Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

QUELQUES LIVR.ES contribué à la stabilisation d'après-guerre, Adenauer et Reuter, ont été bourgmestres de grandes villes. Pourtant, si Ernst Reuter paraît prolonger une tradition familiale de civisme assez typiquement protestant, il ne faut pas oublier que, autant que par la tradition, il fut marqué par la révolte. Sa rupture avec le nationalisme abrutissant et l'esprit de guerre de l'Allemagne de Guillaume II, qui le porta tout jeune à militer dans le mouvement socialdémocrate, se traduisit à son grand chagrin et pour de longues années par une rupture avec sa propre famille, qui ne se consolait pas de le voir attiré par ce parti cc subversif et apatride ». Dès novembre 1914, nous trouvons Reuter parmi les fondateurs d'une « Ligue pour une Patrie nouvelle », groupement pacifiste revendiquant, entre autres, l'union douanière européenne ; à ce titre, le jeune homme eut l'occasion de correspondre avec Romain Rolland qui lui concéda que l'impérialisme russe ne valait pas mieux que l'impérialisme allemand. Mobilisé, dirigé vers le front est, Ernst Reuter fut grièvement blessé et fait prisonnier par les Russes. En août 1916 nous le retrouvons chef ou porte-parole des prisonniers qui travaillaient dans les mines près de Toula, et après la révolution, président du comité des prisonniers à Moscou, où il fut remarqué par Lénine. Reuter s'opposait alors à Bela Kun, pour qui les prisonniers de guerre étaient d'abord des recrues possibles pour l' Armée rouge, tandis que Reuter voulait les réserver à leur futur rôle dans leurs patries respectives. Peu après, Reuter fut chargé de créer une administration pour les paysans allemands de la Volga. Il eut à cette occasion de longs entretiens avec Lénine et même plus tard, lorsqu'il. fut très loin du communisme, Reuter ne manqua jamais de rappeler la profonde impression que lui avait laissée le style sobre et sérieux de ce chef. En revanche, son premier contact avec Staline, auquel il était directement subordonné, fut franchement désagréable. 11 L lui trouva cc la mentalité d'un adjudant »•. fil j Reuter partit pour Saratov ...muni de c< pleins pouvoirs plus larges que la Volga » - mais aussi vagues qu'étendus, puisqu'il ne s'agissait pas d'administrer un territoire délimité, mais une communauté linguistique de près d'un demimillion d'hommes. Ce chapitre de l'ouvrage, dû sans doute à Richard Lôwenthal, nous renseigne sur un des épisodes les moins connus de la vie d'Emst Reuter. Nous y apprenons que Reuter s'opposa à la nouvelle ligne de « lutte de classe dans les villages», ne songea pas à organiser des villageois pauvres contre les « koulaks » et respecta la solidarité naturelle du village que le Parti bolchévik, pour les besoins de la réquisition, voulait alors à tout prix rompre. Si Reuter put maintenir cette attitude indépendante, c'est que les terres des Allemands de la Volga fournissaient le grain pour le ravitaillement de Moscou et de Pétersbourg. Les biographes rapportent que Tchitchérine aurait déclaré en été 1918 à une délégation allemande : « Reuter est le seul commissaire qui nous envoie du pain. ,, Or, l'année suivante, les terresemblavées Biblioteca Gino Bianco 51 de cette région avaient augmenté d'un sixième. Preuve que la politique de réquisition qui devait aboutir à l'effroyable famine de 1921 ne trouvait aucune justification dans les conditions de la guerre étrangère et civile. Lorsque cette politique antipaysanne fut entreprise, Reuter était déjà rapatrié. Ainsi l'expérience russe n'aura pas été pour Reuter, comme pour tant d'autres, la rencontre avec une idéologie et avec des cc gens importants ,, dans des bureaux de Pétersbourg et de Moscou. En plein chaos, il avait dû maintenir l'ordre, appliquer des lois, administrer une vaste com1nunauté. Le lien entre l'idée politique et l'administration quotidienne, la nécessité d'établir des c< îlots>> d'ordre dans une société chaotique et troublée a été son expérience décisive lorsqu'il avait vingt-neuf ans. Sous cet aspect, entre le commissaire bolchévik à Saratov et le maire socialiste qui défendra Berlin contre l'emprise communiste trente ans plus tard, il n'y a pas seulement rupture et changement sur le plan des idées, il y a aussi la continuité d'une expérience. Quant à la familiarité avec la langue russe et l'esprit bolchéviste que Reuter avait pu acquérir sur place, elle devait servir plus tard le diplomate qu'il devint par nécessité. Elle lui donna dans ses rapports avec les autorités soviétiques cette confiance en soi et ce sûr instinct qui lui permettaient de discerner, chez les bolchéviks, le bluff du sérieux, alors que la plupart des Occidentaux, aussi ignorants en dialectique qu'en histoire, y perdaient leur latin. LE CHAPITRE consacré au cc camarade Friesland ,,•, militant et secrétaire général du Parti communiste allemand jusqu'à son exclusion en janvier 1922, se confond avec l'histoire du PC allemand, déjà assez largement documentée. Nous retrouvons Reuter parmi les « ultra-gauchistes », sous l'influence de Ruth Fischer et de Maslov. De crainte d'encourager le prolétariat dans ses illusions sur la démocratie « bourgeoise », il appelle les ouvriers à refuser leur appui au gouvernement menacé par le putsch nationaliste de Kapp. Fort heureusement, les travailleurs n'écoutèrent pas les communistes et mirent fin à l'aventure de Kapp par la grève générale. Lorsque le Parti à son tour entreprend des putschs et des insurrections stupides qui font couler le sang ouvrier, cc Friesland » trouvera bientôt un accent nouveau. cc Il y a des problèmes que la seule discipline ne résout pas, mais qui exigent une maturité politique et intellectuelle », dira-t-il à un congrès. Il devient le conciliateur des fractions et secrétaire général du Parti - fonction qui à l'époque ne conférait pas encore la toute-puissance, car c'était avant l'ascension du secrétaire général Staline. Reuter s'oppose alors à la publication dans la presse du Parti des innon1brables missives de la • Reuter était Frison. La Frise all mande est 1 Friesland.

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