Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

188 c'est pourquoi il n'étudie pas plus qu'il ne travaille. Il «adore» tout ce qui est étranger, et est prêt à donner son bras droit pour un disque. A part cela, il est dégoûté de la vie... 9 Les enfants terribles du privilège Assez différents des stiliaghi, mais partageant nombre de leurs attitudes, voici les enfants des classes privilégiées. La presse soviétique - bien que n'imprimant presque jamais rien qui puisse être classé sous la rubrique «Scandale» - s'en prend parfois à eux ; en août dernier, la Komsomolskaïa Pravda n'a pas craint de dénoncer les méfaits de plusieurs jeunes gens - rejetons de grands personnages officiels - qui s'étaient livrés à la débauche et à l'ivrognerie. 10 Leurs orgies avaient été alimentées en partie par des vols exécutés dans les appartements de leurs familles ; le journal, dans ce cas particulier, rejetait la responsabilité sur les parents : 11 y a des gens qui s'imaginent avoir fait leur devoir dès lors que leurs enfants sont bien habillés, bien nourris, et assurés de bien s'amuser, comme si le reste allait de soi... 11 n'était jamais venu à l'idée d'un de ces jeunes qu'il pourrait devoir travailler dans une usine ou sur un chantier. Ils étaient certains d'être faits pour une tout autre vie. C'est donc parmi les stiliaghi, et chez les enfants ses plus favorisés de la fortune, que se manifestent les expressions les plus aiguës des attitudes «antiloviétiques » : aussi leur ralliement et leur dévotion à l'éthique des loisirs font-ils d'eux une cible toute désignée aux critiques et aux attaques de la presse officielle. Mais ils ne constituent qu'une faible minorité de la jeunesse; du point de vue officiel, ils ne sont pas en eux-mêmes une menace pour le régime; simplement, ils incarnent, dans leur expression outrancière, certaines tendances subversives à l'égard du travail socialiste et de la vie collective - tendances que l'on peut observer de façon sous-jacente dans des cercles bien plus étendus de la nouvelle génération. En réalité, il existe des effectifs importants de jeunes citoyens «moyens » qui constituent le véritable problème pour les autorités; et ce sont eux qui, dans de nombreuses régions de l'URSS, font l'objet des lamentations multipliées par la presse. Contentons-nous de citer un petit nombre de ces plaintes. En Asie centrale, la Kazakhstanskaïa Pravda proteste contre le fait que de nombreux citoyens du Kazakhstan, « particulièrement les jeunes», sont « à double fond» - c'est-à-dire prêtent un semblant de respect aux valeurs soviétiques pour sau-ver les apparences, mais n'en partagent pas moins, au fond, les pires défauts 9. Komsomolskaïa Pravda, 11 août 1956. 10. Ibid, 15 ao1it 1956. BibliotecaGinoBianco · LE CONTRAT SOCIAL des stiliaghi et autres « désœuvrés ». 11 En Géorgie le Bakinskii Rabotchii rapporte que la jeunesse communiste a pour casse-tête principal la flémardise de jeunes lazzaroni - ou vitelloni - qui se refusent absolument à tout travail. 12 A Vilna, selon la Sovietskai'a Litva, « il est alarmant de voir combien de diplômés universitaires refusent purement et simplement d'aller travailler». 13 D'Estonie parvient un fougueux réquisitoire aux termes duquel les bacheliers secondaires sont des tire-au-flanc et des pleutres, qui, plutôt que de faire leur part des lourdes tâches de l'économie soviétique, préfèrent « tuer le temps à la maison». Quand l'appel fut lancé d'aller défricher les « terres vierges », ils ont préféré aller «dire bonjour à grand-maman». 1 • On peut se faire une idée des alarmes du régime devant cette situation, non seulement par les reportages de presse, mais par la multiplication des efforts qu'impose aux autorités le problème du désœuvrement juvénile. Ces efforts méritent de retenir l'attention, d'abord parce qu'ils donnent la mesure de la pensée officielle en pareille matière, et ensuite parce qu'ils décideront en partie de l'avenir soviétique. Jusqu'à présent, la poursuite d'une solution s'est effectuée par quatre méthodes différentes. Tentatives de solution La première méthode ·consiste à redoubler le feu roulant de paroles et de mots d'ordre destinées à entraîner les jeunes à l'action. Dans les journaux, dans les livres, aux meetings du Komsomol et dans les salles de classe, les jeunes soviétiques continuent à apprendre, ou plutôt l'on continue à leur enseigner avec plus d'insistance que jamais, que leur premier devoir est de répondre à l'appel du Parti et de l'État. Le véritable communisme, toujours et plus que jamais, est juste au prochain tournant ; « mais,. pour y atteindre, chacun doit redoubler de vigilance et d'énergie». S'il faut, pour cela, se rendre à l'atelier aussitôt après le lycée, va pour l'atelier ! Une deuxième méthode pour arriver à une solution (et qui d'ailleurs concerne beaucoup de difficultés diverses en dehors du problème spécifique des jeunes), consiste à retoucher légèrement le barème des salaires ; en pratique,· on a augmenté un peu les salaires les plus bas et réduit certains des traitements les plus élevés. 15 Si notre analyse des causes du bezdelnitchestvo est exacte, il est possible qu'un mouvement plus accentué dans ce sens puisse ramener au bureau d'embauche quelques « flémards » qui renonceraient à leurs velléités d'études plus poussées en raison de l'attrait d'une rémunération immédiate plus convenable. Jusqu'à 11. Kazakhstanskaïa Pravda, 20 décembre 1956. 12. Bakinskii Rabotchii, 24 octobre 1956. 13. Sovietskaia Litva, 14 novembre 1956. 14. Sovietskaïa Estonia, 25 septembre 1956. 15. « Décret sur les salaires des économiquement faibles » > Pravda, 9 septembre 1956. Voir aussi, sur la baisse du traitement de certain chercheurs scientifiques, Komsomolskaïa Pravda, 20 mars 1956.

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