Le Contrat Social - anno I - n. 4 - settembre 1957

238 Pour lui, l'impérialisme serait « l'effort des grands maîtres de l'industrie pour faciliter l'écoulement de leur excédent de richesses, en cherchant a vendre ou à placer à l'étranger les marchandises ou les capitaux que le marché intérieur ne peut absorber. » 2 Ainsi, selon Hobson, les investissements à l'étranger seraient le facteur le plus important des économies dites impérialistes. Les grandes institutions bancaires qui forment le noyau du capitalisme international comporteraient un élément menaçant, car pour faire fructifier leurs capitaux, elles susciteraient les politiques impérialistes. Ces puissances financières, d'après lui, se servent de l'État, dont elles font l'instrument de leurs propres politiques. 3 Cet impérialisme n'est pas la conséquence d'un choix, mais une nécessité. Le développement des industries exige une extension du marché. Il faut de nouveaux débouchés pour y investir les capitaux disponibles et absorber les énergies des éléments les plus hardis de la population excédentaire. La progression continue des moyens de production fait de l'expansion une nécessité vitale pour une puissance industrielle. L'impérialisme, écrit Hobson, est ainsi la conséquence naturelle des pressions économiques engendrées par un essor brutal du capitalisme : le marché intérieur étant déjà saturé, il faut faire appel aux marchés étrangers pour y exporter marchandises et capitaux. Les progrès de l'industrialisation entraînent un accroissement de la production qui n'est pas suivi d'un égal accroissement de la consommation : on produit plus de marchandises qu'on n'en peut vendre avec profit ; il y a plus de capitaux qu'on n'en peut investir utilement. Industriels, commerçants et financiers, trouvant de plus en plus de difficultés à utiliser leurs ressources économiques, en viennent à faire pression sur leur gouvernement pour obtenir que leur soit réservé l'accès, par voie d'annexion ou de «protection», de tel pays sousdéveloppé. Telles sont les conditions économiques qui seraient le «germe de l'impérialisme». 4 Hobson tient que ce ne sont pas les progrès de l'industrie qui commandent l'ouverture de nouveaux marchés et d'aires nouvelles d'investissement ; c'est l'inégale répartition du pouvoir de consommation qui e1npêche marchandises et capitaux d'être absorbés par le marché intérieur. La surépargne est la racine économique de l'impérialisme. Il y a sur-épargne de rentes, de profits de monopole et de divers autres revenus excessifs qui, tous, n'étant le fruit d'aucun travail, n'ont aucune raison d'être. Comme ces divers types de revenus n'entrent à aucun moment dans le cycle de la production et qu'ils n'accroissent pas la consommation, ils constituent une richesse excédentaire qui reste en dehors des processus naturels de l'économie et tend par conséquent à s'accumuler sous forme de sur-épargne. 2. Ibid., p. 91. 3. Ibid., pp. 61-68. 4. Ibid., pp. 85-86. BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL • Ainsi, selon Hobson, une meilleure répartition des richesses suffirait à faire disparaître les causes de l'impérialisme. 5 Si l'excédent de richesse, à savoir la sur-épargne, était ·distribué soit aux travailleurs sous forme de salaires plus élevés, soit à la collectivité sous forme d'impôts, de façon à être dépensé et non plus accumulé, il servirait dans les deux cas à accroître la consommation, et dès lors il ne serait plus besoin de se disputer des aires d'investissement et des marchés étrangers. Dans une collectivité vouée au progrès, dont tous les membres jouiraient sensiblement des mêmes chances économiques et culturelles, la consommation croîtrait en même temps que la production ; capitaux et main-d'œuvre, quelle que soit leur importance, y trouveraient toujours à s'employer à l'intérieur de l'économie. Si la distribution des revenus permettait à toutes les catégories sociales d'accroître leur consommation, il n'y aurait plus ni surproduction, ni sous-emploi du capital et du travail, et l'État, par là-même, ne serait plus acculé à une politique impérialiste. Telle est, en substance, la thèse que soutenait Hobson en 1902. En 1938, dans un autre ouvrage, il conft!ssa son erreur. C'était, écrit-il, sa conception fausse du capitalisme en tant que cause première de la mauvaise distribution des richesses, de la sur-épargne et des aventures impérialistes qui l'avait conduit jadis à affirmer de façon trop radicale et peut-être trop schématique le principe du déterminisme économique de l'histoire. 6 Il reconnut qu'à l'époque de son premier ouvrage, L' Impérialisme., il n'avait pas encore saisi clairement l'interaction des phénomènes économiques, politiques et éthniques ; l'expérience concrète des mouvements et des causes (et notamment de l'anti-impérialisme) lui avait donné une vue plus juste des choses. Si en 1902, dans L' Impérialisme., Hobson faisait de la finance internationale l'instigatrice de la politique impérialiste, il fut amené quelques années plus tard à conclure qu'elle pourrait être bien au contraire une garantie de paix. Il se peut, affirme-t-il dès 1911, qu'à la suite d'un effort systématique, entrepris· pour des raisons n'ayant rien à voir avec l'économie, l'Occident perde un jour toute influence politique et financière dans les pays arriérés, mais il n'en reste pas moins que l'utilisation prolongée des capitaux de l'Occident y serait le gage le plus sûr d'un développement pacifique qui permettrait à tous les pays créditeurs de se partager les bénéfices d'une exploitation avantageuse des ressources dç ces régions. 7 Le même Hobson qui, neuf ans auparavant, avait vitupéré la' politique des États-Unis, et tout particulièrement celle de leurs grands établissements financiers, se fit alors le défenseur de la politique américaine de la «porte ouverte », qui pouvait apporter ordre et progrès aux pays arriérés, tout en 5. Ibid., pp. 91-92. 6. Hobson : Confessions of an Economie Heretic. Londres, 1938, p. 63.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==