- 176 de ne jamais pénétrer dans les campagnes~ Et pour cela même, elle risque fort de s'arrêter dans l'ensemble du pays. Aux premiers temps de l'industrialisation, l'oppression des paysans ne fut-elle pas le prélude de la terreur massive et généralisée dans tout le pays ? De façon paradoxale, la Yougoslavie et la Pologne, avec leurs politiques indépendantes d'économie intérieure et de commerce extérieur - et parce que les Russes craignent que les autres pays satellites ne . suivent les traces de Tito ou de Gomulka (ou celles des révolutionnaires hongrois) - peuvent freiner en URSS les éventuelles tendances à la libéralisation. 11 peut évidemment se produire une réaction politique directe des dirigeants russes, mais de toute façon, il y a lieu de penser que l'économie soviétique en sera affectée. Il est probable que les « voies nouvelles » des pays satellites se traduiront dans un proche avenir par une diminution des prestations agricoles et une réduction des exportations de biens de consommation, dont l'URSS était jusqu'ici la principale bénéficiaire. L'Union soviétique, qui fournit déjà à l'Europe orientale des quantités considérables de grain, et qui, à la suite des récents événements, a promis d'augmenter ses envois, risque ainsi d'avoir à satisfaire des demandes importantes de denrées agricoles. Demandes qui grossiront encore si les pays satellites mettent un frein à leqrs exportations massives de sucre, de textiles et de cuirs. Et l'on ne voit pas comment les contraintes nouvelles qui pèseront alors sur le monde agricole pourront permettre un relâchement du contrôle politique sur le pays. Finalement, si la tension politique à l'intérieur de l'empire communiste devait pousser l'Union soviétique à accélérer le développement de son industrie lourde, ce qui est bien possible, les chances d'une libéralisation politique n'en seraient que plus compromises. Décentralisation de l'administration et de la planification Constamment, depuis la mort de Staline, se renouvellent les tentatives de « rafistolage » de la machine économique. C'est ainsi que les dirigeants ont cherché à décentraliser l'administration et la planification, à réduire et simplifier leur immense bureaucratie. 7 Mais ces réformes n'ont pas l'importance qu'on leur accorde trop souvent. 7. Voir, par l'auteur, « In the Land of Paper Pyramids », Problems of Communism, N° 4 (juillet-août 1956) et Campbell, op. cit., pp. 2-7. La mesure la plus importante a peut-être été le transfert de nombreuses entreprises, surtout dans l'industrie légèreJ sous la juridiction des différentes républiques, la planincation et la direction continuant pourtant à être centralisés (Pravda, 3 juin 1956). Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE . COMMUNISTE Malgré tous les pouvoirs nouveaux qu'ils viennent d'obtenir, les directeurs d'usine, comparés à ceux d'Occident, semblent encore être condamnés à l'impuissance. Les mesures prises en leur faveur montrent surtout plus à quel point ils étaient muselés avant les décrets du 14 mai et du 9 août 1955. Elles ne leur donnent nullement une véritable liberté d'action. La faible décentralisation ministérielle et géographique de la planification et de l'ad~nistration n'a encore qu'une importance économique secondaire. Encore qu'elle allège quelque peu l'encombrant appareil bureaucratique, elle pose de nouveaux problèmes de coordination et de contrôle. L'échec de toutes ces réformes ressort clairement du texte et du ton des deux résolutions du Comité central du Parti sur la planification et sur l'administration économiques ; ces résolutions, publiées à la fin de 1956, reconnaissent que l'attribution et la distribution des matières premières sont très défectueuses et que la planification continue à se faire à un rythme trop lent. 8 Les dernières mesures de décentralisation ont un double aspect : elles visent à transférer de plus en plus les pouvoirs de décision aux différents ministères et à chacune des républiques, mais d'autre part confient des tâches de direction et de répartition à la Commission économique d'État, organisme de planification créé en 1955. 11 semble bien que cette Commission soit appelée à devenir un super-ministère. La portée politique des mesures de décentralisation semble être encore · plus ·timitée ; on ne voit en effet aucun signe d'une dispersion correspondante du pouvoir politique. Une chose est en tous cas certaine : il n'est pas question de décentraliser le Parti. En réalité, pour que la décentralisation ait quelque chance de succès, ne fût-ce que sur le plan économique; il faut un renouvellement complet des méthodes de travail. Si l'on veut disperser· le pouvoir de décision en servant réellement les intérêts de l'économie nationale, il faut que les responsables - des employés de ministère aux directeurs d'usines et aux fermiers - obtiennent les informations nécessaires (relatives surtout aux prix de revient), des informations qui aient une signification réelle en matière d'économie nationale et permettant, en vertu de règles définies, de prendre telle ou telle décisidn. Dans maint secteur de l'économie, il n'en est pas encore ainsi ; des efforts systé- ·matiques sont pourtant faits en ce sens. C'est seulements'ils aboutissentque la décentralisation de l'administrationet de la planificationéconomi~ ques deviendra possible. 8. Pravda, 25 décembre 1956.
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