96 de s'en prendre aux Juifs, sans reculer devant l'emploi de la violence. * · En même temps la Phalange s'emploie à noyauter méthodiquement les organisations rivales de la jeunesse, aussi bien pro- qu'antigouvernementales. En 1937, se présente une occasion exceptionnelle dont Piasecki va d'abord profiter. Le président du conseil, le maréchal Smigly-Rydz, ainsi que d'autres membres du gouvernement polonais s'associent à la création d'une « Association des Jeunes Polonais » (ZMP), qui bénéficie du patronage officiel et où la Phalange tient une place prépondérante. Rutkowski **, bras droit de Piasecki, en est le chef et au Comité exécutif les phalangistes prédominent. Mais Piasecki pousse trop loin son avantage ; ses efforts trop apparents pour parachever sa mainmise sur le ZMP amènent les dirigeants officiels à retirer leur appui. Dépité, Piasecki s'en prend aussitôt aux Juifs et aux francs-maçons, coupables d'avoir barré la route à la renaissance nationale. · Entre deux versions de l' '' Ordre nouveau '' Pendant la périoàe critique qui s'écoule de 1937 à 1939, les sentiments prohitlériens de Piasecki se traduisent par une campagne publique contre la thèse alarmiste d'après laquelle le Führer allemand constituerait un danger pour la Pologne. L'invasion allemande n'est guère de nature à rehausser le prestige de la Phalange, ce qui n' empêchera nullement Piasecki de tendre la main au • vamqueur. ·Bientôt il se met en avant pour négocier un accord avec les nouveaux maîtres de la Pologne ; selon les témoignages rendus plus tard par d'anciens phalangistes (qui sont alors ses collaborateurs immédiats), Piasecki, aussitôt après la chute de Varsovie, entre en rapport avec des représentants de la Wehrmacht et leur propose le marché suivant : moyennant l'appui politique des nazis, la Phalange se chargera d'organiser en Pologne un fort mouvem~nt anticommuniste, assurant ainsi à l'Allemagne un solide soutien local en cas de crise avec les Soviets. Les Allemands commencent par accepter, et se rencontrent plusieurs fois avec les chefs des groupes phalangistes de combat, lorsque bientôt tout est remis en question. La Wehrmacht doit remettre aux mains du Parti nazi et de la Gestapo le soin d'administrer la Pologne occupée; les nouvelles autorités refusent de reconnaître les accords passés avec Piasecki, et vont jusqu'à l'arrêter, vers la fin de 1939. Il restera détenu jusqu'en * Une impunité surprenante couvre certains des attentats commis, probablement grâce aux contacts personnels de Piasecki avec le ministre de la Justice. C'est ainsi qu'en 1937, les auteurs phalangistes de l'attaque à main armée d'une banque à Varsovie ne sont poursuivis que pour la forme. L'ancien chef des <« groupes de combat» en question est actuellement rédacteur en chef du quotidien publié par le groupe Pax. •• Actuellement directeur de l'organisation Pax de Varsovie. BibliotecaGinoBianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE avril 1940, et ne sera relâché, semble.;,.t-il,que grâce à l'intervention personnelle de .Mussolini. Barré dans ses efforts pour pactiser avec les nazis, Piasecki se retourne contre eux et entre dans la Résistance. La Phalange réapparaît sous le nom de « Confédération nationale », et ses groupes de partisans, sous le commandement général de Piasecki, se regroupent dans le secteur oriental de la Pologne, annexé par les Russes en vertu du pacte de démembrement conclu en 1939 avec Hitler. Lorsque les Allemands envahiront ce territoire, lors de leur ruée vers l'URSS en juin 1941, ils y trouveront les partisans de Piasecki qui les recevront à coups de fusil. Mais les ex-phalangistes ne se contentent pas de combattre les troupes allemandes ; ils s'en prennent aussi aux partisans soviétiques et en 1943-44 détruisent plusieurs détachements soviétiques. Contre Piasecki absent, une sentence de mort est alors prononcée par les autorités policières russes. La chance insolente de Piasecki semble l'abandonner le jour du printemps 1945 où les agents du NKVD lancés sur sa piste l'arrêtent dans un faubourg de Varsovie... Pourtant, au lieu de l'exécuter séance tenante, les policiers russes le remettent en liberté. Pourquoi? La chose n'a jamais été officiellement tirée au clair. D'après une rumeur largement accréditée, un nouveau marché a été conclu par Piasecki au cours d'une longue entrevue secrète avec un haut fonctionnaire du NKVD; un autre récit attribue le même résultat à l'intervention de Jerzy Bolejsza, alors chef des affaires culturelles du parti cofilL~uniste polonais,. lequel aurait réussi à convaincre les Russes de l'intérêt que présenterait l'utilisation de Piasecki comme émissaire dans les milieux catholiques polonais. Au service de Moscou Quels que soient les faits précis, les activités ultérieures de l'ex-condamné à mort ne laissent pas de doute sur sa collusion complète avec les communistes ; mais ce serait une erreur de n'y voir qu'un simple marché, Piasecki prêtant ses services pour avoir la vie sauve. Il y a tout lieu de croire qu'un terrain idéologique commun et une base de collaboration positive furent définis d'un commun accord, à cette occasion, par le communisme stalinien et le phalangisme polonais. Un journaliste communiste, Léopold Tyrmand, dans un article publié en Pologne peu après la révolution d'octobre 1956, a fort bien décrit cet aspect essentiel de l'accord de 1945 : On ne peut guère s'imaginer les choses autrement : du côté stalinien, des exigences, mais aussi des efforts de conversion ; du côté fasciste, des offres de service, mais aussi des exigences. On a fini par s'entendre et par arriver à un accord. Du côté stalinien - octroi du droit· à la «superstructure», c'est-à-dire à une idéologie propre qui, tout en défendant le nouveau statu quo; conservait certains éléments chers au cœur d'un Polonais totalitaire - et même . certaines conceptions nietz.:. schéennes de l'élite et de la « volonté de puissance ».
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