Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

QUELQUES LIVRES groupes sociaux qui auraient eu le plus tendance à résister. Les nomades furent contraints à se fixer, fournissant ainsi de la main-d'œuvre pour réaliser les plans gouvernementaux dans le domaine industriel et agricole. Sous le régime de la collectivisation obligatoire, les· paysans furent forcés d'abandonner leurs cultures traditionnelles pour se consacrer à celle du coton. Sur le plan politique, le régime soviétique s'efforça d'empêcher un réveil du sentiment national en divisant le pays en plusieurs « républiques » et en imposant d'artificielles barrières linguistiques et culturelles. Des autochtones furent admis dans l'organisation de l'État et du Parti, mais les leviers de commande restèrent aux mains d'hommes venus du dehors. Les mesures en apparence « progressistes >> qui ont été prises dans le domaine social et culturel ont essentiellement pour objet de consolider l'autorité de Moscou; ce n'est qu'accessoirement que la population en a aussi parfois tiré profit. Par l' émancipation des femmes, on visait la structure traditionnelle de la famille. Par les méthodes soviétiques d'éducation, on combattait l'influence hostile de la vieille génération sur l'esprit des jeunes. La religion musulmane, autrefois caractéristique dominante de la culture nationale, a été l'objet d'une guerre d'usure continuelle dans l'espoir d'arriver à son annihilation complète. Périodiquement, des <c purges » ont rappelé que le régime exigeait une orthodoxie absolue et une intégration totale. Certes, ces aspects de la domination soviétique ont déjà été traités dans un certain nombre d'études antérieures. Le principal mérite de l'ouvrage de M. Hayit, c'est qu'aux faits déjà connus dans leurs grandes lignes il ajoute une profusion de documents nouveaux. On trouve dans le texte, dans les notes et dans l'abondante bibliographie, une masse d'informations de valeur presque encyclopédique et qui font de son livre un guide indispensable pour tous ceux qui, à l'avenir, s'intéresseront à l'histoire contemporaine du Turkestan. On peut se demander pourtant quelle orientation donner aux recherches dans ce domaine. Près de quarante années de domination soviétique ont inévitablement contribué à détruire les modes de vie antérieurs et à façonner les habitants dans le moule requis. Il y a encore dans le domaine économique et social des << survivances du passé » dont le pouvoir espère venir à bout ; il lui reste à se débarrasser des signes de « déviationnisme » et de nationalisme qui ne cessent de se manifester, mais chaque année qui passe renforce l'autorité centrale et rend plus désespérée la cause des autochtones. Ceux-ci jouent aujourd'hui le rôle qui leur a été assigné comme fournisseurs de matières premières pour la grande machine économique que constitue l'URSS. La récente arrivée massive de colons russes et ukrainiens dans le Kazakstan, pour la réalisation du programme d'exploitation des « terres vierges », doit être suivie d'une nouvelle vague lorsque seront réalisés les projets d'irrigation dans les autres républiques de l'Asie centrale. Cela ne fait que souligner ce Biblioteca Gino Bianco 209 qui semble être virtuellement un fait accompli : la réduction à une minorité des autochtones dans leur propre pays. Quand les choses en sont là, il ne suffit pas de relater des faits accomplis, de dresser la liste des injustices commises ou de rédiger de longs réquisitoires ; ce sont là des exercices théoriques qui, pour employer le jargon soviétique, sont « éloignés de la réalité ». Il nous semble qu'en partie, les efforts de recherche et d'analyse en ce domaine devraient chercher à dégager les conséquences futures du colonialisme soviétique. Parmi les questions qui se posent : faut-il conclure que les habitants du Turkestan, ainsi que les autres populations non russes de ·l'URSS, finiront par disparaître comme nations? Dans l'affirmative, quelles seraient les répercussions éventuelles pour le monde occidental? Ou bien le mouvement qui porte les peuples à revendiquer leur indépendance finira-t-il par s'étendre à l'URSS? Enfin, sur quels principes devrait s'appuyer une politique avisée à l'égard des minorités nationales et des pays sous-développés du monde? Il n'existe pas de réponses - toutes prêtes à ces questions et les spécialistes devraient y travailler. RICHARD A. PIERCE Notes de lecture DANS Encounter (Londres, n° 45, JWn 1957), H. R. Trevor-Roper règle à sa façon le compte d'Amold Toynbee. Il juge inexacte, illogique et dogmatique la grande Study of History en dix volumes qui a fait illusion au public lettré, surtout en Amérique, mais dont cc chaque chapitre a été mis en pièces par les experts». Cette œuvre, dit-il, est déterministe et obscurantiste. Les expressions qui devraient être neutres pour rester «scientifiques» prennent un sens moral selon l'opinion de l'auteur qui a décidé proprio motu que le déclin de notre civilisation commence à la Renaissance, donc que la Réforme, le siècle des lumières, etc., sont des époques de décadence. Nouvelle version du « déclin de l'Occident» de Spengler, la systématisation chez Toynbee n'a rien d'original, elle s'inspire de théories allemandes périmées et rappelle l'école anglaise de Belloc, de Chesterton, de Hulme. Elle se contredit en condamnant à mort une même civilisation tantôt en raison de son âge, tantôt en raison de ses péchés. En 1936, Toynbee décernait à Hitler un certificat de sincérité dans le pacifisme. Après la guerre, ayant à expliquer la survie de l'Occident, il s'en tira en interprétant l'hitlérisme comme une force illusoire et la tournure des choses comme une série d'accidents l1eureux. Il rectifie maintenant son ancienne théorie pour annoncer la pérennité de la religion chrétienne dans une transcendance vers une religion syncrétiste universelle. Obsédé par le précédent gréco-romain, le seul qu'il connaisse, il ne conçoit que la répétition sur un plan plus vaste du phénomèn propre à l'Église chréti nne. Mais qui sera le nouveau messie de la nouvelle église sinon Toynbee lui-même? L'égocentrisme du personnage, qui n'a jamais tenu compte d'aucune critique sérieuse, répondu aux réfutations les plus convaincantes, autorise une conclusion aussi imprévue, argumente longuement M. TrevorRoper qui, cependant, a le tort parfois d'invoquer des

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==