y a-t-il rien au Maghreb qui équivaille, même approximativement, au Nil, au Tigre et à !'Euphrate. Le Maghreb est ce qu'on a vu. Une civilisation autonome, un art, une littérature, une langue même, un peuple conscient de son existence, un État organisé, tout cela ce sont des luxes très coûteux, à base capitaliste. Le Maghreb laissé à lui-même n'a jamais pu se les offrir. Ce pays de sel n'a jamais eu l'armature d'argent qui est nécessaire pour supporter un grand édifice social et politique, base indispensable de toute civilisation. Pour expliquer la barbarie du Maghreb, il ne semble pas nécessaire de faire intervenir l'hypothèse d'une infériorité raciale originelle. Étant bien entendu pourtant que des millénaires de barbarie ne peuvent pas manquer d'avoir modelé la race. Le problème historique TELS SERAIENT à peu .près les élément~cfu problème historique qu'on voudrait essayer d'éclairer. Car il y a bien un problème, une énigme même, et déconcertante pour nous a1,Jtres Occidentaux. Il est vraiment extraordinaire que le Maghreb ne soit jamais arrivé à s'appartenir. Aussi loin que nous remontions dans le passé, nous voyons ici une cascade ininterrompue de dominations étr.angères.. Les Français ont succédé aux Turcs, BibliotecaGinoBianco PAGES RETROUVÉES qui avaient succédé aux Arabes, qui avaient succédé aux Byzantins,. qui avaient succédé aux Vandales, qui avaient succédé aux Romains,. qui avaient succédé aux Carth.a~rnois. Et notez que le conquérant, quel qu'il soit, · r~·ste maître du Maghreb jusqu'à ce qu'il ·en soit expulsé par le conquérant nouveau~ son successeur. Jamais les indigènes n'ont réussi à expulser leur maître. Ils ont laissé couler sur eux le torrent ininterrompu des conquêtes, impuissants, on pourrait presque dire indifférents. Et pourtant ces éternels conquis ne sont nullement paisibles. Ils sont au contraire essentiellement guerriers~ On les voit toujours les armes à la main. Leurs grands hommes sont presque toujours des chefs de guerre, depuis Annibal jusqu'à Abd el-Kader. Ils ne sont pas non, plus une race malléable, accueillante pour l'étranger, prête à se fondre en lui. Tout au contraire. La conquête étrangère joue un rôle import.à.nt dans toutes les histoires. Mais, ailleurs, le conquérant étranger devient plus ou moins vite un chef national. Ici jamais. Les Turcs, en 1830, après plusieurs siècles d'occupation, restaient aussi distincts des indigènes qu'au premier jour. La première invasion arabe est de 641 après J .-C. et aujourd'hui encore, en Algérie, au Maroc, les Berbères et les Arabes n'ont toujours pas fusionné; le bloc berbère demeure énorme et irréductible. Et cette Berbérie indéracinable, qui dure depuis 3 000 ans, n'a jamais été un peuple; c'est trop peu dire : elle n'a jamais senti le besoin d'en être un. A nous autres Européens ça paraît fantastique. Il y a mieux : la Berbérie non seulement n'a jamais été une nation, mais elle n'a jamais été un État autonome. Elle a toujours fait partie d'un empire dont elle était une province; comme elle est colonie française, elle a été province de l'empire musulman, de l'empire byzantin, de l'empire • romam. Par deux fois, au temps des corsaires turcs, et au temps de Carthage, ce pays tout continental fut, des siècles durant, quelque chose comme l'annexe terrienne d'une cité maritime étrangère, qui vivait de sa flott~. Rien n'atteste mieux, il me semble, son impuissance à se tenir debout sur ses propres pieds. C'est aussi que cette race, qui a une vitalité irréductible, n'a aucune individualité positive. Notez qu'il n'y a pas un seul livre berbère, et qu'il n'y a même, à proprement parler, ni écriture véritable, ni langue réglée. La Berbérie est le pays des ruines, car les nomades, qui ne construisent pas, ne touchent pas aux vieilles pierres. Les matériaux aqqndent pour l'archéologie musulmane et pour la romaine. Mais on ne peut guère parler d'architecture berbère. Des monuments funéraires qui entreraient dans cette catégorie (le Medracen, le Tombeau de la Chrétienne) sont d'humbles imitations des pyramides d'Égypte. Dans de menus détails de l'histoire, qui passent inaperçus,, on retrouve en Berbérie ce caractère de reflet éternel. Il y a quelques lustres, l'Algérie française a emprunté à la France métropolitaine l'antisémitisme . ' , I'

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