Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

B. SOUV ARINE mêmes éditoriaux élémentaires ressassant les slogans officiels et les injonctions disciplinaires, les mêmes variations ennuyeuses sur les mêmes thèmes mensongers, les mêmes paraphrases des directives périodiques données dans les thèses du Parti et dans les discours oraculaires des chefs. C'est aussi le même manque d'intérêt, la même absence d'esprit critique et de talent. Il n'y a pas une signature que la mémoire puisse retenir et l'on ne trouve pas un seul article méritant d'être traduit pour ses qualités propres : l'unique raison de consulter parfois cette presse est de se renseigner sur les intentions nocives du pouvoir qui la possède et d'observer de temps à autre les signes perceptibles des processus internes de la vie soviétique. Une vraie crise du stalinisme se refléterait immédiatement en première page de la Pravda et transformerait bientôt ce journal : jusqu'à présent, personne n'a remarqué le moindre changement de cet ordre et aucun signe ne l'annonce. Tant que les successeurs de Staline ne se résoudront pas au moins à déceler la vérité sur l'élimination et l'extermination des membres du Comité central communiste et du Conseil des commissaires du peuple cooptés au temps de Lénine, sur l'assassinat encore mystérieux de Kirov, sur les « procès en sorcellerie » des années 1936 à 1938, sur les milliers de listes de proscription et les milliers de « réhabilitations » anonymes auxquelles Khrouchtchev a fait allusion dans son discours final au dernier congrès de son parti, on ne saurait tenir le stalinisme comme une chose du passé. A bien lire ce discours dont le huis-clos n'a pas empêché la divulgation, contraire aux intentions des maladroits meneurs du jeu, on trouve plus de fidélité aux principes du stalinisme que de répudiation des pratiques staliniennes. Le seul fait que les crimes sans nom inscrits au compte de Staline y soient imputés tout simplement au pseudo- « culte de la personnalité» trahit une sorte d'incapacité foncière à « dépouiller le vieil homme (pour se) renouveler par une transformation spirituelle», contrairement à ce que croient en Occident les gens qui prennent leurs désirs pour la réalité. Biblioteca Gino Bianco 1-ll LE STALINISME continue donc en profondeur sans les excroissances démentielles que la déstalinisation partielle élimine en surface. Exceptionnellement, Khrouchtchev a dit la vérité en faisant sa profession de foi staliniste (le 17 janvier) pour corriger les effets imprévus du discours secret, mais fameux, dont il n'a pas connaissance. Éduqué et dressé à l'école du stalinisme, il serait bien incapable de penser autrement que son maître et cela vaut aussi pour ses congénères de la « direction collective » qui sont redevables de leur carrière inespérée à cette école. Avec le temps et peut-être à leur insu, une déstalinisation réelle doit lentement s'accomplir sous la pression des besoins économiques et des aspirations humaines à la liberté. Mais ce ne sera pas l' œuvre de la génération qui constitue les cadres actuels de la société soviétique, une génération trempée dans les épreuves atroces de l' « ère stalinienne » et assez sûre d'elle-même pour ne pas craindre, à tort ou à raison, les velléités de la jeunesse subversive. Et l'évolution prévisible ne dépendra pas exclusivement de . , . causes 1nter1eures. Il y a aussi ce qu'un récent éditorial du New York Times (10 juin) définit comme la « guerre des idées », la « compétition-clef de notre temps ». L'auteur découvre, devant le langage abusif d'un Khrouchtchev et le silence obstiné de ceux qui auraient qualité pour répondre, que de récents événements « soulèvent sérieusement la question de savoir si nous comprenons l'importance de la guerre des idées et comment lutter dans cette guerre ». Il incrimine le « manque d'imagination » des milieux officiels. Le même jour, le même journal publiait une lettre du président de l'Assemblée des Nations européennes captives dénonçant le « mensonge total» des leaders communistes qui prétendent que leur régime en Europe orientale « repose sur la volonté des peuples »mais refusent les élections libres. Lettre qui n'a pas eu d'écho, que l'on sache. Si la guerre des idées se poursuit ainsi encore longtemps à sens unique, rien n'empêchera le « mensonge total » de prévaloir sous le nom fallacieux de marxisme-léninisme, pseudonyme du stalinisme. B. SOUVARINE •

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