Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

202 En Irlande, en Angleterre, en Belgique, en France, partout où règne la libre concurrence, où rien n' a"ête l'essor désordonné d'un industrialisme sans frein, le sort des classes ouvrières devient nécessairement plus misérable et plus abject ; et ce n'est pas seulement contre elles-mêmes que ces classes ont à lutter, c'est contre des machines qui ne dépensent plus que quelques centimes par force d'homme. (§ VI, p. 9). C'est la loi de la concurrence qui produit la misère croissante dans la masse ouvrière (§ VI), elle détruit aussi les classes moyennes (§ VII). Si maintenant nous comparons tout cela avec le Manifeste Communiste, nous verrons que non seulement toutes ces idées y sont réunies, mais qu'elles sont exprimées presque dans les mêmes termes. Dans quelque branche que ce soit, continue Victor · Considerant, les grands capitaux, les grandes entreprises font la loi aux petites. La vapeur, lesmachines, les grandes manufactures ont eu facilement raison, partout où elles se sont présentées, des petits et moyens ateliers. A leur approche, les anciens métiers et les artisans ont disparu pour ne plus laisser que des fabriques et des prolétaires ..• L' Argent envahit tout ; la puissance des gros capitaux s'accroît incessamment : ils attirent et absorbent, dans tous les ordres, les petits capitaux et les moyennes fortunes ... (§ VII, pp. 9 et 10). Les conséquences de ce fait sont des plus graves : La société tend à se diviser de plus en plus distinctement en deux grandes classes : un petit nombre possédant tout ou presque tout, maître absolu de tout dans le domaine de la propriété, du commerce et de l'industrie ; et le grand nombre ne possédant rien, vivant dans une dépendance collective absolue des détenteurs du capital et des instruments de travail, obligé de louer pour un salaire précaire et toujours décroissant ses bras, ses talents ei ~sesforces aux seigneursféodaux de la société moderne (§ VIII, pp. 10 et 11). La richesse a tendance à se concentrer entre les mains d'un nombre toujours diminuant de possesseurs. Notre industrialisme à libre concurrence est un mécanisme colossal d'une énorme puissance qui pompe incessamment les richesses nationales pour les concentrer dans lesgrands réservoirs de l'aristocratie nouvelle et qui fabrique des légions faméliques de pauvres et de prolétaires. La BibliotecaGinoBianco • LE CONTRAT SOCIAL Grande-Bretagne présente au plus haut degré ce phhzomène de la concentration des capitaux entre les mains d'une aristocratie peu nombreuse, de l'amoindrissement des classes moyennes, de la quasi-annihilation politique et sociale de la bourgeoisie, d'un prolétariat et d'un paupérisme envahissants (§ VIII, p. 11). Marx n'a pas ajouté un seul mot à cela. De toute évidence, la théorie de la misère croissante et de la concentration du capital était une sorte de lieu commun de la critique socialiste avant Marx, et le grand communiste allemand l'avait admise sans discussion. Le Manifeste de la Démocratie, on peut le dire, contient presque toutes les idées du futur manifeste de Marx et d'Engels. Le gouvernement y est défini comme un organe de la féoda1ité capitaliste (§ IX). La question coloniale, qu'on appelle à présent l'impérialisme, est exposée par Considerant de la même manière que plus tard chez Marx et Engels, comme un besoin de nouveaux marchés pour le commerce. Même l'exemple cité par Marx et Engels est celui de Considerant : la guerre de l'opium contre la Chine. En présence de tout cela, il est difficile de nier que le Manifeste de la Démocratie fut le vrai père du Manifeste Communiste. En outre, un grand mérite de Considerant est son explication du mouvement révolutionnaire du prolé- . tariat (§ X) comme le résultat du conflit des classes existantes et de la misère dans laquelle la société capitaliste moderne a précipité les producteurs. Il dit que la négation du droit de propriété par les classes ouvrières est le résultat de cette négation de justice dont ils sont victimes. Le mouvement chartiste en Angleterre est expliqué par l'inimitié des classes, provoquée par le spectacle de la misère croissante chez les uns en face des richesses croissantes chez les autres. Le monopole universel ne peut pas se concentrer aux mains d'une classe peu nombreuse sans échauffer bientôt contre cette classe les haines les plus profondes. L'Association fouriériste est prêchée par Considerant comme un moyen naturel et raisonnable de surmonter les maux existants. En quoi nous rencontrons encore la première idée d'après laquelle les révolutions sociales et les phénomènes de la vie collective dépendent du développement économique, idée que Marx et Engels ont brillamment développée plus tard et qui sera leur mérite essentiel. Mai6 en reconnaissant ce mérite nous devons reconnaître honnêtement que presque toutes les idées essentielles de leur théorie ont été élaborées plusieurs années avant le Manifeste Communiste. A. L. ,

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