A. KASSOF présent, toutefois, ce qui a été fait dans ce sens n'a qu'une valeur symbolique, et on n'a pas de raisons sérieuses de croire qu'une véritable politique de fermeture de l'éventail des salaires soit envisagée. Une troisième méthode, qui est encore apparemment au stade des simples· effusions verbales, a été indiquée par Khrouchtchev avec un certain éclat. S'adressant à un groupe de jeunes qui allaient partir pour la Sibérie où les attendaient divers chantiers de construction et de terrassement, il a dit : Nous sommes convaincus, quant à nous, que le temps n'est pas éloigné où les établissements d'ensei-· gnement supérieur recruteront leurs étudiants dans les usines, les chantiers, les kolkhoses, les stations de tracteurs et les fermes d'État... Je vous dis cela... de façon à ce que vous ne vous imaginiez pas qu'en allant au loin travailler aux grands projets, vous perdez par là-même l'occasion d'atteindre à une instruction plus élevée. 16 Certes, quelques dispositions ont déjà été prises pour .accélérer le recrutement universitaire parmi les jeunes qui ont déjà participé à la «production » pendant deux ans ou davantage ; mais le programme limité est bien loin de réaliser le changement annoncé par Khrouchtchev, et ses résultats jusqu'à présent ont été jugés « insignifiants ». 17 La quatrième méthode pour résoudre le «problème des jeunes » est de très longue haleine et vise à élever les générations à venir sous le contrôle intégral de l'État. Il n'a pas uniquement en vue le problème de la «flémardise », mais toute dégradation des valeurs officielles chez les jeunes. Au cœur de ce programme, se trouve le célèbre projet de création des « internats » scolaires, projet rendu public pour la première fois au xxe congrès du parti communiste de l'URSS, en février 1956. A cette époque on ne savait pas exactement ce que serait la nature de ces écoles et quels éléments elles recruteraient. D'un mois à l'autre, cependant, il s'est confirmé que les «internats» étaient destinés à reprendre par la base le conditionnement de la jeunesse soviétique, et qu'il ne s'agissait de rien moins que de remplacer tout le système actuel d'éducation primaire et secondaire. Bien que le plan nouveau ait partiellement en vue une meilleure coordination des programmes et cycles d'études, la grande nouveauté consiste évidemment dans la claustration des jeunes d'âge scolaire : Les élèves resteront à demeure dans les internats, ce qui rendra possible de faire de ces écoles de véritables centres de l'éducation communiste .... 18 L'instruction dans les internats sera intimement combinée avec le travail productif. Le travail sous toutes ses formes occupera une place importante dans la vie quotidienne des élèves. iv 16. Komsomolskafa Pravda, 7 juin 1956. 17. « Novye Pravila Priema v VOUZY [Nouvelles règles d'adrni11ionà l'enseianemcnt sup~rieur), in Molodoï Kommuni1t1 n° 3, 1957. 18. Outchitel1kara Ga•eta, 27 juin 1956. 19. Ibid. Biblioteca Gino Bianco 189 Le nouveau système scolaire est déjà pass è de la phase des projets à celle des réalisations : en effet, un petit nombre d'internats-pilotes ont été ouverts au début de l'année scolaire 1956-5 7. 20 L'intention du gouvernement paraît être d'effectuer une transformation graduelle des installations e xistantes, en leur adjoignant des dortoirs. Avec l'entrée en vigueur du nouveau système d'édu .. cation, les efforts seront d'abord concentrés sur l'envoi des enfants de sept à dix-sept ans - l'âge de la plus grande malléabilité - comme pensionnaires rattachés aux écoles existantes. Naturellement ceci n'exclut pas l'installation d'internats complets, avec, comme points de départ, la pouponnière et le jardin d'enfants. De telles institutions d'éducation intégrale existeront dès le début, mais en nombre relativement restreint. 21 Que penser du projet d'installer des dortoirs annexes en nombre suffisant pour loger pra tiquement toute la population d'âge scolaire, dans un pays dont l'économie n'a pas encore pourvu aux besoins minimum de l'habitation familiale? Il est certain que de longues années seront néce ssaires pour réaliser ce projet démesuré, si tant est qu'il le soit jamais. Mais le seul fait que ce pro jet ait été adopté, malgré de sérieuses difficultés de réalisation, en dit long quant au besoin urgent que ressent aujourd'hui le régime de renforcer son autorité sur les jeunes. COMMEONl'a fait ressortir ici, la bezdelnitchetsvo n'est qu'une des aires d'érosion à signaler. Le problème des jeunes a bien d'autres ramifications ou incidences, comme le prouvent les rapports . , surprenants qui nous sont recemment parvenus sur le malaise parmi les étudiants. Peut-on en conclure que les tensions sous-jacentes mises en lumière dans le présent article se sont déjà transformées en non-conformismes de nature spécifiquement politique? S'il en était ainsi, le problème posé par la « flémardise » pourrait bien être le premier signe d'une crise intérieure dont les possibilités ne le cèderaient en rien à celles que le régime soviétique a pu traverser jusqu'ici. Jusqu'à présent, la seule réponse de poids que le régime a pu trouver pour les difficultés actuelles ou potentielles que lui cause la jeunesse, est la réaffirmation de son autorité, exercée d'en haut : l'idée que des jeunes citoyens de l'URSS pourraient choisir d'eux-mêmes la voie «soviétique», sous l'emprise de leurs convictions intimes, ne paraît même pas lui être venue. Telle est la foi que les dirigeants actuels conservent en leur propre système. (Traduit de l'anglais) ALLEN KASSOF 20. Troud, 21 juillet 1956. 21. Pravda ; 28 juin 1956.
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