Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

A. KASSOF questi~ns et de dom~es qui ne touchent point à sa vie de tous les Jours; mais le système universellement utilisé par le régime, des pri~es et des avantages différentiels en matière de traitements e~ de niveaux de vie, affecte nécessairement chaque citoyen, soit en bien, soit. en mal; aucun trompel'œil, aucune mauvaise foi ne peut dissimuler aux yeux l'inégalité régnante et la publicité accordée avec de hauts salaires, à quelques «héros du travaiÎ socialiste » ne fait que confirmer la règle. La plupart des attitudes qui viennent d'être décrites ne font d'ailleurs que refléter un danger plus, ~aste et plus menaçant encore, qui pèse sur ~e r,e~me et ~ui. est au cœur de tout le problème Juvemle. Il s agit du scepticisme croissant auquel se heurtent, chez les jeunes la propagande et les promesses officielles. Les promesses font toujours leur effet, pendant un laps de temps plus ou moins long · mais elles ont l'inconvénient de se déprécier lors~u'elles sont re,n~uvelées à chaque échéance, et par les mêmes debi~eurs. En URSS, les moins de vingt ans ont app:i~ de l~urs aîn~s (et vérifié par leur propre expenence) a quel point est décevante pour l'attelage l'appât d'une carotte suspendue devant les brancards de la voiture. Dans une certaine mesure la« flémar- ~se » peut_ être considérée comme un signe d'impatience croissante de la part d'une génération plus avide de passer à la caisse pour toucher les traites échues que disposée à en escompter de nouvelles. La grande ville et l'éthique des loisirs Tandis que les bacheliers s'accrochent déses- , , p_erement aux promesses de l'enseignement supérieur, seul capable de les dispenser des emplois subalternes, il se trouve paradoxalement que leurs aînés de formation universitaire acceptent de tels emplois, par crainte d'être envoyés, dans l'exercice de leur spécialité, en quelque zone reculée. Ces deux manifestations de la « flémardise » soviétique découlent au fond des mêmes attitudes : les jeunes renâclent devant les valeurs officielles et sont en quête d'une vie meilleure qui leur est refusée par le système. Échapper à la vie rurale, c'est, pour les jeunes, échapper aux déséquilibres les plus criants entre ce que le système demande et ce qu'il donne en retour; d'où l'attrait puissant de la grande ville en tant que symbole du loisir et du mieux-être. L'atmosphère urbaine soviétique peut sembler grisâtre et maussade, par comparaison avec celle de l'Occident ; mais elle est infiniment plus agréable que celle des campagnes et des « bleds » perdus. La grande ville ne fait pas qu'attirer et concentrer à son profit les biens de consommation - substrats matériels de la vie aisée; elle offre aussi les attraits de la culture et de la société : théâtres, parcs d'attraction, bars, concerts et autres lieux de divertissement. On peut s'y tenir au courant de la mode et des idées nouvelles, en bavardant avec d'autres jeunes « à la page »••• La ville est l'endroit rêvé; elle seule est civilisée. D'ailleurs les écoles n'enseignent-elles pas que tout Biblioteca Gino Bianco 187 l'essentiel du comniunisme est de permettre aux gens de vivre mieux? Si, pour vivre bien, c'està-dire loin du moujik, il est nécessaire de recourir au système D, aux combines, eh bien! c'est que la vie est comme cela ; il faut apprendre à battre le système sur son propre terrain ... Le mirage de '' l'Occident,, Les traits que nous venons de décrire sont portés à l'extrême chez les stiliaghi, jeunes citadins dont la réaction contre les prêches du régime s'exprime de façon exhibitionniste. Bien qu'en faible minorité, ils fournissent, par leur surenchère sur l'éthique nouvelle des loisirs, l'indice d'un courant plus général, et dont le régime s'inquiète fort. Les stiliaghi sont des muscadins ou des zazous soviétiques dont la vie se passe en quête de plaisirs, et dont la philosophie de base consiste dans la recherche du moindre effort. Il s'agit en somme de travailler le moins possible et de ne rien se refuser. Ceux qui en ont le moyen se paient leurs fantaisies sur les mensualités allouées par leurs parents, sur leurs bourses d'études, ou encore sur les bénéfices d'opérations diverses de spéculation ou de marché noir. Étalant ce qu'ils considèrent être les marques sociales du «raffinement » les stiliaghi affectent des extravagances spéciale~ de mise et de tenue, vestons de tons criards et de coupe extravagante, chaussures de pointures excessives, coupes de cheveux singulières et autres artifices . . ~ans la conduite de certains d'entre eux, on peut distinguer une gauche imitation de ce qu'ils croient être la culture proprement occidentale. De leur connaissance fragmentaire de l'Ouest ils dégagent, comme objets privilégiés de leur admiration, les éléments qu'ils associent avec « la bonne vie» en pays capitaliste : le jazz, les cocktails, les danses. Même ils adoptent des surnoms anglais et affectent de parler le slang. Quelque déformée que puisse être l'idée qu'ils se font du « monde libre », le fait d'identifier la « bonne vie» avec les choses de l'étranger mesure le désenchantement des stiliaghi devant les réalités de leur pays. Dans le présent contexte, ce n'est pas leur étalage d'excentricités qui nous intéresse mais l'attitude de base qu'il exprime : déd~ pour les vertus officielles soviétiques; obstination à se donner un genre à part, une « individualité » effort frénétique pour réaliser dans l'immédia; l'idée des lendemains qui chantent. Les autorités soviétiques elles-mêmes l'ont admis: ce qui distingue les stiliaghi, ce n'est pas tant leur comportement extérieur que les mobiles de leur conduite. La Komsomolskaïa Pravda a donné du zazou .moscovite une typologie amusante et fort • • instructive : Son nom est Boris, aussi se fait-il appeler Bob · s'.il s'appelait Ivan, il répondrait au nom de John. IÎ vit aux crochets de ses parents et « broie » leur argent dans les bars. Parfois il est inscrit dans une faculté mais il méprise la «chiade» et les « chiadeurs »; e;

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