Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

140 nistes sont passés maîtres depuis Staline. Au contraire, · tout incite à croire que les actuels sectateurs du culte de la personnalité de Lénine persisteront à mutiler, à dénaturer, à maquiller leurs saintes écritures pour ne pas faire écrouler l'échafaudage de fictions et de tromperies qui leur tient lieu de doctrine : ils viennent seulement d'éditer une Correspondancemilitaire de Lénine en ne supprimant ni plus ni moins que les messages adressés aux principaux chefs de l'armée (à Trotski notamment) assassinés par Staline. Là encore, ce qui distingue les staliniens de leur maître n'est pas de nature, mais de degré. Les libertés qu'ils prennent avec les écrits de Lénine devraient donner une idée de ce qu'ils osent en d'autres domaines. I<hrouchtchev, parlant au nom de l'oligarchie dominante, ne craint pas de nier l'évidence quand il dénie aux peuples dominés, tant de l'Union , soviétique que des Etats satellites, toute aspiration au mieux-être politique, économique et moral. Il sait que personne ne va l'y contredire et qu'au dehors de son empire, aucune puissance ne lui donnera la réplique. Le stalinisme peut donc durer sans Staline « en tant que technique d'oppression et d'exploitation à l'intérieur, d'infiltration, de subversion et d'intimidation à l'extérieur ; une technique revue et corrigée quant aux formes, invariable dans le fond », comme on l'a écrit dans le Figaro (23 mars 1954) un an après la mort de Staline. * )f )f IL EST VRAI enfin que les dirigeants actuels n'ont pas commis pendant trois ans, directement et explicitement, de crimes comparables par l'envergure ou l'atrocité à ceux dont ils s'étaient rendus complices sous Staline. Mais ils pouvaient s'en dispenser précisément parce que des millions, des dizaines de millions d'individus avaient péri jusqu'alors : à ce prix, l'ordre règne pour longtemps chez eux. Dès la quatrième année de leur avènement au· pouvoir, la révolution populaire en Hongrie devait leur offrir l'occasion de montrer ce dont ils sont capables, en fait de tueries dictées par l'intérêt politique. Seuls s'en étonnent les gens qui ne savent rien de l'histoire soviétique ni de la biographie des seigneurs de la « direction collective ». Il suffit de lire un article comme Les complices de Staline ( dans le n ° 171 d' Est et Ouest) pour apprendre comment Kaganovitch, Molotov, Vorochilov, Mikoïan, Boulganine· et Khrouchtchev ont contribué à la fortune césarienne de Staline et trempé dans ses plus sanglantes turpitudes. Staline lui-même ne tuait pas tout le temps ni ·tout le monde, mais l'idée ne venait alors pas à BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL l'esprit de qualifier «déstalinisation» totit intermède entre deux hécatombes. Les massacres de Hongrie attestent une volonté bien arrêtée de ne reculer devant aucun sacrifice humain pour affermir l'autocratie héritée de Staline. Ce qui a été reproché à celui-ci au XX0 congrès du Parti, ce n'est pas d'avoir exterminé les· élites de la société soviétique, outre des millions d'humbles travailleurs, c'est de s'être mis insensément à frapper ses plus proches serviteurs en stalinisme, c'est d'outrepasser les limites concevables en vue de l'efficacité politique. Et ce qtii a été corrigé dans la soi-disant dictature du prolétariat instaurée par Lénine et renforcée au centuple par Staline, ce sont les excès meurtriers devenus inutiles, les exagérations policières préjudiciables · au fonctionnement du régime, donc les tendances personnelles du tyran pris de vertige dans l'exercice de sa toute-puissance. Tout cela n'est compréhensible qu'à la condition de ne pas ignorer l'état pathologique de Staline. Pendant le quart de siècle dénommé «ère stalinienne » par les stalinistes, on a dû remarquer dans les méthodes gouvernementales des anomalies inexplicables autrement que par les syndromes d'aliénation mentale décelés en Staline : ambition démesurée, jalousie maladive et soif de vengeance au début, puis manie des grandeurs, délire de persécution, et enfin fureurs homicides. Les psychiatres en feront un sujet d'études et les historiens en tiendront compte dans leurs travaux difficiles. 11 est naturel que les aspects subjectifs de ce pouvoir exorbitant aient disparu avec l'homme qui en fut l'incarnation première : en ce sens seulement, on peut parler de « déstalinisation » relative. D'innombrables effigies du chef sont mises au rancart, le nom obsédant et abhorré cesse d'encombrer la presse et de retentir à la radio, la stature du ci-devant «génie» est réduite à des proportions quasi-modestes, ses lourdes et mornes -proses ne sont plus de lecture obligatoire et une critique strictement délimitée en haut lieu lui devient applicable. Mais ce genre de déstalinisation superficielle ne déstalinise nullement le régime dans son essence. La façon hésitante dont les épigones se comportent à cet égard, leurs tiraillements, leurs révélations entrecoupées de rétractations ou de correctifs, toutes ces alter- , natives témoignent d'opportunisme politique et d'expédients tactiques, non de dépassement intellectuel ni de régénération morale. Chaque jour la presse de· Moscou montre la persistance invétérée de ce stalinisme qui n'ose pas dire son ,nom, mais qui s'affirme avec monotonie dans la grisaille de toutes les rubriques. Ce sont les mêmes articles stéréotypes illisibles, les

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