Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

R. L. WALKER campagne de critique et d'autocritique. Comment un étranger pourrait-il s'attendre que nous lui disions la vérité? 8 Une des difficultés que l'on éprouve à se renseigner tient à l'horaire surchargé établi pour l'agrément des visiteurs. Songez au temps considérable que prennent les gestes d'accablante fraternité officielle et, en particulier, les fastueux banquets et dîners à la mode chinoise! Songez à l'obligation où chacun se trouve de répondre à tant de courtoisie en écoutant religieusement les discours et les conférences dont les autorités sont prodigues ! 9 Ajoutez encore à cela l'absence des journaux qui pourraient donner une image des diverses régions : à travers l'immense Chine, les divers journaux « provinciaux » ne peuvent circuler librement ; ainsi les informations qui permettraient à l'enquêteur de situer ses observations personnelles sur un plan plus large se limitent aux propos et communiqués officiels, et aux quelques journaux et revues qui jouissent du privilège de pouvoir être lus dans l'ensemble du pays. Bien souvent ce n'est qu'en quittant le territoire communiste et en atteignant Hong-Kong que le voyageur peut se faire une idée d'ensemble de l'actualité chinoise et se rendre compte de la manière dont ses observations nécessairement restreintes y prennent place. 1° C'est à Hong-Kong, par exemple, que fut connu d'abord le désastre de 1954, lorsque eurent lieu les plus terribles inondations que la Chine ait jamais connues. La plupart des visiteurs qui avaient été reçus en Chine à la fin du printemps et pendant l'été de 1954 n'ont appris la gravité de la situation qu'après avoir quitté le pays où ils étaient censés apprendre la vérité pour la faire connaître au monde. 11 Information ou propagande ? Tout cela ramène à l'un des plus importants problèmes du témoignage oculaire. Le visiteur isolé en Chine populaire est, comme on l'a vu, soumis à de telles limitations quant à la durée de son séjour et à l'étendue de ses déplacements qu'il en est réduit à une seule source d'information générale : le gouvernement. Pour mettre en place, dans une sorte de bilan ou de schéma général, ce dont il peut témoigner pour l'avoir constaté lui-même, il ne dispose que 8. China News Analysis, bulletin hebdomadaire publié à Hong-Kong, n° 142, 3 août 1956, p. 2. Ce numéro, ainsi que les quatre swvants, présente un tableau analytique complet de ce qu'on peut apprendre sur les diverses parties de la Chine par l'étude de la presse qui parvient à Hong-Kong. Un tel travail fait ressortir les lacunes énormes que comporte l'information d'un touriste « suivant la filière ». (Voir aussi les n°• 149, 159 et 171). 9. Gale, Cameron, Schmid et Guillain insistent tous sur tel ou tel aspect de cette difficulté. 10. En ce qui concerne le rôle de Hong-Kong comme poste d'écoute, voir les articles du correspondant spécial de l' Bconomi!!J. l er septembre 1956, pp. 722- 723, ainsi que Guy Searla,. • 1 be Hong Kong Outpost », The New Republic, 8 avril 1957, pp. 11-13. Voir aussi China News Analysis, n° 142. 11. Seuls, ibid., p. 12. Biblioteca Gino Bianco 37 des données officielles, qui échappent à toute vérification personnelle. Comment traiter, par exemple, les données relatives à la production des subsistances ou à celle de l'acier? Le voici réduit à utiliser ou à reproduire les chiffres officiels, puisque ce sont les seuls disponibles. Mais le fait que notre homme a été en Chine, qu'il a « visité le pays », tend à authentifier les chiffres qu'il mentionne, même s'il est assez prudent pour signaler leur origine. Ainsi, le régime reste maître, jusqu'à un certain point, des informations que les étrangers répandent, même après leur départ. Beaucoup de visiteurs indiens, par exemple, ont reproduit de confiance les chiffres officiels sur la situation agraire et la répartition des terres avant la conquête communiste ; mais ces données avaient été fabriquées de toutes pièces, comme les communistes eux-mêmes devaient le reconnaître par la suite. 12 D'autre part, il est évident que l'intérêt du régime est de montrer ce qu'il y a de nouveau dans la Chine nouvelle et c'est aussi ce qui intéresse la plupart des voyageurs. Étant donné que le programme ne prévoit que la visite d'usines nouvelles, de maisons neuves et d'installations modèles, même le plus désabusé des observateurs peut fort bien avoir l'impression que les communistes font des miracles, que tout est nouveau et que la situation chinoise se résume en un mot : Progrès. En fait, bien des « réalisations » sont gigantesques et font un effet extraordinaire. Anchan est un complexe industriel impressionnant ; mais, comme le fait remarquer Peter Schmid, il ne supporte pas la comparaison avec certaines installations du Japon et d'Allemagne occidentale. Et puis, en opposant le vieux et le neuf, les communistes tendent à fairecroire qu'ils sont partis de zéro, qu'il n'existait, lorsqu'ils ont pris le pouvoir, ni industrie ni organisation modernes. Nombre de visiteurs sont non des techniciens, mais des professeurs ou des écrivains qui n'ont jamais pris la peine de visiter les grands travaux de leur propre pays ; ils ignorent tout simplement que, chez eux, de nombreuses réalisations techniques peuvent être avantageusement comparées à celles que leur montre l' Intourist chinois. Ils viennent de pays où les tournées officielles, les présentations sensationnelles et la vantardise ne sont pas de mode en pareille matière ; rien ne les prémunit contre la nouveauté monumentale, rehaussée d'idéologie, de la << construction socialiste », et ils se laissent séduire. Mukherjee dit à ce propos : J'ai pu constater que bien des membres de notre délégation en Chine, lorsqu'on leur montrait les progrès de la démocratie populaire dans l'industrie, les arts et métiers, les beaux-arts ou la culture, témoignaient d'une ignorance profonde des résultats analogues, et 12. Cf. Mukherjee, op. cit., pp. 57-70; Jaïn, op, cit., pp. 66-77 : Dhirendranath Das Gupta, With Nehru in China (Calcutta), National Book Aaency, novembre 1955, pp. 37-60. Tous reproduisent sans la moindre réserve les chiffres communistes. Sur ce point particulier voir R. L. Walker China under Communim, (New Haven, Yale University Press), 1955,. pp. 128-153.

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