56pu découvrir bien des choses qu'il était supposé vouloir connaître. Ou encore, s'il était trop absorbé pendant son séjour en Chine même, il aurait pu faire ce même travail à Hong-Kong, en étudiant les traductions très étendues de la presse communiste chinoise publiées dans cette ville et qui fournissent à tout observateur sérieux les informations les plus détaillées sur les conditions réelles en Chine • commUillste. M. Dumont affirme que l'heureux partage des terres a grandement soulagé le sort des travailleurs ruraux. Il suffit pourtant d'étudier la presse communiste chinoise pour y apprendre qu'une amélioration partielle, sur tel ou tel plan, a été accompagnée d'un regain d'oppression et d'exploitation sur bien d'autres plans. M. Dumont affirme encore que, contrairement aux communistes de l'URSS et à ceux de l'Europe orientale, les communistes chinois n'ont jamais eu recours aux livraisons forcées de céréales à vil prix. Si M. Dumont avait pris la peine de dépouiller la presse officielle du régime de Mao, il aurait constaté, par exemple, qu'en 1952 et 1953, les paysans chinois étaient tellement excédés par la politique des ventes forcées qu'ils ont eu recours à la grève partielle des livraisons. Et, durant l'hiver 1953-1954, cette résistance fut telle qu'elle décida le gouvernement à la briser une fois pour toutes par la collectivisation massive. Si, moins « correct », M. Dumont avait fait correctement son travail, il aurait découvert que la collectivisation par paliers - dont l'adoption constituerait selon lui la supériorité intrinsèque des méthodes de Mao - fut formulée par Staline dès 1930 ; il aurait découvert également que la collectivisation chinoise fut loin d'être une idylle. Pour la mettre en application, le gouvernement de Mao dut perfectionner et durcir ses méthodes de contrôle policier et de travail forcé. C'est au moment même où la collectivisation prenait son essor que les communistes chinois « planifièrent » leur système de travail concentrationnaire « rééducateur » et que le ministère de l'Intérieur eut à connaître d'un brusque accroissement des activités « contrerévolutionnaires » dans les villages. M. Dumont apprend à ses lecteurs que, contrairement à ce qui se produisit en URSS, les paysans chinois n'ont nullement eu recours à l'extermination du bétail en signe de protestation. C'est là une contre-vérité particulièrement fâcheuse, car nombreuses sont les déclarations officielles qui témoignent de l'inquiétude de l'appareil chinois devant l' «incompréhension» des paysans, lesquels s'insurgeaient contre la collectivisation en tuant leurs bêtes de trait et en abattant leurs arbres fruitiers. LA COUVERTURdEu livre de M. René Dumont s'éclaire du visage souriant d'une jeune Chinoise, vêtue non comme une paysanne, mais comme une étudiante et qui fait sans doute partie de la « nouvelle élite rurale». Nous nous souvenons d'avoir vu de pareilles photos sur des publications Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL soviétiques, au temps où Staline COI\duisait contre les masses paysannes son impitoyable guerre de collectivisation. Le tableau que trace le professeur Dumont de la vie actuelle dans un village chinois est aussi éloigné de la réalité que le sourire de cette jeune femme l'est des sentiments véritables d'innombrables paysans chinois. Décidément, il eût mieux valu, tant pour lui-même que pour la bonne information de. ceux qui l'écoutent, que M. Dumont s'abstînt d'écrire ce livre. KARL A. WITTFOGEL Un livre à rejaire PATRICIAVANDER ESCH : La Deuxième Internationale, r889-r923. Paris, Bibliothèque d'Histoire Économique et Sociale, Librairie Marcel Rivière, 1957, 186 pp. MME VANDERESCHa su choisir un sujet important et, même si elle ne le met pas en évidence, d'un intérêt très actuel. Elle a eu le mérite de s'aventurer sur un terrain encore. peu exploré dans son ensemble, et fort rarement dans le détail. Tel qu'il est, son livre peut faciliter la tâche d'un futur historien de la deuxième Internationale à qui il offrira une première mise en ordre des faits, et c'est d'ailleurs à cela que les travaux de ce genre sont destinés. Si Mme van der Esch avait eu la bonne idée de citer largement les textes auxquels elle fait allusion., et qu'elle résume de façon trop sèche, son essai aurait été encore plus utile. Il est fâcheux que ceux qui l'ont guidée dans son entreprise n'y aient pas apporté plus de soin ou de compétence. Ils l'auraient aidée à mieux prendre son sujet, à considérer la deuxième Internationale non comme un « appareil » dont on a tout dit quand on en a décrit les rouages et qu'on a juxtaposé des monographies sommaires de congrès, mais comme un mouvement d'idées aux frontières relativement indécises, un mouvement puissant, vaste, et complexe aussi, confus même, formé de courants souvent divergents, tout autre chose donc que le Komintern monolithique, caporalisé et bureaucratique. Et sans doute Mme van der Esch eût-elle mieux compris sur quel plan se déroula la vie véritable de la deuxième Internationale, si quelqu'un avait pu lui conseiller de présenter à grands traits, au départ, les conflits entre proudhoniens et collectivistes, entre marxistes et bakouni- . . , . . . mstes, eqtre « ant1etat1stes » et « autor1ta1res » qui animèrent, puis déchirèrent la première Internationale, et dont les échos se prolongèrent dans la seconde plus longtemps qu'il n'y paraît de prime abord. Car après l'expulsion définitive des anarchistes au congrès de Londres en 1896, les marxistes orthodoxes durent encore faire front contre l'assaut mené, de l'intérieur du mouvement ou de ses abords immédiats, par les «grèvegénéralistes » et les syndicalistes révolutionnair~s.
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