Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

P. LANDY a lancé .un avertissement qui s'adressait également aux « droitiers » et à la vieille garde : cc Quand il s'agit de défendre notre unité, nous n'avons peur de personne », a-t-il proclamé (Nepszabadsag, 7 juillet 1957). Il semble que pour le moment le groupe Kadar soit fermement en selle et qu'il jouisse de la confiance de Khrouchtchev qui, à plusieurs reprises, s'est prononcé publiquement en sa faveur. Pressions d'en bas Les conflits d'opinion qui se produisent à l'échelon supérieur sont quelque peu modérés par l'urgente nécessité commune de résister aux pressions d'en bas; et celles-ci s'exercent toutes dans le sens de la libéralisation. Cepe11dant, à la base du Parti, les moindres signes de mécontentement sont réprimés par une main de fer. Le 8 février, Gyula Kallaï déclarait : Nous sommes décidés à ne nous plier à aucune exigence, car les petites concessions seraient suivies par les grandes, et tout cela ne pourrait que nous ramener à un nouveau 23 octobre. (Nepszabadsag, 8 février 1957) Toutes les résolutions du Parti et les déclarations de la conférence de juin ont reflété l'attitude fondamentalement restauratrice du groupe Kadar : dans le cas de la Hongrie, il n'y a pas de cours intermédiaire possible entre la libéralisation (qui conduirait à un nouvel octobre 1956), et le retour aux anciennes formes de la domination communiste ; c'est donc ce dernier chemin qui est choisi, mais avec des méthodes et des chefs «nouveaux». La vieille formule reçoit de légères modifications, cependant que l'on prend commodément pour boucs émissaires de tous les péchés passés et présents les deux figures symboliques de Rakosi et de Nagy, celui-ci étant condamné pour avoir été trop loin et avoir trahi le socialisme; celui-là, pour n'avoir pas été assez loin et pour avoir commis de graves << bévues ». III LES FAITS de cette dernière année ont vérifié la thèse d'Orwell selon laquelle « une société devient totalitaire lorsque sa classe dirigeante n'a plus de tâches à remplir, mais réussit à se maintenir au pouvoir par la force et la ruse ». La force et la ruse sont les principaux instruments du régime de Kadar. Aucun mensonge n'est trop grossier pour être mis en avant comme justification historique et idéologique de la restauration bolchéviste. On peut en multiplier les exemples en glanant au hasard dans la presse : « Il n'est pas vrai que le Parti se soit effondré le 23 octobre», écrit Gyula Kallaï dans le N epszabadsag du 10 avril 1957. « Nous sommes convaincus que quelques milliers de travailleurs armés auraient suffi à disperser les bandes contre-révolutionnaires avec leurs journalistes et photographes américains. » De son côté, BibliotecaGinoBianco 319 Ferenz Czikesz, dans le même journal officiel du Parti en date du 9 mai 1957 écrit ce qui suit : Ce ne fut pas la jeunesse qui fut la base de la contrerévolution à Budapest, mais des voyous qui sortaient de prison et des éléments fascistes. 11 y a plus fort. Lorsque le Parti décida qu'il fallait tenter de réhabiliter la police secrète dans l'opinion, le Nepszabadsag commença obligeamment une série d'articles sur cet élément profondément méprisé en Hongrie, sous le titre « Parlons des héros »••• Enfin un professeur communiste de droit s'est chargé de « démontrer >> en une série de cinq articles « qu'il n'existe pas de gouvernement au monde qui soit plus légal et plus constitutionnel que le gouvernement Kadar » (Magyarorszag, 10 avril 1957). De tels travestissements paranoïdes des faits ont été accompagnés d'une campagne virulente contre le spectre du « révisionnisme », c'est-à-dire du mouvement de pensée à travers lequel s'exprime la pression de la réalité sur l'idéologie. Le tourbillon torrentueux des débats animés et joyeux qui, naguère encore, ébranlait les fondations du régime communiste, a disparu dans l'aride désert du néostalinisme. L'offensive contre la pensée La stérilité s'impose de même dans le domaine de la culture et de la pensée. Alors qu'en URSS se manifestent au moins quelques efforts de décentralisation économique (quelles que soient d'ailleurs leurs motivations politiques et leurs conséquences implicites sujettes à caution) que se passe-t-il dans la Hongrie de I(adar? Les économistes marxistes qui ont osé faire allusion à la nécessité d'un assainissement général de l'économie ont été taxés eux aussi, de « révisionnisme » ; les arguments mis en avant par des hommes tels que Tamas Nagy (un traducteur de Marx), Gyoergy Peter (directeur du Bureau central des statistiques) et Peter Erdoes (directeur de l'Institut de recherches économiques) ont été repoussés sous le prétexte que, dans leurs propositions de réformes, ces auteurs ne tenaient pas suffisamment compte du rôle supérieur du Parti et minaient la direction centrale de l'État socialiste ; tous ces novateurs timides ou prudents furent accusés de remettre en question les bases du marxisme-léninisme, et de se livrer aveuglément à l'imitation du malheureux exemple yougoslave, lequel, sous prétexte d'autonomie ouvrière, « a plongé l'économie socialiste dans de si graves contradictions » (Nepszabadsag, 23 juin 1957). En même temps une dure bataille était menée, dans le monde de l'art et de la littérature, contre la « décadence bourgeoise », l' « infection révis·o:1niste )),et autres « déviations malsaines ». Promesses, menaces, procédés d'intimidation, pression éco - nomique et manœuvres enveloppantes furent conjointement mis en œuvre dans cette campagne de récupération forcée et de remise au pas. Au début, le régime s'était montré disposé à admettre un •

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