COUP D'ŒIL SUR LA POLOGNE par Zbigniev Brzezinski î< LA POLOGNE est, aujourd'hui, le co1"don , ombilical qui rattache le monde communiste au reste de l'univers. » C'est sur un ton de fierté non dissimulée que ces mots furent prononcés devant moi par un intellectuel polonais de grande classe, lors d'un récent voyage à Varsovie. Ce sentiment d'un rôle historique important, joué par la Pologne dans son évolution actuelle, m'a rappelé l'attitude parallèle des Yougoslaves il y a quelques années. Quoi qu'il en soit, le propos est fort caractéristique de l'atmosphère que j'ai rencontrée dans les milieux marxistes polonais où il m'a été donné de pé~étrer. Là, prévalent une profonde réprobation à l'égard des douze années de présence soviétique imposée et une conscience aiguë du caractère <( non marxiste » de l'empreinte posée par Staline sur le communisme international. Mais le plus frappant, c'est peut-être ce curieux messianisme national, si typique de la pensée politique en Pologne depuis Mickiewicz ; non seulement il inspire la position des « marxistespolonais » devant les principaux problèmes du camp communiste, mais il fait qu'en rejetant les aberrations du stalinisme, ceux-ci se considèrent comme les pionniers d'une Renaissance - ou faut-il dire d'une Réforme? - qui restituerait au marxisme son sens « humain » en même temps que son orientation « scientifique », (supposée) indépendante de tout dogme. C'est ainsi qu'un intellectuel polonais a été jusqu'à me dire que, selon lui, l'apport essentiel du marxisme était d'avoir établi le caractère socialement positif de toute révolution. A l'en croire, il appartenait aux marxistes eux-mêmes de réveiller, parmi les communistes, le feu sacré révolutionnaire, sa11s craindre de remettre ainsi en question toutes les institutions et les régimes actuellement présentés Biblioteca Gino Bianco comme « socialistes ». La grande affaire, à ses yeux, était de maintenir en mouvement la dialectique de l'histoire ... Le polono-marxisme En Pologne, les expériences chinoise et yougoslave sont suivies, cela va de soi, avec un grand intérêt. Mao Tsé-toung est fréquemment cité depuis son discours de février dernier, et son allusion aux « cent fleurs» est entré dans le langage quotidien. Toutefois il ne semble pas que la situation chinoise ni celle de la Yougoslavie soient bien clairement comprises en Pologne ; il apparaît que les conditions spécifiques de ces pays sont ignorées ou méconnues, et que les conséquences logiques tirées des positions de Mao ou de Tito sont artificiellement transposées aux conditions foncièrement différentes de la Pologne. C'est ainsi que les déclarations du dictateur chinois sont - dans une mesure que lui-même ne manquerait pas de trouver excessive - utilisées contre l'URSS, de même que les appels de Tito à une démocratie intérieure par la gestion ouvrière. Ces emprunts tendancieux aux autres « démocraties populaires» ne peuvent d'ailleurs effacer un fait qui saute aux yeux de l'observateur : le domaine consenti à ~a liberté personnelle est déjà beaucoup plus grand à Varsovie qu'à Belgrade, de sorte qu'un régime à la Tito ne serait guère du goût de la plupart des Polonais qui croient pouvoir le prendre pour modèle. Il n'en reste pas moins que les régimes de Mao et de Tito sont censés démontrer que le corn- • • • • • • • murusme peut se mamterur au pouvoir sans llllltatton servile de ce qui se fait en Russie et fournissent àux Polonais des arguments qu'ils utilisent de
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