Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

208 de mon message, j'anéantirai mes ennemis». De là, à une certaine époque, « tant d'applaudissements donnés à la Prusse » - au maître d'école prussien, pilier de la victoire allemande de 1870 - « par des hommes qui n'auraient pu supporter une minute le ton et l'esprit de l'école prussienne » (p. 20). Il était facile de masquer la contradiction : on enseigna donc comme un dogme la liberté, la philosophie de 1789, la religion du progrès. Mais tout cela devait s'affadir assez vite. Au cours des années 1870 et 1880, les maîtres d'école « furent généreux, un peu fous... Ils étaient possédés du délire patriotique». Mais «mise de côté la Revanche, les catéchismes laïques qui s'élaborent autour de Ferry sont pauvres, beaucoup plus pauvres que les catéchismes socialistes de 1848 pour ce qui touche le comportement quotidien» (p. 123). La nouvelle idéologie socialiste rendit un peu de vie à cette doctrine gagnée par la sclérose, mais pour un temps assez court. ET MAINTENAN?T « Le corps des instituteurs n'a plus la même homogénéité que par le passé ... Dans les Écoles Normales moralement démantelées, on ne fabrique plus de puissants explosifs idéologiques comme au cours des années 1880. » D'où « un manque de chaleur à l'égard du prosélytisme laïque» (p. 177). Cette évolution est conforme d'ailleurs au vœu du pays qui « ne souhaite pas que le laïcisme prenne une tournure agressive», au mouvement des idées qui «a rendu caduques certaines formes de rationalisme ». Au surplus l' « instrUction s'est répandue, elle n'a plus le caractère insolite et merveilleux quelle revêtait autrefois. Le maître qui la dispense prend des proportions plus 1ninces ». Moins de prestige donc, et moins d'enthousiasme, moins de foi. Les instituteurs n'auraient-ils plus d'autre rôle que d'enseigner les quatre règles? On sent que G. Du veau ne s'y résigne pas ; il voudrait que, guéris des abstractions qui depuis cent cinquante ans ont régenté notre école (p. 185), ils préparassent mieux les écoliers aux tâches concrètes qui seront les leurs demain dans une France en voie de transformation profonde. On ne peut qu'approuver, mais on fera grief à G. Du veau de n'avoir pas noté, fût-ce d'un mot, que chez des milliers d'instituteurs déjà, une nouvelle idéologie est en train de prendre la place laissée vide par l'idéologie socialiste et l'idéologie républicaine : celle du despotisme des temps modernes. Aux tâches concrètes auxquelles discrètement G. Duveau les convie, trop d'instituteurs préfèrent les facilités intellectuelles, le confort mental du communisme stalinien, précisément parce que leur formation depuis toujours leur a dissimulé l'homme historique et l'homme éternel derrière un homme abstrait qui pourrait fort bien être le robot fonctionnel de la cité totalitaire. CLAUDE HARMEL BibliotecaGi•noBianco LE CONTR.AT· SOCIAL Colonialisme . , . sovietique BAYMIRZAHAYIT : Turkestan im XX. Jahrhundert [Le Turkestan au xx0 siècle]. Darmstadt, C. W. Leske Verlag, 1956, 406 pp. UNE «PRISONDEPEUPLES))c:'est ainsi que Lénine qualifiait la Russie impériale. Que l'expression puisse s'appliquer aussi bien à l'URSS d'aujourd'hui, les preuves en abondent ces dernières années, preuves fournies par des études sérieuses qui donnent une vue de plus en plus claire de la nature du système soviétique et de ses répercussions sur les peuples asservis. A cette documentation, le livre du Dr Baymirza Hayit sur l'histoire récente du Turkestan (l'Asie centrale soviétique) apporte une contribution de ., · poids. Étant originaire du Turkestan, l'auteur a une expérience directe de la domination soviétique ; de plus, sa connaissance de la langue et les contacts personnels qu'il a pu avoir lui ont donné accès à des sources d'information fermées à la plupart des spécialistes occidentaux. · Dans ce volume, le premier d'une collection de travaux en langue allemande traitant de différents pays (Forschungen zur neuen Geschichte der Volker Osteuropas und Asiens [Recherches sur l'histoire moderne des peuples de l'Europe orientale et de l'Asie], éditées par Gerhard von Mende), M. Hayit nous offre à la fois un exposé détaillé et un guide pour de nouvelles recherches. Comme tel, il sera plus utile aux spécialistes que le livre récent de Sir Olaf Caroe, Soviet Empire (Londres., Macmillan., 1953), qui s'adresse à un public plus large., et il complétera l'ouvrage de Zeki Velidi Togan., Bügünkü Türkeli (Tilrkistan) ve yakin trihi [Le Turkestan moderne et son histoire récente] (2e éd .., Istanbul, 1947), qui n'a malheureusement été publié dans aucune langue occidentale. Dans sa longue introduction, M. Hayit donne une idée du riche passé du Turkestan avant la conquête russe au siècle dernier. Il retrace ensuite l'éveil de la conscience nationale sous la domination de la Russie impériale, les tâtonn~ments accomplis pour opérer des réformes et pour moderniser la culture du pays, efforts qui vinrent malheureusement trop tard pour calmer la tension populaire et pour éviter les soulèvements de 1916, lesquels eurent comme conséquences tragiques la terreur et la répression. L'auteur dépeint ensuite fidèlement les vaines tentatives des intellectuels du Turkestan pour obtenir l'indépendance ou l'autonomie après la révolution de mars 1917., puis la prise du pouvoir par les bolchéviks et la période confuse de la guerre civile. ' L'essentiel de l'étude de M. Hayit est consacré à la transformation que Moscou fit subir à la structure économique., politique et sociale du Turkestan pour l'adapter au système soviétique. La nationalisation et la redistribution des terres et des , ressources hydrographiques rendirent le gouvernement soviétique maître des moyens de production essentiels et brisa la puissance des

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