Le Contrat Social - anno II - n. 2 - marzo 1958

Bicentenaire de Robespierre LE MONDE FERMÉ DE LA VERTU par Michel Collinet LE XVIIIe SIECLE n'a pas puisé son esprit révolutionnaire dans le sentiment qu'une évolution historique devait provoquer la fin des superstitions et des absolutismes, mais dans l'idée que le contact direct de l'homme avec la nature, contact assuré par la raison ou par le sentiment, amènerait rapidement la mort d'un passé détesté. La «philosophie» s'ouvrait sur l'espace~· elle ne plongeait pas dans le temps. Des encyclopédistes et parmi eux des physiocrates ont eu la vision d'une évolution progressive, brisant les restrictions économiques comme les frontières politjques pour amener l'espèce humaine à un état de liberté et d'unité. ~ais la plupart des «philosophes » se sont préoccupés de reconstruire dans le présent, c'est-à-dire dans un monde statique et connu par des lois rationnelles, une société où l'homme puisse retrouver cette nature éternelle qu'ils lui attribuaient à priori. La Révolution française a subi fortement cette influence et ses protagonistes ont toujours eu le sentiment qu'ils légiféraient pour l'univers et pour l'éternité. A· ce sujet, un Condorcet a été une exception par son relativisme historique et par son souci de marquer des étapes, plutôt qu'une fin absolue. Cloots lui-même, malgré ses puériles inconséquences, a éprouvé le besoin de transcender l'acte révolutionnaire des Français. Par contre, Robespierre et Saint-Just se sont faits les pionniers intransigeants et despotiques d'un nouveau monde moral, fondé sur la vertu, fermé sur lui-même, où se seraient combinées sous le thème du Contrat social des formes jacobines et primitives de société. Sur cette société, Robespierre, absorbé par sa lutte contre les « brigands », n'a jamais projeté que des lueurs hésitantes. Saint-Just a mis sur le papier les fragments des futures institutions. Il est impossible de dire si Robespierre les etit acceptées ainsi, mais il est cependant probable qu'elles n'étaient pas contraires à ses idées personnelles ; elles les Biblioteca Gino Bianco • complétaient logiquement 1 • Robespierre s'en tenait le plus souvent aux affirmations morales qui convenaient à son rôle fréquent d'accusateur. Saint-Just, bien qu'il ait été souvent le «gourdin >, de Robespierre, allait plus loin dans cette logique politique, que des observateurs comme Barère ou Baudot lui ont reconnue comme une qualité dominante. Enfin, les «institutions » devaient faire l'objet d'une étude par une commission de la Convention, que les événements e·mpêchèrent de , . se reurur. La « eonscience " et l' « eîprit " Le 8 ventôse an II (26 février 1794), Saint-Just, s'en prenant aux dantonistes, constate que « les institutions qui sont l'âme de la République nous manquent ». Fondées sur la vertu, elles doivent codifier la vie quotidienne « soit pour comprimer les mœurs, soit pour arrêter la corruption des lois ou des hommes». Elles doivent être morales et pénales. Bien que Saint-Just considère la terreur comme une « arme à deux tranchants» et que plus tard, il émette les plus grands doutes sur son efficacité, il n'entend point l'abandonner au moment où il attaque hébertistes et dantonistes. Dans son discours du 23 ventôse (13 mars) où il amalgame les deux tendances, il demande aux premiers s'ils ne veulent point de « vertu pour être heureux » et aux seconds, s'ils ne veulent point de« terreur contre les méchants ». Après la liquidation des deux factions, Robespierre fait voter la création d'un 1.. Le 8 thef~idor 1 R~be~pierre r~grettait que le projet de .Samt-J ust n ait éte ni discuté, ni adopté. A. Mathiez écrit : << Il est bien cert.ain Que ,Saint-Just et Robespierre, à cett~ d,te !iu 5 therm.id<?r, avaient la pensée toute pleine çles. « mstitutions républicaines », Qui leur paraissaient aussi indispensables au salut du nouveau régime Que la distribution deJ biens des suspects aux pauvres. » (Girondins et Monta- ~nards, p. 163).

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