Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

290 qui en traitent et dont il serait superflu de répéter les démonstrations puisqu'une autorité des moins récusables en l'espèce a prononcé, sur le socialisme soviétique, un avis qui vaut un aveu. En effet, dans son rapport au Soviet suprême le 8 février 1955, V. Molotov disait que « les bases d'une société socialiste » seulement étaient établies dans l'Union soviétique. La rétractation qui lui fut extorquée huit mois plus tard (publiée le 8 octobre) ne change rien à ce qui avait été exprimé sans contrainte. Or n'importe quel social-démocrate considère, en conformité avec sa théorie, que « les bases d'une société socialiste » existent dans tout pays de grande industrie capitaliste. Mais les bases sont une chose, le socialisme en est une autre. On peut aussi voir des bases là où il n'y en a pas. Molotov ne parle pas à la légère quand il présente un rapport au Soviet suprême et, d'ailleurs, ce rapport était préalablement écrit. Secrétaire du parti commu11Îste avant Staline, membre du Comité central et de son Politburo du temps de Lénine, président du Conseil des commissaires du peuple, ministre des Affaires étrangères sous Staline, membre de tous les organes dirigeants de l'État soviétique, Molotov n'a pas vu de socialisme en URSS, il n'a vu que des bases, alors que le congrès du Parti en 1939 avait décrété l'achèvement du socialisme et la progression graduelle consécutive vers le communisme. La prétendue cécité de Molotov s'explique : élève de Lénine, il conservait alors un vague souvenir de l'enseignement du maître et il savait encore ce que la génération suivante méconnaît ou feint d'oublier. Lénine ne s'est pas borné à des formules abstraites en matière de socialisme, il a énoncé en termes aussi clairs que précis les conditions pratiques de sa « construction d'un État prolétarien socialiste ». Une fois de plus, on doit les rappeler pour mettre en parallèle la réalité soviétique actuelle. * )f )f DANS SES DIVERSécrits précédant la prise du pouvoir, Lénine préconise essentiellement pour s'engager dans la voie menant au socialisme de créer un État de type nouveau sur le modèle ou à l'exemple de la Commune de Paris, celle de 1871. Il le répète à maintes reprises. Les Soviets, affirme-t-il, constitueront un État du type de la Commune parisienne s'ils deviennent le pouvoir. Et ce sont les Soviets seuls qui pourront convoquer une Assemblée constituante, expression de la souveraineté populaire.« Nous ne sommes pas des blanquistes, BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL partisans de la prise du pouvoir par une minorité », dit-il ; mais d'autre part il soutient que les 240.000 membres de son parti ayant au moins un million d'adeptes peuvent et doivent former « l'appareil étatique» futur, dépositaire de la dictature ·révolutionnaire. Le nouvel État aura pour tâche immédiate : « Suppression de la police, de l'armée, du fonctionnarisme. Traitement de tous les fonctionnaires, élus et révocables en tout temps, ne -dépassant pas le salaire moyen d'un bon ouvrier. » L'armée permanente doit être remplacée par « l'armement général du peuple », la police, par « une milice populaire, ... réforme qui découle de toute la marche de la révolution». Dans cette milice entreront « tous les citoyens et citoyennes de 15 à 65 ans ». Aucune réf orme ne sera décrétée « qui ne soit absolument mûre à la fois dans la réalité économique et dans la conscience de l'écrasante majorité du peuple». Dans L'État et la Révolution, pièce maîtresse de sa doctrine, Lénine développe avec insistance son argumentation antérieure pour prouver la nécessité de détruire « l'État parasite » en s'inspirant du précédent de la Commune de Paris, laquelle avait réduit les traitements « de tous les fonctionnaires au niveau du salaire d'un ouvrier ». La dictature du prolétariat sera un régime transitoire aboutissant à la disparition de tout État. « Du moment que c'est la majorité du peuple qui réprime elle-même ses oppresseurs, point n'est plus besoin d'une force spéciale de répression. C'est en ce sens que l'État commence à dépérir. » Le dépérissement de l'État va de pair avec l'épanouissement du socialisme, phase intermédiaire entre le capitalisme et le communisme, après quoi l'État n'a plus de raison d'être : telle est la thèse centrale de Lénine justifiant la suppression de la bureaucratie, de la police et de l'armée permanentes, leur suppression à brève échéance, non pas dans l'avenir communiste mais dans le proche présent socialiste. En attendant l'extinction définitive de l'État, le pouvoir des Soviets répondra aux exigences de la révolution et de la démocratie, promet Lénine : « Le développement pacifique de la révolution serait possible et probable si tout le pouvoir était remis aux Soviets. Au sein des Soviets, la lutte des partis pour le pouvoir peut se dérou1er pacifiquement, à condition que ces Soviets soient pleinement démocratiques. » Assertion non fortuite, car Lénine y revient d'autre part : « Si les Soviets prenaient le pouvoir, ils pourraient ... assurer le développement pacifique de la révolution, l'élection pacifique par le peuple· de ses députés, la concurrence pacifique des partis au sein des Soviets, l' expéri]?J.entation

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