Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

A. KASSOF stigmatisés comme fainéants, bons-à-rien, petitsbourgeois et parasites. Bien que les forces morales qui ont engendré la bezdelnitchestvo soient anciennes dans l'histoire du système, elle n'est devenue un problème de premier plan que durant ces dernières années. Les inquiétudes qu'elle cause aux autorités ont été mises en évidence par une campagne publique de propagande contre la «flémardise », qui se poursuit avec plus ou moins d'ardeur depuis la mort de Staline, et par l'adoption des diverses mesures de lutte dont il sera question plus loin. En conséquence, un flot continuel de lamentations concernant la paresse et les égarements de la jeune génération s'est déversé dans toute la presse, mais particulièrement dans l'organe central des jeunesses communistes, la Komsomolskaïa Pravda. Bien que les cas cités soient, dans le détail, assez différents d'un rapport à l'autre, le commentaire qui en est donné se ramène en général à une constatation mélancolique, à savoir que les jeunes montrent une fâcheuse obstination à ne point travailler dans la mesure et de la manière que le régime le désire et aux endroits et aux postes où il entend les affecter. Un rapport de la province de Iaroslav, illustre le ton général de ces articles, bien qu'il fasse exception à la règle en donnant pour une fois des chiffres précis : En 1955, 6.500 diplômés sont sortis des écoles secondaires de la province d' Iaroslav (sans compter ceux des « Écoles du Travail»). Quelle suite nos lycéens ont-ils donnée à ce premier succès? La réponse est que 1.290 d'entre eux furent admis dans l'enseignement supérieur, 800 dans les écoles techniques et 1.270 dans les écoles professionnelles. Le nombre de ceux qui n'ont pas continué leurs études est de 2.140. Parmi ceux-ci, il en est bien quelques-uns qui travaillent dans l'industrie ou l'agriculture, mais la majorité reste inerte et désœuvrée. 2 Le problème de la « flémardise » ne se pose pas seulement en ce qui concerne les diplômés secondaires ou bacheliers, comme nous les désignerons désormais; les critiques officielles s'en prennent aussi aux jeunes gens qui passent par les universités ou autres établissements supérieurs, mais qui s'abstiennent, le diplôme une fois obtenu, de chercher du travail ou, du moins, de se ruer sur les emplois auxquels le régime les destinait. Khrouchtchev lui-même s'est plaint que de nombreux spécialistes élevés à grands frais par le gouvernement jusqu'à recevoir une formation universitaire, s'embauchent ensuite comme « frotteurs de parquets ». L'explication sarcastique qu'il en donne est que les étudiants avaient choisi leurs établissements d'étude et leurs programmes en « mêlant quelques bouts de papier dans un chapeau ». Puis, leur instruction terminée, ils se sont aperçus que les spécialités apprises ne leur convenaient 2. lztJestia, l er juillet 1956, traduit j)ar Current Digest of the Soviet Press, vol. VIII, n° 26, p. 25. Le CDSP traduit en outre nombre des sources citées dans le présent article. Biblioteca Gino Bianco 185 pas. 3 Ce que Khrouchtchev d'abstient d'ajouter, c'est que beaucoup de ces jeunes gens s'étaient spécialisés en fonction des places disponibles et des portes ouvertes conduisant à l'enseignement supérieur, mais sans pouvoir réellement «choisir » ce qui leur convenait. Une autre explication, et qui éclaire un autre aspect important du problème, c'est que la jeunesse rechigne devant les débouchés ruraux et les emplois offerts dans des régions lointaines. Il est frappant de voir les jeunes gens recourir à toutes sortes d'expédients pour rester dans la grande ville, même en sacrifiant à cet attrait celui d'une carrière correspondant à leur formation universitaire. 4 Ce facteur multiplie les obstacles au recrutement de la main-d'œuvre de toute qualification exigé par le programme aventureux de «mise en valeur des terres vierges » que le gouvernement avait mis sur pied en Asie centrale. La propagande n'a pas manqué d'exalter cette réalisation hardie comme un produit exemplaire de l'esprit de sacrifice déployé par les jeunes citoyens à l'appel du Parti et de l'État ; mais, aux rapports optimistes mentionnant «l'enthousiasme» des jeunes émigrants, ont succédé d'amers reproches; les volontaires étaient en nombre restreint et l'organisation des jeunesses communistes a été sommée de procéder à de nouvelles levées. 5 Explications et réalités L'explication officielle tente de « rationaliser » d'un mot tous les phénomènes de cet ordre; elle affirme qu'ils constituent des « survivances du capitalisme». Cet alibi n'est guère acceptable. Le régime n'a pas affaire en l'espèce à des «résidus» du passé, à des gens qui ont connu jadis un autre style de vie, mais à des adolescents ou à des jeunes gens, venus au monde lorsque le stalinisme était déjà en pleine vigueur. Il y a plus, depuis quarante ans, le bolchévisme a mis en œuvre le programme le plus vaste et l'effort le plus intensif que l'histoire ait connus, pour marquer la jeunesse à son empreinte; tout le système d'enseignement est un outil aux mains du Parti et de l'État ; les organisations de jeunes communistes et de jeunes pionniers jouissent d'un monopole absolu sur les activités collectives des générations montantes et sont, à leur tour, dans les mains du Parti; bref, il n'est aucun 111oyende réalisation, d'expression ou d'étude qui soit ouvert au jeune citoyen sans que celui-ci rencontre à chaque pas sous un aspect nouveau ce plan total de modelage et d'endoctrinement politique. 3. Komsomolskaïa Pravda, 7 juin 1956. 4. L'auteur a lui-même pu constater la désaffection pour les emplois ruraux ; lors d'un voyage en URSS en 1956, il a rencontré à Kiev un groupe de diplômés universitaires qui ne lui ont pas caché Qu'ils travaillaient comme employés de magasin pour ne pas exercer leurs professions respectives à la campagne. 5. PratJda, 19 mai 1956.

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