Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

LE MAUSOLÉE DE LÉNINE par N. Valentinov LE DIX-HUIT JANVIER 1924, trois jours avant la mort de Lénine, Kroupskaïa lui lisait la nouvelle de Jack London, L'amour de la vie. Le sujet en est connu. Un homme malade, mourant de faim, se fraye un chemin vers le fleuve à travers un désert de neige jamais encore foulé par un humain. 11 ne peut plus marcher, il se traîne. Et non loin de lui rampe un loup qui lui aussi meurt de faim. Le loup menace l'homme, se jette sur lui, une lutte s'engage entre eux dans laquelle le loup et l'homme épuisent leurs dernières forces. L'homme l'emporte malgré tout et à demi-mort, à demi-fou, atteint le fleuve. La nouvelle de Jack London, racontait Kroupskaïa, plut beaucoup à Lénine. Il ne pouvait en être autrement. Elle répondait pleinement à sa nature. « L'amour de la vie », la volonté de vivre, la lutte pour la vie étaient frénétiques chez Lénine. Je le sentis dès 1904 à Genève, peu après avoir fait sa connaissance. Plus tard, cette soif, avec une aspiration inconsciente et croissante à l'immortalité politique, se manifestera plus fortement encore. Trotski se trompe en disant que, pendant sa maladie, Lénine connut des moments d'un tel désespoir qu'il ne croyait pas les médecins et ne voulait pas les écouter quand ils lui affirmaient qu'il pouvait se rétablir. La sœur de Lénine, Marie Ilinichna, dit au contraire qu'il lutta contre la maladie « comme un lion », exécutant docilement toutes les prescriptions de ses médecins traitants.* Il croyait surmonter la maladie d'une façon ou d'une autre. Biblioteca Gino Bianco Cette foi, cette énorme vitalité, cette volonté de vivre accomplirent, de l'avis du docteur Kramer qui le soigna, un miracle : il commença à revenir à la vie, put marcher, parler, lire les journaux, s'intéresser aux questions politiques, cela même après la troisième attaque, d'une force prodigieuse, qui le laissa à l'état de demicadavre. D'habitude, d'autres meurent après· une attaque semblable, mais Lénine vécut encore dix mois. Avec la psychologie qui lui était propre et la conviction profondément ancrée de surmonter la maladie, il n'a pu, cela va de soi, demander qu'on lui procurât du poison pour mettre fin à ses jours. Ce bruit qui courut à Moscou * ne pouvait émaner que de gens qui ne connaissaient pas ou ne voulaient pas connaître l'un de ses traits les plus caractéristiques. A SEPT HEURESMOINS DIX, le vingt et un janvier, Lénine mourut. La mort s'accompagnait de paralysie des organes respiratoires et d'hyperthermie : élévation de la température jusqu'à 42°. Le tableau général de la maladie fut commenté dans les moindres détails par les médecins. Lénine etait atteint d'une importante artériosclérose généralisée, due à une usure précoce. Le rétrécissement des artères cérébrales empêchait l'irrigation du cerveau par le sang, d'où les vastes foyers de ramollissement du tissu • Voir la note de la rédaction en fin d'article.

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