174 qualité et de prix de revient, goût de la routine quotidienne, insuffisance de la productivité agricole, aspiration commune à une « petite vie bien tranquille». 1 L'économie soviétique a naturellement progressé depuis la mort de Staline. Le développement technique se poursuit à un rythme rapide. Mais pendant ce temps l'activité économique s'est également accrue en Occident, de sorte que le but visé par le régime, dépasser l'Occident, reste hors d'atteinte, sinon (à l'échelle historique) au-dessus de ses forces. Conscients de ce problème et stimulés par leur désir de rivaliser avec l'Occident, les dirigeants soviétiques montrent depuis quelque temps un certain empressement à rafistoler leur machine économique et administrative, tout en se refusant à une refonte radicale du système social. Les rafistolages, commencés au lendemain même de la mort de Staline, peuvent se résumer en quatre points principaux : a. relâchement des contraintes sur la personne et accroissement des avantages sociaux; b. décentralisation des pouvoirs dans l'administration et la planification ; c. organisation plus rationnelle de la vie économique ; d. mesures diverses pour remédier au retard très marqué de l'agriculture. Parallèlement se manifeste sur tous les plans la volonté, plus ferme que jamais, d'assimiler les techniques modernes, de les mettre en pratique et d'accroître la productivité de la main-d'œuvre. Tout progrès dans ces domaines comporte des conséquences politiques et idéologiques, tels que l'affaiblissement de la terreur policière, le relâchement des contraintes totalitaires ainsi que l'adoption, dans d'autres secteurs de la vie sociale, d'.une attitude plus raisonnable. Inversement, le progrès peut être entravé par des considérations politiques, par exemple la volonté de se maintenir au pouvoir, ou par les impératifs d'une idéologie inflexible. Relâchement des contraintes pesant sur la personne L'un des traits abhorrés de l'ère stalinienne était la contrainte permanente exercée sur chacun pour qu'il se consacre corps et âme à l' « édification du socialisme », qu'il respecte (au moins extérieurement) certaines règles de conduite, enfin pour qu'il étouffe sa personnalité 1. On trouvera une discussion intéressante des 1>roblèmes concernant l'organisation et les institutions économiques dans lès études suivantes : Robert W. Cam1>bell, « Some Recent Changes in Soviet Economie Policy », World Politics, vol. 9, N° 1 (octobre 1956), pp. 1-14; R. W. Davies, , « Economie As1>ectsof the XXth Congress », Soviet Studies (Glasgow), vol. 8, N° 2 (octobre 1956), 1)1). 172-1-84. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTB et ses sentiments véritables. 2 Les moyens de pression étaient la propagande incessante, d'autre part la crainte engendrée par la terreur policière. Les successeurs de Staline et de Béria ont notablement adouci le système. La police secrète omni-présente a vu limiter quelque peu ses pouvoirs, les arrestations et les condamnations arbitraires sont moins fréquentes que naguère, des séries d'amnisties ont en partie dépeuplé les camps de travaux forcés. La vie économique a connu un adoucissement semblable. Les heures de travail dans les bureaux sont plus régulières, les congés de maternité, prolongés ; les lois très rigoureuses de 1940 sur le travail ont été en partie abrogées 3 ; en 1956, la semaine de travail a été raccourcie de deux heures, et dans son rapport au XX° Congrès du Parti, en février 1956, Khrouchtchev a promis de ramener par étapes, d'ici 1960, la durée hebdomadaire du travail de 48 à 40 ou 42 heures. 4 Ces progrès ont été complétés par diverses mesures sociales, telles que l'augmentation de certaines pensions, la suppression des frais de scolarité dans les écoles secondaires et dans les établissements d'enseignement supérieur, l'augmentation du revenu des paysans, le relèvement des salaires les plus bas, etc .. Il est cependant une exception frappante et significative : l'agriculture. La contrainte individuelle ne s'y est nullement relâchée, au contraire. La quantité de travail minimum due par les paysans aux fermes collectives a été augmentée de façon très sensible, en 1954 ; depuis le printemps de 1956, les délinquants peuvent être punis par la confiscation de leurs parcelles individuelles. 5 Quant à la productivité et abstraction faite des considérations simplement humanitaires, il ne fait presque aucun doute que la coercition individuelle avait été poussée trop loin. Les nerfs étaient à bout, les sens émoussés, les for ces épuisées, les gens mouraient prématurément. Pour résister, pour survivre, l'organisme multipliait les réflexes de défense, lesquels ne pouvaient que nuire à la production. Ainsi, dans une 2. Cf. Raymond A. Bauer, Alex Inkeles et Clyde Kluckhohn, How the Soviet System Works (Harvard University Press, Cambridge, 1956), passim. 3. Elles n'étaient d'ailleurs pas ap1>liquées avec rigueur dès avant la mort de Staline. Voir Jerzy Gliksman, « Recent Trends in Soviet Labor Policy », Problems of Communism, N° 4 (juillet-août 1956). 4. Si le régime a choisi de répartir les « dividendes » à la population sous forme de loisirs plutôt que de biens de consommation ou de logements, c'est 1>robablement 1>arce que c'était plus facile. Mais l'augmentation des loisirs doit être en 1>artie contrebalancée 1>ar un surcroît d'heures de travail su1>1>lémentaires,1>robablement l)ayées à un tarij ·spécial. 5. Kommounist, 1954, N° 15, 1). 66; Pravda, 10 mars 1956.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==