A.-KORAB • Il se pèut que le négociateur stalinien ait fait miroiter aux yeux du fasciste ce que serait l'avenir de la Pologne dan~ le nouveau. système, 1~ rôle international qu'elle serait app~lée à Jou~r - mirage qui inspire à Piasecki ses réfiextons ultérieures sur la nouvelle mission de l'État polonais dans les conditions d'abandon de souveraine~é. Donnan! donnant : .[l'interlocuteur stalinien] a certainement exigé en retour l'approbation entière et sans réserve des principes de base et des méthodes de son totalitarisme à lui. Un accord sur de telles bases ne pouvait que séduire le nationaliste et totalitaire Piasecki. Les hommes de son acabit, aux regards de qui toute moralité en politique est un mythe para]ysant n'attache':lt que. peu d'importance au point critique d; rupt~e a p~~ duquel un changement de tactique entraine qualitativement un nouveau contenu politique de même que l'approbation de nouvelles méthode~ engendre une no·uvelle idéologie. Piasecki pouvait accepter_ sans sourc!ller les méthodes envisagées, qui assureraient à merveille cette hégémonie du parti unique à laquelle il avait rêvé toute sa vie, sans l'atteindre j~~s. .. Dès ce .moment, il était à la disposition du mimstère polonais de la Sécurité Intérieure. * '' Catholique ,, et stalinien LA NO~ELLE pha_se de_l'existence et de l'activité politique de P1asecki commence en hiver 1946 lorsque lui-même et plusieurs de ses lieutenant~ de l'ancienne Phalange procèdent au lancement d'un hebdomadaire « catholique social», Dzis i Jutro [Aujourd'hui et Demain], bientôt connu sous le sobriquet de Dzis i Zawtra qui combine le mot polonais pour cc aujourd'hui » avec le mot russe pour «demain ». En dépit du soutien stalinien, les débuts du nouvel organe sont difficiles. Les milieux catholiques • • • _qw presque tous ont swv1 avec la plus grande méfiance, avant la guerre, les efforts de Piasecki pour combiner fascisme et catholicisme, ne voient dans son changement d'attitude aucune raison de renoncer à la leur. Les partis dits «bourgeois» encore relativement vivaces à l'époque, envisagen; eux aussi d'un mauvais œil le retour à la vie publique d'un mouvement dont ils redoutent la concurrence éventuelle. Enfin, le pacte d'alliance de l'ancien phalangiste avec les communistes n'est pas sans inquiéter et mécontenter de nombreux Polonais communistes, qui ne tiennent pas à se voir imposer les méthodes de force et les combinaisons cyniques des proconsuls envoyés par le Kremlin. Avec une habileté consommée, Piasecki s'efforce de dissiper ces préventions, en camouflant ses hommes de main ex-phalangistes dans l'arrièreboutique de Dzis i Jutro, dont ils occupent incognito les positions-clés cependant qu'une façade respectable est installée aux yeux du public. Grâce à l'entregent inépuisable du cc Patron», on y voit bientôt figurer deux écrivains catholiques de premier plan et quelques hommes plus jeunes appartenant à des familles aristocratiques bien connues pour leur attachement à l'Église et leurs traditions conserva- _trices.Par surcroit de précaution, jusqu'en 1949, • Swiat, n° 47, 18 novembre 1956 Biblioteca Gino Bianco 97 le nouvel organe ne fait aucun état de ses accointances avec le communisme ; il se borne à citer complaisamment les catholiques français << sociaux » et« progressistes», tel Emmanuel Mounier. Toutefois, les articles de Piasecki laissent percevoir de temps à autre l'ambition qu'il nourrit de devenir le dirigeant du catholicisme polonais à la faveur du patronage communiste. Puis vient la période des vaches grasses. Elle coïncide avec le triomphe du stalinisme en Pologne. En 1949, est fondée la société Pax, destinée à coiffer l'ensemble des activités «catholiques-progressistes ». Pax n'est pas un simple parti politique, c'est un cc mouvement », qui obtient non seulement sa propre représentation parlementaire au Sejm, mais tout un réseau de publications ; il va même ~éer e~ développer toute une série d'entreprises mdustr1elles. La nouvelle prospérité et le prestige croissant de Piasecki se reflètent dans les fastueuses installations de son nouveau siège, rue Motowska à Varsovie. Comme le fait remarquer Leopold Tyrmand, le cc mouvement » Pax a exercé sa plus forte influence sur les catholiques polonais pendant la période 1952-54, ma.!'quée par la tension des relations entre l'Église et l'autorité communiste à la suite de l'emprisonnement du cardinal Wyszynski. C'est alors que Piasecki jette le masque du catholicisme « social » pour consacrer tous ses efforts au service du système stalinien. Non seulement il approuve la pos!tion stalinie~e sur tous les plans, politique, social et économique - mais il exhorte les catholiques polonais, comme au plus sacré des devoirs à soutenir l'idéologie triomphante, reine des temp~ modernes. La nouvelle ligne, comme on peut s'y attendre suscite l'opposition de la hiérarchie et du Vatican' qui met à l'index Dzis i Jutro et l'ensemble de~ écrits de Piasecki. Au contraire le régime s'engage à fond pour le soutenir. Il décerne à Piasecki les décorations les plus rares et fait tout pour faciliter le développement des entreprises Pax, qui héritent ~es dép?uilles de leurs rivaux, les organes catholiques mdépendants. (Au printemps de 1953 lorsque disparaîtra le dernier de tous, le Tygodnik Po11;szechni de Cracovie, supprimé par ordre de la police secrète, ses locaux seront mis à la disposition de Pax: Le Tygodnik ne reverra le jour qu'après la révolution d'octobre 1956.) Toujours avec l'appui des autorités communistes, Pax envoie des délégations dans p~usieurs pays occidentaux, lesquelles prétendent être accueillies comme représentants autorisés du catholicisme polonais. Le '' sens de l'État ,, Lorsque, après le XX Congrès du PC de l'US, survient la lutte décisive au sein du parti polonais, Piasecki ne manque pas de se ranger fidèle?1ent du côté de ses protecteurs staliniens. 11 agit en collaboration étroite avec les membres dirigeants du groupe de Natolin et accorde son plus complet soutien à leurs efforts pour empêcher
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