Chronique LES SOCIALISTES FRANÇAIS A MOSCOU L'AN DERNIER, en avril et mai, une délégation du Parti socialiste français invitée par les autorités communistes s'est rendue à Moscou pour y discuter doctrine et politique. Elle a séjourné une quinzaine de jours en URSS. A son retour en France, elle devait publier un rapport sur l'enquête accomplie. Elle s'en est abstenue. Seul André Philip a présenté un « Exposé » au Conseil économique, excellent à certains égards mais non exempt d'illusions sur les réalités soviétiques. Un autre membre de la délégation a donné, dans les Cahiers internationaux, revue stalinienne, un article superficiel de touriste content de voyager et où il n'est pas question de socialisme. . Le 28 juillet, la Pravda publiait un immense article polémique, avec la bonne foi qui la caractérise, délayant les poncifs ennuyeux de la propagande communiste après avoir constaté : « La délégation n'a pas présenté officiellement de compte rendu à son parti. » A cette invite, et malgré l'occasion offerte de réfuter les sophismes et les arguties des profiteurs du stalinisme., les socialistes ont encore répondu par le silence. Enfin, un an après le voyage, la revue Réalités (mai 1957) publie un résumé analytique des notes prises à titre privé par un interprète., M. Pierre Lochak, au cours de trois séances de discussion entre les communistes et les Français. On croit rêver en apprenant ainsi que les socialistes ont commencé par offrir des cadeaux, c< produits de l'artisanat parisien», aux nouveaux riches du communisme qui s'en soucient comme un poisson d'une pomme. Qu'espéraient-ils en s'y prenant de la sorte? Les cadeaux n'ont pas modifié d'un iota les réponses soviétiques mensongères aux questions socialistes naïves, ni élevé d'un degré le niveau du verbiage de Khrouchtchev. Sur le fond, les uns ont récité la Pravda, les autres ont répété le Populaire, et tous sont restés sur leurs positions comme on pouvait s'y attendre. Voici des échantillons de Khrouchtchev : cc Dans les latitudes nordiques près du cercle polaire, il est évident que l'on ne peut pas parvenir à cultiver le maïs pour l'alimentation humaine ... ». Plus loin : « Ne faites pas les mêmes sottises que nous. Profitez de nos leçons. Autrefois nous chiffrions pour chaque kolkhoze le nombre de vaches, de poulets, etc. C'était idiot, car le rendement est très différent selon les bêtes et selon les kolkhozes. Nous avons renoncé à cela. » Etc. Il valait la peine de se déranger pour entendre de ces vérités premières. Aucun des socialistes n'a osé dire que si l'un d'eux avait parlé de ces « sottises » et de ce qui est « idiot », il aurait été traité de fasciste, de socialtraître et de fauteur de guerre (au moins). Biblioteca Gino Bianco Khrouchtchev raconte trois fois que les États-Unis ont refusé un visa d'entrée à des cuisiniers soviétiques. Il ne dit pas le pourquoi et le comment, ni combien de visas ont été octroyés à toutes sortes d'espions de chez lui. Chacun sait qu'on entre en URSS comme dans un moulin et que les USA sont entourés d'une muraille de Chine derrière un rideau de fer ... Lénine disait de Staline : « Ce cuisinier ne préparera que des mets trop pimentés. » Le State Department a peut-être tenu compte de l'avertissement appliqué à toute l'école stalinienne de cuisine? Un délégué socialiste ignorant ayant parlé du cc procès des médecins», Mikoïan répond imperturbablement : cc 11 n'y a pas eu de procès., mais seulement instruction. >> En effet, les médecins ont été seulement torturés sans procès et plusieurs en sont morts. Qui donc ose calomnier la justice soviétique en insinuant qu'il y aurait eu procès? Le même ignorant demande si un Juif peut aller en Israël et Khrouchtchev., dans un grand élan de franchise., répond: « Je vous dirai la vérité [sic]. Nous ne favorisons pas ces voyages. ,, Là-dessus Chepilov ajoute : cc La question d'ailleurs ne s'est pas posée. >> Il y en a ainsi trente colonnes en petit texte serré et cela s'intitule sans ironie : cc Un document capital pour la compréhension du monde actuel. >> Certes, chacun reste libre d'interpréter à sa façon ce titre hyperbolique. On appréciera pleinement l'importance de la rencontre en lisant ces paroles de Chepilov., puis la réponse : cc L'origine du parti unique ne nous est pas imputable. C'est le résultat d'une évolution historique. Avant la révolution d'Octobre il y avait plusieurs partis. Nous n'avons interdit aucun parti et spécialement pas la social-démocratie. Il n'y a eu aucun décret à ce sujet. » Autrement dit, la social-démocratie n'a pas été interdite., elle a été seulement anéantie, sans décret. A cela, les socialistes n'ont rien trouvé à répondre. Ils sont restés silencieux ensuite quand Chepilov a osé affirmer : « La social-démocratie était dans les armées de Koltchak, de Denikine et dans les armées d'intervention française. Ce fut sa faillite. Le peuple l'a rejetée. Il n'y a donc pas eu besoin de décret. » La plupart des délégués socialistes ignoraient sans doute que le parti socialiste de Martov, de Dan, d' Abramovitch a mobilisé ses membres dans l'armée rouge pendant la guerre civile. Mais ceux qui ne l'ignoraient pas ont confirmé les calomnies de Chepilov par leur mutisn1e. Et personne n'a répliqué quand Khrouchtchev a déclaré : « Vous parlez des socialistes en prison dans les démocraties populaires. Je vous dis h nnêtement [sic] : n us ne savons qt1el s ciali tes se
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