l'ev11ehisto,~iqi,eet cr·itique des faits et des idées JUILLET 1957 Vol. 1, N° 3 -STALINISME ET DÉSTALINISATION • par B. Souvarine LES AUTORITÉS soviétiques se préparent à célébrer le quarantième anniversaire de la « révolution d'Octobre » avec un programme d'une ampleur et d'un éclat sans précédents qui sera mis en œuvre à la fois dans leur empire et dans les pays tolérants à leur propagande. On sait que la prise du pouvoir, à Pétrograd, le 7 novembre 1917, par le « Comité révolutionnaire militaire » du Parti social-démocrate (fraction bolchévique) a été présentée avec succès comme une révolution prolétarienne et socialiste par les bénéficiaires de cet événement historique. Ceux-ci, qui choisirent dès l'année suivante l'étiquette de communistes, ne tardèrent pas à constituer une véritabl~ « oligarchie », comme l'a franchement reconnu Lénine, une oligarchie peu soucieuse des aspirations du prolétariat et résolue à perpétuer sa domination envers et contre toutes les classes de la société, au nom d'un idéal livresque. L'état-major bolchévik s'illusionnait d'abord en croyant accomplir une révolution prolétarienne à des fins socialistes, il s'abusait alors lui-même en trompant autrui, mais du moins considérait-il . , . , . . en toute s1ncer1te son parti comme une avantgarde se trouvant trop en avant des masses populaires par suite d'un accident de l'histoire. Selon ses vues étroites inspirées d'un marxisme schématique, l'Histoire avec une majuscule ne pouvait manquer de corriger une péripétie imprévue de l'histoire épisodique. Il n'en fut rien, pourtant, et peu à peu le nouveau régime se mit à falsifier ses propres théories pour les adapter BibliotecaGinoBianco à la nécessité de durer. Dix ans après le coup d'État dont les héritiers vont, pour la quarantième fois, chanter le los, mais plus solennellement, plus bruyamment que de coutume, il ne restait rien des mobiles qui avaient guidé les promoteurs. Lénine était mort, Trotski en disgrâce, Staline gravissant patiemment les degrés qui allaient le mettre en position d'exercer sa tyrannie personnelle. Pour la circonstance que les successeurs de Lénine et de Staline s'apprêtent à exploiter à des fins de prestige, l'Institut du marxismeléninisme à Moscou annonce une imposante série de publications : protocoles du Comité central et de la Conférence d'avril 1917 du Parti ; recueils de documents, de décrets, de correspondances, de proclamations ; œuvres inédites de Lénine (mises au secret par Staline); biographie « scientifique » (sic) de Lénine et biographie populaire du même ; chronologie « jour par jour » de la vie de Lénine (pourquoi pas : heure par heure?) ; nouveau tome de souvenirs sur Lénine (à part cela, c'en est fini du « culte de la personnalité»); souvenirs des acteurs du « grand Octobre»; et ainsi de suite. L'Académie des Sciences ne sera pas en reste ; elle tiendra des séances solennelles, entendra et publiera toutes sortes de rapports et communications, éditera aussi des recueils d'archives, de documents divers : une série de dix volumes, outre deux tomes de décrets, deux autres tomes sur l'économie de la Russie avant Octobre, un volume sur les marins de la Baltique, une
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