Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

182 - tirer le maximum de profit, Moscou s'efforce de les couper de tous liens sociaux pour en faire autant de particules atomisées, la société demeurant une masse amorphe qui peut être modelée et utilisée où et comme bon semblera. En Asie centrale, cette politique entraîne la destruction complète de la culture et des institutions islamiques auxquelles la population était beaucoup plus fortement attachée (en particulier au Turkestan) que ce n'était le cas pour l'Église orthodoxe en Russie proprement dite. Le régime soviétique s'est efforcé de briser les liens religieux par une série de. mesures antiislamiques qui ont pris naissance vers 1928 et sont encore en vigueur. Tout d'abord, il a introduit de force deux réformes successives de l'écriture - la première consistant à remplacer les caractères arabes traditionnels par l'alphabet latin, la seconde à substituer à l'alphabet latin les caractères cyrilliques russes. De ce fait, le régime soviétique a pratiquement coupé la jeune génération de toute la science et de toute la littérature islamiques, et les musûlmans soviétiques se sont trouvés sevrés de leur héritage culturel bien plus complètement que les Russes (ou les minorités nationales moins défavorisées). Ces campagnes contre la culture islamique ont été accompagnées de la destruction de presque toutes les mosquées (on en a conservé pourtant quelques-unes dans les grandes villes) ; on a procédé à l'arrestation des moullahs et des autres chefs religieux ; on a même prononcé l'interdiction du Coran et des livres de prières. Le succès de toutes ces mesures, autant qu'on puisse en juger d'après des données très incomplètes, semble assez mitigé. Le rituel serait ce qui a le plus souffert ; on peut affirmer que la jeunesse musulmane urbaine dans son ensemble et la jeunesse rurale dans une forte proportion, ne prient pas et ne savent pas prier. Les moins atteintes des pratiques islamiques sont celles qui ne sont pas incompatibles avec les exigences de la société moderne industrialisée et qui, bien que religieuses à l'origine, ont acquis par la suite une signification nationale : la circoncision, certaines fêtes, etc. En général, on peut dire que, sous la pression extrême du pouvoir soviétique, l'islam en Asie centrale semble avoir subi, en t1ne seule génération, le processus de << laïcisation » qui caractérise la vie. religieuse occidentale. Un deuxième effort de grande envergure a été tenté par le régime pour détruire la cohésion de la population musulmane en brisant son unité fondée sur le critère religieux et en lui imposant une division d'après des critères «nationaux». Cette politique a entraîné la Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE création d'un certain nombre de nationalités artificielles, qui ne se distinguent les unes des. autres (à l'exception des Tadjiks iraniens) que par quelques particularités linguistiques de peu d'importance. La fondation, en Asie centrale, de cinq républiques indigènes durant les années 1920 - quoique souvent citée comme une preuve de la tolérance éclairée et de la bonne volonté des Soviets à l'égard des revendications (légitimes) des minorités nationales - revêtait en fait un caractère tout à fait différent ; il s'agissait d'une mesure de division .pour empêcher le panislamisme et le paniranisme d'unifier les for ces musulmanes d'Asie centrale. A cet égard, l'effort de l'administration soviétique en Asie centrale semble avoir été couronné d'un grand succès, le résultat dépassant même les désirs ou les prévisions du Kremlin. Mais ce succès est ambigu pour des raisons faciles à comprendre. Il semble en effet que les communistes aient surestimé les dangers du panislamisme et du paniranisme (qui n'avaient jamais eu de racines prof ondes dans la conscience des musulmans d'Asie centrale) et que, dans son effort démesuré pour neutraliser des for ces imaginaires, le régime a fourni à un besoin de réforme, encore très vaguement ressenti des indigènes, des points d'appui à la fois solides et officiellement reconnus autour desquels il a pris corps. Le résultat fut la cristallisation, en cinq ou six nationalités bien définies, d'une masse autochtone plutôt amorphe, jadis divisée en tribus, communautés et autres groupes de faibles dimensions. La russification Le troisième trait important de la politique soviétique est la russification. Celle-ci revêt plusieurs . formes ; efforts pour altérer le vocabulaire de la langue indigène par l'insertion de mots russes sous leur forme purement slave ; obligation d'avoir de solides connaissances du russe pour être admis dans les écoles supérieures ou aux fonctions· importantes dans les républiques ; imposition de la littérature, de l'art et de l'histoire russes. Cette politique est menée sans répit par tous les moyens dont dispose un régime totalitaire et avec le concours d'une population russe sans cesse plus nombreuse. Dans quelle mesure ces tentatives de russification atteignent-elles leur but? La réponse à cette question dépend du groupe social qu'on· considère. Les classes inférieures de la population in·digène, ,paysans et travailleurs des villes, sont les moins atteintes; ces groupes sociaux continuent à mener leur vie selon les anciennes

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