Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

M~:GORKI tente. une expérience et s'efforce de porter l'esprit révolutionnaire du prolétariat à son paroxysme pour voir... ce qui en sortira. Naturellement, il ne croit pas dans la possibilité de la victoire du prolétariat en Russie dan~ les conditions actuelles, mais peut-être compte-t-il sur un miracle. La classe ouvrière doit savoir qu'il n'y a pas de miracles, que ce qui l'attend, c'est la famine, la ruine complète de l'industrie, des transports et une longue anarchie sanglante, après laquelle viendra une réaction non moins sanglante et sinistre. Voilà où son chef actuel mène le prolétariat ; et il faut comprendre que Lénine n'est pas un thaumaturge tout-puissant, mais un prestidigitateur cynique qui n'a cure ni de l'honneur ni de la vie du prolétariat. Les ouvriers ne doivent pas permettre aux aventuriers et aux insensés d'accumuler sur la tête du prolétariat des crimes honteux et sanglants pour lesquels ce n'est pas Lénine, rpais le prolétariat lui-même qui devra payer. Et je demande: La démocratie russe se souvient-elle pour le triomphe de quelles idées elle a combattu le despotisme de la monarchie ? 305 Se croit-elle capable maintenant encore de continuer ce combat? Se rappelle-t-elle que lorsque les gendarmes des Romanov jetaient dans les prisons et envoyaient au bagne ses chefs, elle dénonçait la lâcheté de leurs actes? En quoi se distingue l'attitude de Lénine à l'égard de la liberté de la parole de celle de Stolypine, de Plehve et autres caricatures humaines? Le pouvoir de Lénine ne traine-t-il pas en prison tous ceux qui ne pensent pas comme lui, ainsi que le faisait le pouvoir des Romanov? Pourquoi Bernatski, Konovalov et les autres · membres du gouvernement de coalition sont-ils enfermés dans la forteresse? En quoi sont-ils plus coupables que leurs collègues socialistes, libérés par Lénine ? La seule réponse honnête à ces questions doit être la libération immédiate des ministres et des autres innocents arrêtés, et le rétablissement de la liberté de la parole dans toute son intégrité. Et les éléments raisonnables de la démocratie doivent tirer de là toutes les conséquences, et décider s'ils doivent suivre les conspirateurs et les anarchistes à la Netchaïev. Novaïa Jizn, 20 novembre 1917. AUX OUVRIERS , VLADIMIR LÉNINE introduit en Russie • le régime socialiste selon la méthode de Netchaïev, « à toute vapeur à travers la boue ». Lénine, Trotski et tous les autres qui vont avec eux à la ruine dans la fondrière de la réalité, sont évidemment persuadés avec Netchaïev que « c'est par le droit au déshonneur que l'on peut le mieux entraîner avec soi un Russe » ; et on les voit déshonorer froidement la révolution et la classe ouvrière, pousser celle-ci à organiser des massacres sanglants, à faire des pogromes, à arrêter des gens absolument innocents comme Kartachev, Bernatski, Konovalov, etc. Après avoir amené le prolétariat à consentir à la suppression de la liberté de la presse, Lénine et ses suppôts ont sanctionné pour les ennemis de la démocratie le droit de lui fermer la bouche; en menaçant de la famine et du massacre tous ceux qui n'approuvent pas le despotisme de LénineTrotski, ces « chefs » justifient le despotisme du pouvoir contre lequel ont si longtemps lutté les meilleures forces du pays. S'imaginant être les Napoléon du socialisme, les léninistes se démènent et s'agitent, parachevant ainsi la destruction de la Russie. Et le peuple russe paiera tout cela dans une mer de sang. Personnellement Lénine est un homme d'une force exceptionnelle ; pendant vingt-cinq ans, il BibliotecaGinoBianco a été au premier rang de ceux qui luttaient pour le triomphe du socialisme ; c'est une des figures les: plus énergiques de la social-démocratie internatio-· nale ; homme très doué, il possède toutes lesqualités d'un « chef », notamment !'amoralité indispensable pour ce rôle et le mépris du « barine »- pour la vie des masses populaires. Lénine est un « chef « et un barine russe ; il a. certains traits moraux de cette classe déchue, et: c'est pour cela qu'il se croit en droit de faire avec le peuple russe une expérience cruelle qui est à l'avance vouée à l'insuccès. Épuisé et ruiné par la guerre, ce peuple a déjà sacrifié pour cette expérience des milliers de vies, et il devra en sacrifier encore des dizaines de milliers, ce qui va le décapiter pour longtemps. Cette tragédie inéluctable ne trouble pas Lénine, esclave du dogme, ni ses suppôts qui sont ses esclaves à lui. La vie, dans toute sa complexité, échappe à Lénine ; il ne connaît pas les masses populaires ; il n'a pas vécu avec elles; mais il a appris - dans les livres - comment on peut faire se cabrer ces masses, comment on peut - ce qui est le plus aisé - déchaîner leurs instincts. Pour les léninistes, la classe ouvrière est comme le minerai pour le métallurgiste. Peut-on, toutes les conditions étant remplies, transformer ce minerai en un État socialiste? Selon toute vraisemblance, la chose est impossible. Mais pourquoi ne pas essayer?

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