336 distinction bien nette entre le préfacier et l'auteur. Le compte rendu du travail de Mme Van der Esch, confié à un autre collaborateur du Contrat Social, sera publié séparément. On traite ici exclusivement de la préface, non pour elle-même, mais en tant qu'immixtion de l'influence communiste dans l'édition française, influence qui s'exerce souvent par complaisance et à travers des auxiliaires d'autant plus nocifs qu'ils se targuent d'indépendance. Cette préface apparaît bâclée avec un mépris égal envers l'auteur du livre et envers le lecteur, écrite dans une langue parfois inintelligible. En voici le début : « Je me suis demandé s'il convenait d'écrire une préface pour ce livre, si solide, sur un des instants les plus douloureux de l'histoire du socialisme international. On me dira si j'ai eu raison.» On le lui dira. A part l'outrecuidance de ce « je » si choquant, il faut souligner le manque de sens qui caractérise l'allusion à «un des instants les plus douloureux», etc. La période 1889-1923 qu'embrasse le livre ne saurait être regardée comme un instant douloureux. C'est incompréhensible, et le contexte n'explique rien. La suite est de la même encre. Il faudrait tout reprendre phrase à phrase, chacune contenant soit une contre-vérité, soit un contre-sens. Pour abréger, on peut se contenter de citer celle-ci : « En octobre 1917, les bolchévistes arrivaient à faire sombrer le régime tsariste, et Lénine mettait au point cette révolution communiste pensée depuis 1905. » De telles affirmations ne discréditent pas seulement M. Bourgin, elles font gravement tort à l'auteur et à l'éditeur du livre. On doit s'y arrêter un moment pour faire justice d'une assertion scandaleuse de la propagande communiste hors de l'Union soviétique : car Staline lui-même n'a jamais osé raconter dans son pays que les bolchéviks ont fait « sombrer le régime tsariste ». Le tsarisme s'est effondré en février 1917 (puisque M. Bourgin se trahit en usant du calendrier julien), c'est-à-dire en mars, sans que les bolchéviks ne jouent aucun rôle particulier dans l'événement, leur parti étant alors insignifiant et leurs chefs émigrés à l'étranger ou relégués en Sibérie. Les bolchéviks ont renversé en octobre 1917 (vieux style), c'est-à-dire en novembre du calendrier grégorien, le quatrième gouvernement provisoire en majorité socialiste présidé par A. Kérenski et comprenant : - huit socialistes, A. Kérenski et S. Maslov (socialistes - révolutionnaires); K. Gvozdiev, P. Maliantovitch, A. Nikitine, A. Liverovski, V. Vernadski (social-démocrates); S. Prokopovitch (coopérateur) ; - quatre constitutionnels-démocrates, A. Konovalov, N. Kichkine, S. Smirnov, A. Kartachev; - deux représentants du commerce et de l'industrie, S. Saliazkine et S. Tretiakov; - deux spécialistes, A. Verkhovski et D. Verderevski (guerre et marine) ; - un sans-parti, M. Terechtchenko. Ces précisions sont données ici non pas tant pour convaincre de falsification historique le préfacier BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL qui a le front d'avancer que les bolchéviks ont fait sombrer le tsarisme en octobre 1917 que pour les fournir à tous ceux qui auraient du mal à les retrouver dans les publications de l'époque. La propagande communiste à usage externe inspirée par Staline et continuée par ses sucçesseurs attribue aux bolchéviks de 1917, entre autres mérites, le renversement du tsarisme. La vérité est fort différente. D'autre part, il n'y a rien de vrai dans l'affirmation : «Lénine mettait au point cette révolution communiste pensée depuis 1905 ». Comme tous les social-démocrates, et contre les socialistes-révolutionnaires, Lénine professait qu'une révolution socialiste, à plus forte raison communiste, serait impossible en Russie, où ne mûrissait (selon lui) qu'une révolution bourgeoise. Il le répète encore en 1917 avant de rentrer à Pétrograd, et avant de changer d'avis, de reprendre à son compte le programme des socialistes-révolutionnaires qu'il avait toujours combattu. On a tous les textes désirables à cet égard dans les éditions françaises de ses œuvres. Les deux pages de M. Bourgin sont tissées d'affirmations aussi fausses. Encore faut-il les comprendre. Autre spécimen du sabir de cette préface : « Dans la diaspora commençant des socialistes et travailleurs de Hambourg de mai 1928 on peut bien enregistrer la fin de ce qui avait été l'espoir des socialistes organisés. » Si quelqu'un y trouve un sens, prière de le communiquer. Et comment doit-on interpréter ce bout de phrase : « jusqu'à ce vieillard toujours en vie qu'est Marcel Cachin», en tête d'un ouvrage sur la deuxième Internationale? On hésite à qualifier de telles choses autant qu'on a du mal à les entendre. «Ce vieillard toujours en vie» est celui que P. Renaude! appelait déjà le« vieux traître oublieux» et n'a que faire là, juste avant cette stupéfiante péroraison : «Et je [sic] lui suis personnellement [sic] reconnaissant d'avoir écrit son livre au lieu même où notre Léon Blum fut cueilli [ si·c] par la mort, à ce Clos des Metz qui évoque pour nous tant de souvenirs. »En quoi le fait d'avoir écrit ce livre au lieu même, etc., implique-t-il la reconnaissance d'un admirateur de Staline ? Les cahiers mensuels P·reuves ont publié la biographie de Léon Blum extraite de la Grande Encyclopédie Soviétique, c'est-à-dire écrite sur les instructions de Saline, approuvée par «ce vieillard toujours en vie», et que Khrouchtchev ne veut pas désavouer. On y lit : Homme politique réactionnaire français, socialiste de droite, traître à la classe ouvrière, ennemi enragé de l'URSS ... La politique extérieure de Blum tendit à déchaîner ls deuxième guerre mondiale. Trahissant les intérêts nationaux de la France, Blum sabota l'application du traité franco-soviétique ... Les éléments fascistes, encouragés par lui, accentuèrent leur action destructrice... Il fut emmené en Allemagne, où il se trouva dans des conditions confortables, et écrivit le livre antisoviétique et pro-fasciste A l'échelle humaine .•. Agent direct de l'impérialisme américain... il fraya les voies à l'instauration en France d'un régime fasciste ... Blum est l'ennemi le plus haineux de l'Union soviétique,
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