Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

180 l'ancien Empire et il temporisait pour se consolider. Dès qu'il se sentit maître de la situation, il frappa avec une force redoublée, et l'Asie centrale eut à éprouver deux révolutions en une seule : le « communisme de guerre » et la terreur stalinienne. Il n'est pas nécessaire de décrire en détail les différents aspects de cette double révolution, car elle ne diffère pas essentiellement des mesures oppressives imposées dans les autres régions · de l'URSS. C'est l'application · des méthodes communistes qui donne au bilan soviétique en Asie centrale une nuance particulière. Drang nach Osten . Le trait dominant de la politique soviétique en Asie centrale après 1928 fut la reprise de la colonisation en masse. Les Russes affluèrent· en deux vagues assez nettement distinctes. La première déferla lors du premier Plan quinquennal et durant la période de collectivisation forcée, répandant sur l'Asie centrale· une nouvelle immigration estimée à environ 1.200.000 Russes; les uns cherchaient refuge vers les « terres vierges» pour échapper aux persécutions, les autres étaient déracinés en application des mesures d'expansion économique. La plupart des nouveaux émigrants qui s'installèrent durant les années 1930 le firent dans les principaux centres urbains du Turkestan et leurs alentours immédiats. Vers 1939, le nombre de Russes résidant au Turkestan avait atteint environ 1.900.000 contre 600.000 en 1926. 5 La seconde vague d'immigration fut lancée vers la steppe kazakhe, selon les directives personnelles de Khrouchtchev, dès le début de 1954. Le mouvement se poursuit encore actuellement ; son but est d'achever la transformation des pacages d'Asie centrale en sol arable, selon les lignes générales tracées il y a près de cinquante ans par Stolypine. De fait, une juxtaposition attentive des cartes montrant les régions choisies par Stolypine et par Khrouchtchev pour l'établissement des colons indique clairement que les nouveaux arrivés occupent des régions adjacentes aux anciennes colonies de Stolypine, élargissant ainsi de proche en proche l'emprise russe sur la steppe. Le nombre exact de Russes installés au Kazakhstan depuis 1939 (avant cette date l'immigration soviétique y était négligeable) ne peut être aisément déterminé, · 5. Cf., par l'auteur, « Muslims of Soviet Central Asia : Trends and Prospects », The Middle East Journal, printempsété 1955. Une bonne part de l'information fournie dans la présente étude provient des données publiées originellement dans cet article. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNIST8·; car les autorités soviétiques sont particulièrement avares de détails lorsqu'il s'agit des données démographiques relatives à cette république. Cependant, sur la base des chiffres soviétiques officiels pour · 1956, on peut situer ce nombre entre un million et un million et demi. 6 Si la plupart des immigrants en Asie centrale sont des volontaires (dans la mesure où ce mot a une signification en URSS), d'autres furent installés contre leur gré. Outre des travailleurs forcés en provenance de pays divers, plusieurs groupes allogènes de l'Union soviétique ont été exilés ou déportés ici en masse. C'est ainsi qu'en 1937, le régime transplanta 75.000 Coréens en Uzbekistan et qu'en 1944, il déporta vers l'Asie centrale plusieurs peuplades caucasiennes, telles que les Karachaï-Balkariens. 7 · L'afflux massif des Russes n'a pas toujours des effets nocifs. En certaines parties du Turkestan, par exemple, il a favorisé le développement économique et a été matériellement profitable à la population locale. La partie méridionale de l'Asie centrale n'ayant pas de sols arables actuellement disponibles, il ·eût été absurde d'y établir en masse des paysans russes, à moins de procéder d'abord à d'énormes travaux d'irrigation, et les nouveaux arrivants furent, en fait, dirigés vers les centres urbains. Là, ils ne portaient point préjudice aux indigènes, n'empiétant point directement sur leurs terres; il en est de même des colons occidentaux en Asie et en Afrique lorsqu'ils fixent leur résidence dans les quartiers dits européens de préférence aux quartiers indigènes. Dans le district de Tachkent - centre administratif et industriel de toute l'Asie centrale soviétique - il y avait dès 1939 autant de Russes que d'indigènes uzbeks. 8 Actuellement, compte tenu d'un afflux ininterrompu d'immigrants pendant et après la seconde guerre· mondiale, les Russes, sans aucun doute, constituent la majorité de la population dans ce district central. Les effets de la colonisation russe ont été des plus nuisibles au Kazakhstan, et ceci pour deux raisons : a. la colonisation a frappé de régression la population indigène, jusque là résistante à l'influence russe; b. elle s'est , 6. Les chiffres bruts sont ceux que donne l'Administration centrale de la statistique auprès du Conseil soviétique des ministres, dans Narodnoe khoziaistvo SSSR [L'économie nationale de l'URSS], Moscou, 1956. 7. Pour les données relatives aux Coréens, voir UzbekistanEconomico-geografitcheskaia kharakteri·stika [Uzbekistan - Caractères économico-géographiques], Institut économique de l'Académie uzbèke des sciences, Tachkent, 1950, p. 7o. Les renseignements sur les Karachaï-Balkariens sont tirés de Sovietskaïa Kirgizia [Kirghizie soviétique], 19 ·mai 1956, citée par la Caucasian Review, n° 3, Munich, 1956, p. 126. 8. Uzbekistan ..., op. cit., pp. 75-76,. ·

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