Le Contrat Social - anno II - n. 2 - marzo 1958

d'un système économique trop rigide. L~ no~le art du blat - l'échange de services en violanon des règlements, mais non de la déonto~~gie professionnelle - n'est sans doute pas ennerement inconnu en Occident ; mais il joue, dans l'industrie soviétique, un rôle éminent qui lui a valu ce nom spécial, et qui a même engendré une « corporation » nouvelle, celle des expertspraticiens en blat, connus sous le nom de tolkatchi. L'image qui tend à se dégager de tout cela est celle d'une élite compétente et dure au travail, contrainte d'élaborer un code compliqué de conduites « irrégulières » au sens officiel, parce qu' astreinte à une lutte .contin~elle pour amortir la pression presque inhumaine reçue d'en haut ; seul le système D ainsi élaboré permet l'étalement des efforts et des tensions, au point de les rendre supportables. En opposant cette résistance quasi réflexe à des exigences excessives, les directeurs d'entreprise tendent à rendre le régime plus viable, tant du point de vue technique que du point de vue humain ; tout se passe comme s'ils introduisaient ainsi, dans une machine aux roulements dangereusement surchauffés, le minimum nécessaire de lubrifiant. · Ce large panorama est complété par un chapitre sur les réformes postérieures à la mort de Staline, et par une conclusion de douze pages fournissant un résumé d'ensemble, clairvoyant èt bien équilibré. M. Berliner demeure assez sceptique quant à l'efficacité des changements récemment annoncés. Il considère que l'essentiel du système n'a pas été modifié et ne le sera point, ~tissi longtemps que des cibles de production établies d'avance seront la mesure du succès, ou que les dirigeants responsables continuPront de se demander si leur réussite dans l'immé1iat n'entraînera pas demain -des exigences plus lourdes. Peut-être cette vue est-elle un peu pessimiste ; en tout cas, il est concevable .qu'un changement substantiel - en bien ou en mal - peut résulter de réformes qui ne répondent point aux conditions ainsi définies par l'auteur. Mais celui-ci est certainement fondé à déceler l'origine de bien des échecs dans le perpétuel effort pour augmenter à tout prix la production malgré la pénurie chronique des approvisionnements - Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE nécessité qui enserre les chefs d'entreprise soviétiques comme dans un étau. MIEUX que toute autre étude sur le même sujet, l'ouvrage de M. Berliner répond à la ' . , . question : « Comment le systeme sovienque fonctionne-t-il en fait? » Il existe, cependant, une autre question - en l'occurrence essentielle : « Quel est donc le ressort qui anime l'in~ustrie soviétique et qui lui vaut son succès relanf dans la poursuite des tâches qu'elle s'est assignées ? » Car - quel que soit le jugement _po_rt~s.ur 1~ . nature de ces tâches, sur l'ordre de prion te impose par le régime ou sur les sacrifices qu'il exige - les résultats obtenus ne sont guère contestables. Or, jusqu'à un certain point, l'auteur réJ?ond à cette question également, en nous ·faisant apprécier toute l'importance de ~~~ée~ non planifiées telles que la souplesse, 1tmtlattve et la puissance de travail que la dureté_ même et la rigidité du système exigent des dirigeants industriels comme condition de leur survie personnelle. Mais il reste encore beaucoup à expliquer. Peutêtre l'essence du problème se dégagerait-elle d'une comparaison systématique entre la gamme soviétique d'encouragements et de sanctions, et celles qui jouent dans d'autres systèmes économiques .. On pourrait constater, par exemple, que les récompenses .accordées à l'audace e~ à l'esprit d'entreprise, si on les compareaux peines ·qui sanctionnent l'échec ou l'iner_tie, sont ,.plus importantes en URSS qu'en Occident. Qu il _en soit ainsi ou non, l'ouvrage rend un service inestimable en fourniss.ant le genre de documen~ tation sans laquelle il serait impossible de répondre à des questio~s essentielles de cet or~re. . Traitant son sujet d'une façon prudente, attennve, et cependant très vivante, le livre de M. Berliner mérite de devenir un exemple classique d'interprétation, sous un de ses aspects essentiels, de cet objet particulièrement fuyant et obscur : la réalité soviétique. (Traduit de l'anglais) ·. F. SETON , >

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==