Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

186 La religion du travail socialiste du sacrifice pour la productivité forme un élément décisif de cette éducation ·omniprésente; aux jeunes de l'URSS ces vertus sont inlassablement prêchées : Pour nous, le Travail est une des qualités et des valeurs morales les plus hautes. Nous devons, par l'éducation, former des membres actifs de la collectivité productrice; et seul est digne d'en faire partie celui ou celle qui travaille et qui fait du travail pour le bien de la mère patrie le but même de son existence. 6 En face de cette propagande acharnée au service de l'éthique de productivité, les récents symptômes de résistance ou d'indifférence opposés par la jeunesse revêtent une grave signification. On ne doit pas en conclure, cependant, que ce courant soit général ou même majoritaire au sein de la jeunesse russe. Le plus grand nombre semble se conformer, au moins dans une certaine mesure, aux exigences du système : les uns, par croyance authentique; d'autres, parce qu'ils peuvent tirer avantage d'un conformisme de surface; d'autres encore, tout simplement parce qu'ils ne conçoivent pas la possibilité d'un autre choix. Ce qui est important, toutefois - et ce qui inquiète les autorités - c'est l'évidence indéniable d'une extension du bezdelnitchestvo ( et des attitudes qui lui donnent naissance) malgré toutes les forces de contrainte et de persuasion dont dispose le régime. En face d'une telle évidence, il est impossible de s'en tirer à bon compte en évoquant les survivances d'un état social disparu depuis près d'un demi-siècle. Les données du problème doivent être cherchées dans les réalités actuelles de la vie en URSS. La vague de scepticisme S'il est une réalité fondamentale de cette vie, c'est bien la sordide pauvreté où se débat la plus grande masse de la population. L'une des sources aisément reconnaissables de la «flémardise » soviétique, c'est la détermination, chez de nombreux jeunes gens, de ne pas se laisser absorber dans ce gouffre. S'enfoncer dans un travail sans répit, exécuté pour un salaire dérisoire, voilà ce à quoi certains jeunes se refusent avec obstination. L' écrivain Korneitchouk, dans un discours prononcé au dernier congrès du parti communiste ukrainien, a récemment abordé ce problème. Il a déploré le mépris de la jeunesse pour les travaux obscurs mais nécessaires, et a porté au compte de la «flémardise » - (chez les bacheliers qui préfèrent rester oisifs s'ils ne peuvent accéder à l'enseignement supérieur) _.:.. les manifestations de voyouterie et de criminalité juvénile qui se multiplient actuellement. 7 6. P. N. Chimbirev, I. T. Ogorodnikov, Pedagoguika, outchebnik dlia pedagoguitchesnikh institutov [Manuel de pédagogie!'pour les instituts pédagogiques], Moscou, 1954, p. 252. 1. Pravda Ukraïny, 23 janvier 1956. BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL A Moscou, l'année dernière, l'auteur du _présent article a été reçu par le bureau rédactionnel de la Maison éditrice des Publications enfantines ; il a demandé quelle était, de l'avis des membres de ce bureau, la difficulté caractérielle la plus fréquemment constatée en URSS parmi les jeunes. On lui répondit que l'on s'inquiétait surtout du refus croissant qu'opposent les jeunes gens aux métiers «ordinaires». Un porte-parole officiel ajouta que la Maison éditrice des Publications enfantines mettait précisément sur pied un plan de propagande par le livre afin d'inculquer aux enfants ces deux vérités : « Tout le monde n'a pas besoin d'aller à l'Université», et « Tout travail est digne d'un citoyen soviétique. » C'est précisément ce que soulignait aussi le rapport des Izvestia (précédemment cité) sur la jeunesse de Iaroslav : Tout le monde doit bien comprendre que les établissements d'enseignement supérieur ne peuvent absorber tout l'immense effectif des bacheliers. Il n'est même pas souhaitable qu'ils le fassent. Car, alors, qui travaillerait dans les usines et les ateliers? Qui ferait pousser le blé ? Qui construirait les maisons ? 8 Cela est fort raisonnable en effet. Dans une société industrielle complexe, où une foule de qualifications diverses sont exigées, tout le monde ne peut devenir ingénieur, médecin traitant ou directeur de recherches. Cependant le régime soviétique peut s'en prendre à lui-même des ambitions et du dégoût manifestés par les jeunes : il a engendré un système dans lequel la haute qualification professionnelle - et, par là-même les études supérieures - sont d'une importance décisive pour déterminer le bien-être ou la misère de chacun. Dans une économie qui se caractérise par une disette constante des biens de consommation essentiels (sans parler de confort ou des plus simples agréments de la vie), une instruction poussée au delà de l'enseignement secondaire revêt souvent une importance décisive. Elle peut marquer la différence entre une vie relativement confortable à laquelle sont garantis jusqu'à un certain point les attributs de l'aisance et du loisir, - et l'existence ingrate, déshéritée qui est celle de la grande majorité des citoyens enfermés à vie dans des besognes de simple routine. Les avantages immatériels de prestige et de statut social accordés aux carrières supérieures (masculines ou féminines) ne sont· pas non plus sans importance; malgré toute la gloire qu'il accorde en paroles au «travail ordinaire », le régime soviétique, par ses méthqdes économiques et sociales, a 'édifié un nouveau système de privilèges et d'inégalité des classes, système hiérarchique et rigide bien éloigné de l'idéal égalitaire du marxisme d'autrefois. La jeunesse soviétique sait, en ce qui la concem~, distinguer le mensonge de la réalité. On peut la persuader que le noir est blanc, lorsqu'il s'agit de ' 8. Izvestia loc. cit ..

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