D. H.KRUGER apaisant les jalousies entre les puissances. Il déclara même que « si d'aveugles haines raciales ne viennent compromettre les efforts économiques », 8 les pays capitalistes, en investissant des capitaux dans les pays « arriérés », auront travaillé pour la paix et le bien public, dans la me~ure exacte où la finance sera devenue plus nettement internationale. L'interpénétration des parts d'intérêt ( cross-ownership) dans les investissements internationaux sera une solide et sûre garantie de paix. Les investissements occidentaux dans les régions « arriérées », dont L' Impérialisme fait le procès, sont réhabilités dans L' Interprétation économique des investissements : ils encouragent, reconnaît Hobson, l'industrie nationale à produire en grande quantité et à meilleur marché, tant pour la consommation intérieure que pour la consommation extérieure. Les investissements étrangers ont un autre but non moins important : élever le niveau de vie dans les pays «arriérés». C'est à quoi tendent indiscutablement les entreprises occidentales dans ces pays : construction de routes, exploitation des mines, des terres, des forêts, fourniture de machines et de tous outillages industriels, aide pour la construction et l'équipement des villes, construction de voies ferrées pour transporter les matières premières jusqu'aux ports, enfin formation et organisation d'une population industrielle. 9 Pour le Hobson de 1911, les investissements à l'étranger permettent une meilleure distribution du revenu et dans le pays fournisseur de capitaux et dans celui que ces capitaux permettent de mettre en valeur. 10 Les importations massives résultant des investissements étrangers profitent aux consommateurs du pays investisseur : leurs revenus réels augmentent du fait de la diminution des prix ·qu'entraîne l'afflux de marchandises offertes sur le marché intérieur. Avec la mise en· valeur des régions arriérées, le commerce extérieur sera de plus en plus régi par le principe des avantages comparatifs, chaque pays se spécialisant dans la production de ce qui lui rapporte le plus, ce qui aura pour résultat d'abaisser les prix et dans le pays fournisseur du capital et dans les régions sous-développées. Dans celles-ci, où seront désormais produites toutes les sortes de richesses, le jeu de la concurrence entre producteurs agricoles ainsi qu'entre transporteurs et négociants, tous soucieux d'écouler leurs marchandises ou de fournir leurs services, les amènera à abandonner une part importante des profits que leur vaudra la:mise en valeur du pays, non pas uniquement aux capitalistes étrangers sous forme d'intérêts, mais aussi aux consommateurs locaux ainsi qu'aux autres producteurs auxquels ils auront affaire. Ainsi les investissements seront le moteur même du système 7. Hobson : An Economie Interpretation of lnvestment. Londres, 1911, pp. 116-117. L'auteur, notons-le, se détourne précisément de l'interprétation économique. 8. Ibid., p. 118. 9. Ibid., pp. 95-96. 10. Ibid., pp. 98-102. BibliotecaGinoBianco 239 économique ; il détermineront, en effet, la répartition des forces économiques entre les diverses localités et industries de façon qu'il en résulte la plus grande quantité possible de marchandises et de services utilisables. Ils favoriseront la production et la distribution des richesses mondiales. 3. LÉNINE, dans son ouvrage, L' Impériali'sme, stade suprême du capitalisme, passe complètement sous silence les nouvelles analyses de Hobson. Sa théorie de l'impérialisme a deux sources : L' Impérialisme de Hobson et Das Finanzkapital de Rudolf Hilferding, publié en 1910. Lénine se propose un triple but : a) sauver le marxisme révolutionnaire ; b) anéantir les «opportunistes », en la personne de Kautsky, dénoncé comme profanateur du marxisme ; enfin, c) présenter du socialisme une version vraiment russe ou orientale qui pourra convenir aux pays arriérés, agricoles, semi-coloniaux ou coloniaux. A en croire Staline, la publication de ce livre ouvrait dans l'histoire de l'Europe un nouveau chapitre : le « léninisme » étant, selon lui,« le marxisme à l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne ». La définition que donne Lénine est la suivante : L'impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s'est affirmée la domination des monopoles et du capital financier ; où l'exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan ; où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s'est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes. 11 Si Kautsky est le traître, Hobson est le héros du livre de Lénine. Certes, dit Lénine dans sa préface, Hobson a tort d'adopter le point de vue du réformisme bourgeois, mais il n'en donne pas moins une description excellente, circonstanciée, des principaux caractères économiques et politiques de l'impérialisme. Pour conférer plus de crédit à sa thèse, Lénine invoque l'autorité de Hobson, dont il place très l1aut le mérite. « C'est, écrit-il, le témoin le plus sûr, car on ne saurait le soupçonner de partialité envers l'orthodoxie marxiste; d'autre part, il est anglais, il connaît bien la situation des affaires dans le pays le plus riche en colonies, en capital financier et en expérience impérialiste. » 12 Lénine ne fait d'ailleurs que reprendre l'analyse économique de Hobson. Suivant Lénine, le fondement économique de l'impérialisme est le capitalisme de monopole. Les monopoles naissent de la concentration de la production en cartels, syndicats, trusts, qui jouent un rôle considérable dans la vie économique moderne. Ces monopoles ont accaparé « les principales sources de matières premières », ce qui, par 11. Lénine : L' J,npérialisme, stade suprAnie du capitalisme. Dans Lénine, Œuvres Choisies, tome I, 2° partie, \)P, 541-542. (Éditions en langues étrangères. Moscou, 1953.) . 12. Ibid., p. 527.
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