Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

N .. . VALENTINOV opérer que sur des personnages étrangers, et non russes. En général, il évite d'employer le mot «révolution», qui n'apparaît que rarement. Il le remplace par des termes comme «voie historique », « nécessité de l'époque », cc cause sociale » et, le plus souvent, «la cause ». Au lieu de dire «révolutionnaire », «chef de la révolution », il met « homme d'État », ou simplement « homme ». Les quelques citations qui vont suivre, extraites de ces articles sur l'étranger, permettront de comprendre ce que prêchait Tchernychevski, en d'autres termes ce que Lénine a appris de lui. 2 Un chef politique doit être résolu et, une fois qu'il s'est assigné un but déterminé, aller jusqu'au bout implacablement. La route de l'histoire n'est pas le trottoir de la perspective Nevski. Elle traverse des champs tantôt po11dreux, tantôt boueu.x, des marais, des fourrés. Celui qui craint de se couvrir de poussière et de se salir les bottes ne doit pas faire de politique. C'est un travail utile, mais pas très propre. D'ailleurs il y a plusieurs façons de comprendre la propreté morale. 3 L'homme d'État [Tchernychevski veut dire le révolutionnaire] n'est utile que lorsque son caractère et son action sont conformes aux circonstances. Celui qui ne comprend pas ce qu'il faut faire dans une situation donnée ou ne veut pas faire le nécessaire n'a qu'à ne pas se mettre dans une telle situation. Qu'il laisse faction à d'autres, qu'il attende que d'autres hommes, peut-être moins purs, satisfassent les exigences de l'époque. Si vous ne voulez pas vous salir les bottes, restez chez vous, pendant que les portiers malpropres nettoieront la rue, dont l'orage transforme la poussière étouffante en boue. Cette période de nettoyage n'est pas ·propice aux promenades des gens délicats. Ils ne pourront que gêner ceux dont la délicatesse ne va pas jusqu'à négliger le travail nécessaire pour nettoyer les trottoirs. Ce n'est pas Apollon qui a nettoyé les écuries d' Augias. Hercule seul pouvait le faire. Fier de leur nom de démocrates, les républicains modérés appelaient démagogues tous ceux qui voulaient soulever les masses pour atteindre des buts conformes à l'intérêt des masses. Alors pourquoi donc les républicains modérés proclament-ils si bruyamment leur sentiment démocratique ? Le démocrate devient le plus vide et le plus impuissant des hommes sitôt qu'il invente une différence entre démocratie et démagogie. L'honnêteté ne suffit pas. Il faut de la suite dans les idées. Si vous admettez un principe, ne reculez pas devant ses conséquences. L'homme d'État ne doit pas laisser les ennemis de ses desseins influer sur le cours des événements. Les révolutions politiques ne se so11tjamais accomplies sans arbitraire. Celui qui ne sait pas cela ne comprend 2. Pour alléger la lecture de ces extraits, nous les avons ab~éaés en &~primant les répétitions et en mettant des Polllts là où Tchernychevski n'a mis Que des virgules, ou mime a omis la ponctuation. 3. Unine a souvent cité ces mots pendant les premières ann~s de la révolution d'Octobre. Cf. par exemple la Pravda, n° 22, d'aoflt 1918. Biblioteca Gino Bianco 169 pas le caractère des forces qui meuvent l'histoire. L'homme qui prend part à une révolution en s'imaginant qu'on ne va pas souvent violer les principes juridiques du temps normal, ·celui-là mérite le nom d'idéaliste. Oui ou non, comme vous voudrez, mais en tout cas soyez ferme. Il faut être un homme et non une girouette. C'est peut-être la chose la plus importante de l'histoire. Rien n'empêche davantage le succès que la triste propension de la majorité des gens à dire oui aujourd'hui et non demain. C'est pourquoi les entreprises les plus réussies de l'histoire restent inachevées. La révolution française, par exemple, n'a pas pu déraciner entièrement l'ancien régime. Il est ressuscité avec Napoléon et s'est montré très fort à la Restauration. Il faut peser le bon et le mauvais, et si une chose vous paraît bonne, ne vous laissez pas troubler par le fait qu'elle a de mauvais aspects. Il ne faut pas que des contradictions entre ces aspects vous fassent hésiter. On ne peut pas plaire à tout le monde. Les gouvernements de l'Italie centrale ne savent pas mener leurs affaires et ont peur de prendre les mesures indispensables. La situation est révolutionnaire, et ils s'imaginent pouvoir lui donner un caractère de légalité. Les moyens nécessaires sont peut-être mauvais, mais qui refuse les moyens doit renoncer aux fins. Ceux à qui répugnent les scènes que suscitent les passions populaires ne doivent pas prendre la direction des opérations. Les· grands hommes [Tchernychevski veut dire les dirigeants révolutionnaires] ne sont peut-être tels que parce qu'ils savent battre le fer quand il est chaud, ne pas perdre de temps quand les circonstances sont favorables. Mais pour battre le fer, il ne faut pas avoir peur que le bruit du marteau trouble le sommeil des gens. Seule l'énergie mène au succès, et l'énergie consiste à prendre sans hésiter les mesures nécessaires au succès. Souvorov, Napoléon ertous les grands capitaines depuis Alexandre de Macédoine n'ont jamais ménagé les sacrifices pour remporter la victoire. Leurs batailles ont été terriblement sanglantes. Nous n'avons pas à juger si les victoires militaires sont une bonne chose. Mais avant de commencer la guerre, soyez résolus à ne pas ménager les hommes. Il faut agir de même dans toutes les causes historiques [Tchernychevski veut dire les révolutions]. Si les mesures qu'exige l'entreprise vous font peur ou vous dégoûtent, n'entreprenez pas. Napoléon s'était proposé pour but d'écraser la révolution en France, et il faut reconnaître qu'il a agi comme il devait agir en fonction du but qu'il s'était assigné. L'esprit révolutionnaire s'était alors réfugié dans les formes parlementaires. Il les détruisit. Les révolutionnaires voulurent lui résister. Il les fit exécuter et déporter. Les tribunaux réguliers jugèrent que cette extermination était sans fondement juridique. Il supprima les tribunaux réguliers et les remplaça, partout où c'était nécessaire, par des conseils de guerre. IL FAUT être un enfant dépourvu de sens ou un stupide censeur tsariste pour ne pas comprendre où Tchernychevski veut en venir quand il parle de Napoléon. On peut lire entre ses lignes : si les révolutionnaires prennent le pouvoir et découvrent

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