\ TCHERNYCHEVSKI ET LÉNINE (II) par N .. Valentinov IL n'est pas nécessaire de s'étendre sur l'ouvrage de Lénine paru en 1895 sous la signature « Touline », La doctrine économique populiste dans le livre de M. Struve. Mal écrit, informe, plein d'idées bizarres et mal fondées, il est farci du même antilibéralisme que Ce que sont les Amis du peuple. Ce dernier aspect ne pouvait échapper à Plékhanov et à Axelrod, auxquels Lénine, alors âgé de 25 ans, vint se présenter en Suisse comme un disciple respectueux. Ils furent frappés de son antilibéralisme déchaîné, anarchique, où ils discernaient un principe idéologique particulier, situé au delà de leur marxisme. Ils ne distinguèrent pas alors, non plus que par la suite, les fluides mystérieux et puissants qui commandaient la pensée -politique de Lénine. Ils entreprirent de lui montrer que le régime russe d'autocratie et de servage n'était pas « un état bourgeois constitué». Selon eux, le pays allait vers une révolution non socialiste, mais bourgeoise ; les libéraux pouvaient être les alliés de la socialdémocratie dans la lutte commune contre le tsarisme, et l'on ne pouvait les considérer uniquement comme des ennemis. Après de longs entretiens Axelrod parvint à persuader Lénine de renoncer à ses vues outrancières. Lénine retourna à Pétersbourg avec un système social et politique revu et corrigé, duquel était bannie (pour l'instant) la conviction de pouvoir détruire le capitalisme en même temps qu'on renverserait le tsarisme. Cette conception, nouvelle chez ·Lénine, l'accompagna en prison, puis en déportation. Il s'était alors considérablement écarté de ses vues antérieures, comme l'atteste le projet de programme du Parti qu'il rédigea en 1896. Il ne voue plus les libéraux à la malédiction, et veut au contraire appuyer leur lutte et leurs protestations. La socialdémocratie doit soutenir et « soutiendra toutes les couches et catégories [ ?] de la bourgeoisie, tous Biblioteca Gino Bianco les représentants de la bourgeoisie, quels qu'ils soient, qui agissent contre le fonctionnarisme et l'arbitraire gouvernemental». Les mêmes idées se retrouvent dans la brochure Les tâches des socialdémocrates, qui contient entre autres, à l'adresse des partis bourgeois, une recommandation non dépourvue d'intérêt : celle de cc développer... sans fausse honte ... la conscience de classe des groupes sociaux qui n'ont aucun besoin du socialisme, mais qui ressentent, d'autant plus fortement qu'ils en sont plus éloignés, l'oppression absolutiste et la nécessité de la liberté politique». Il n'y a pas alors trace, chez Lénine, des idées qu'il devait développer quelques années plus tard dans Que faire? en démontrant que les grèves - revendicatives et la lutte pour les lois sociales indispensables ne procurent aux ouvriers aucun élément de conscience socialiste, cette dernière leur étant apportée uniquement cc du dehors » par un bacille spécifique, par cc les moteurs des moteurs >1. Dans ses notes de 1896 et dans sa brochure de 1899 consacrée aux grèves, il dit exactement le contraire : cc Toute grève amène vigoureusement les travailleurs à penser au socialisme... Les ouvriers acquièrent la conscience de classe et l'extraient constamment de la lutte même qu'ils mènent contre les industriels». Dans son Développement du capitalisme en Russie, et dans son recueil d' Études économiques, ouvrages écrits en prison et en déportation, Lénine rejette soll' anticapitalisme grossier de naguère et fait presque l'apologie du rôle progressiste du capitalisme en plein développement. Pour favoriser l'expansion du marché intérieur nécessaire au capitalisme, il était prêt, à la suite de Struve et de Tougan-Baranovski, à se déclarer partisan de la hausse des produits agricoles, tout en sachant qu'une telle mesure, profitable aux gros propriétaires et aux koulaks, était très défavorable aux , ouvriers. En déportation, l'antilibéralisme de Lénine
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