Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

10 comme le « héros incontesté d'une · lutte de libérationnationale ». La Grande Encyclopédie- Soviétique 1 de 1934 qualifie l'imam Chamil de « grand démocrate, célèbre par son intelligence, son courage et son héroïsme»; « chef d'un mouvement de libération nationale, dirigé contre la politique coloniale du tsarisme ... son mouvement étant une révolte contre la féodalité ». La très officielle Histoire de l'URSS 2 confirme ce jugement en qualifiant Chamil de « chef militaire très brave », « organisateur exceptionnel », « adversaire farouche du féodalisme local ». D'innombrables ouvrages s'associaient à cet l1ommage, parmi lesquels on peut nommer notamment la Vie de Chamil, de _Pavlenko (Moscou, 1941), Chamil, de S. K. Bouchouïev (1\tloscou, 1945 ; Institut d'histoire de l'Académie des Sciences de l'URSS), ainsi que trois LE CONTRAT SOCIAL ouvrages précieux de R. M. Mouhammadov : L' Imam Chamil (Makhatch-Kala, 1940), La Lutte des montagnards contre la Russie tsariste et Le Mouvement de Chamil (les deux derniers ouvrages ont été publiés en 1941 et 1949 par la filiale daghestanaise de l'Académie des Sciences de l'URSS). Citons enfin !'Histoire de la pensée sociale et philosophique en Azerbaïdjan au XIX 0 siècle, de H. Housseïnov (Bakou, 1948), dont les tribulations marquent le terme de l'indulgence soviétique envers Chamil. Lauréat du prix Staline en mars 1949, Housseïnov en est dépossédé deux mois plus tard par une décision spéciale du Conseil des ministres de l'URSS parce que son ouvrage comportait un chapitre à la gloire de Chamil. En 1949 les conceptions historiques soviétiques venaient de changer brutalement. I. La condamnation du muridisme : la théorie du << moindre mal 1, p OUR COMPRENDRE les raisons de ce brusque . · changement, il importe de rappeler l'arrièreplan politique sur lequel évoluait la science histo- . . , . r1que sov1et1que. La nécessité de réviser l' « école » de Pokrovski qui, fidèle aux thèses du marxisme classique, jugeait toutes les conquêtes de l'impérialisme russe comme un mal absolu, devint évidente dès avant la guerre et contraignit le Parti à formuler la théorie du « moindre mal». Elle fut employée pour la première fois le 22 août 1937 dans une résolution de la Commission gouvernementale pour les questions historiques. Dorénavant les annexions des divers peuples par la Russie devaient être analysées sous l'angle d'une alternative - la réunion à la Russie, ou l'annexion par un autre pays (Pologne, Turquie, Perse, voire Grande-Bretagne). Cette alternative devait toujours être résolue en faveur de la Russie., puisque seule la conquête tsariste a permis aux peuples conquis de vivre la révolution et d'accéder à la « dictature du prolétariat », forme supérieure de l'organisation sociale et politique. · Cette formule, simpliste et très éloignée du matérialisme historique du marxisme, visait des buts exclusivement politiques et les historiens soviétiques s'en sont servis pour justifier les méthodes de violence qui accompagnèrent l'édification de l'État russe et, ipso facto, la politique nationale du parti communiste. Elle fut d'abord appliquée aux peuples qui avaient renoncé, de leur plein gré,· à leur indépendance nationale pour faire partie de la .Russie tsariste (Ukraine, Géorgie), mais sans 1. 1re édition, ·vol. 61, 1934, I>I>, 804-806~ . . 2. Pankratova., Moscou, 1944, vol. ·2 I>I>. 155-158. Biblioteca Gino Bianco prendre en considération les formes et méthodes de cette unification, puis aux peuples réunis à la Russie par suite d'opérations militaires de l'armée russe · (Pologne, Caucase du Nord, Turkestan). De la formule du « moindre mal » le Parti en tira une autre, celle du << grand peuple russe, frère aîné des peuples soviétiques., créateur d'une culture internationale originale» - la seule vraiment progressiste. Au lendemain de la guerre, la formule du « moindre mal » commence à céder progressivement la place à celle du bien absolu. Il est aisé de comprendre les raisons de ce nouveau revirement : en 1945., il fallait mettre fin au relâchement idéologique et briser net les tendances « cosmopolites » et nationalistes des peuples allogènes; surtout des musulmans., dont plus d'un million venaient d'être déportés en Sibérie pot.µ" « trahison ». Dorénavant., par un durcissement doctrinal., les autorités soviétiques nieront le caractère progressiste des mouvements nationaux non socialistes ; cette négation entraînera automatiquement la condamnation des révoltes musulmanes antirusses ·à direction religieuse., féodale ou bourgeoise., tels le muridisme du Daghestan., ou le mouvement du khan Kenessary Kasymov au Kazakhstan. Mais d'autres raisons, plus récentes., expliquent la condamnation du muridisme : · 1. A partir de 1948., une conjoncture très défavorable à l'URSS se forme au Moyen-Orient et dans les pays arabes où les États-Uniscommencerit à s'installer et où le communisme est partout en recul; ' · . 2. Les autorités soviétiques craignaient à juste titre que les traditions du muridisme n'inspirent

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