Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

B. SOUV ARINE du programme des différents partis, le passage du pouvoir d'un parti à un autre. » Le pouvoir soviétique ne serait nullement incompatible avec l'Assemblée constituante, au contraire : « La convocation de la Constituante et l' e.fficacité (souligné par Lénine) de cette dernière dépendent de la prise du pouvoir par les Soviets : vieille vérité bolchéviste ... » Lénine écrit même un art=cle intitulé Comment assitrer le succès de l'Assemblée constituante, un mois avant la « révolution d'Octobre ». Il y indique les moyens de garantir « une véritable liberté de la presse pour tous, et non pour les riches », par la réquisition des imprimeries et des stocks de papier, par le monopole étatique des annonces et autres mesures analogues : l'État soviétique en disposerait en partage avec tous les partis et g ~oupes de citoyens capables de réunir un certain nombre de signatures. Trois jours après le succès de l'insurrection, un décret de Lénine interdisait les journaux· d'opposition, mais en stipulant toutefois : « Aussitôt que l'ordre nouveau sera consolidé, toute pression administrative sur la presse cessera, une liberté complète de la presse sera établie dans le cadre de la responsabilité devant la loi, selon la législation la plus large et la plus progressive. » Pour résoudre la question agraire dans un pays où l'immense majorité de la population paysanne était dépourvue de terres, Lénine avait renoncé à son programme trop doctrinaire et adopté celui de ses adversaires socialistesrévolutionnaires, copiant « 1not pour mot le programme électoral agraire des socialistesrévolutionnaires », selon sa propre expression. Commentant son décret sur la confiscation de la grande propriété foncière, qui accordait aux soviets et comités paysans locaux le droit de répartir le sol et l'inventaire au profit des paysans pauvres, il répondit aux critiques : « Étant un gouvernement démocratique, nous ne pouvons éluder la décision des masses, même si elle ne concorde pas avec nos opinions ... Même si les paysans suivent encore les socialistesrévolutionnaires, même s'ils donnent à ce parti la majorité dans la Constituante, nous dirons : qu'il en soit ainsi. » Enfin, le régime socialiste tel que le concevait Lénine devait sans délai rendre libres les nationalités et minorités ethniques assujetties à la Russie tsariste : « Le parti du prolétariat préconisera avant tout la proclamation et la réalisation immédiate de la liberté totale pour toutes les nations et tous les peuples opprimés par le tsarisme, annexés ou maintenus de force dans l'État russe, de se séparer de cet État. » Parlant BibliotecaGinoBianco 291 proprio motu au nom du prolétariat, Lénine veut « la restitution immédiate et intégrale de leur liberté à la Finlande, à l'Ukraine, à la Russie Blanche, aux Musulmans, etc. ». Dans un autre texte, il souligne : « Nous nous devons de faire droit immédiatement aux conditions des Ukrainiens et des Finlandais, de leur assurer, ainsi • qu'à tous les allogènes habitant la Russie, une liberté complète jusques et y compris la liberté de séparation; appliquer les mêmes principes à l'ensemble de l'Arménie, nous engager à l'évacuer ainsi que les territoires turcs occupés par nous, etc. » Les principes du socialisme sont assez connus sans qu'il soit nécessaire de se référer à Lénine pour en vérifier l'application dans l'État soviétique. 11 n'était pourtant pas inutile de remémorer les conceptions léninistes devant la situation où le « parti du prolétariat », en 1917, voulut mettre en œuvre son programme distinctif. Les autres notions inhérentes au socialisme allaient sans dire pour le Lénine de 1917 qui n'éprouve pas le besoin de les réitérer au moment où il s'agit de s'emparer du pouvoir ; on les retrouverait disséminées dans les vingt-cinq volumes de ses œuvres qui précèdent ses écrits de chef d'État ; elles sont conf ormes aux idées de tous les théoriciens du socialisme. EN LA QUARANTIÈME :ANNÉE du régime soviétique, il est impossible d'ouvrir une publication communiste sans tomber, à chaque article, sur une citation de Lénine, une référence à Lénine. Les plumes serviles qui, naguère, invoquaient Staline à tout propos obéissent désormais à un autre impératif catégorique en nommant exclusivement et inlassablement Lénine - morne psittacisme qui atteste l'abaissement des esprits, la stérilité intellectuelle des prétendus disciples. Après quarante ans de monopole, le Parti unique n'a pas produit une seule œuvre. Il n'a su que déifier son fondateur, en momifier le corps à des fins d'exhibition scandaleuse dans un rr...aus )lée qui insulte à la mémoire du mort, avant d'en figer la pensée artificieusement découpée en fragments tendancieux à des fins d' opportunité politique. Lénine n'avait rien compris à une phrase de K. Marx détachée du contexte sur la religion comme « opium du peuple » et qu'il a mise en circulation dans le monde; du moins son opinion sur la religion est-elle dénuée d'équivoque et condamne le culte de son cadavre comme le dogme du soi-disant « marxisme-léninisme », incompatibles avec le

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