• A. G. HORON jusqu'en Syrie. L'existence de ces mouvements est indéniable, mais il s'agit d'en comprendre les caractères fort contradictoires et d'en établir l'identité ou les identités. Si l'on considère, par exemple, le nationalisme au Maroc, on y découvre aussitôt plusieurs éléments différents, peut-être même inconciliables : à côté du sentiment arabe il y a le sentiment berbère ; à côté des patriotes marocains qui voudraient réaliser la fusion, ou l'équilibre, ou la séparation de l'un et de l'autre, il y a aussi les extrémistes du Maghreb qui réclament la « libération » et la fédération de toute l'Afrique du Nord ; et il y a enfin - ce sont souvent les mêmes - ceux qui travaillent plus ou moins sincèrement pour le panarabisme du Caire. On pourrait dire à peu près la même chose de la Tunisie, sauf que la question berbère n'y intervient pas. 11existe un patriotisme tunisien, musulman de religion, arabe d'expression, qui n'est pourtant pas la même chose que la tendance panarabe, laquelle se manifeste également en Tunisie. En Égypte, par contre, sous une monarchie d'origine étrangère (ottomane-albanaise) et sous-,-- occupation britannique, le nationalisme égyptien - était copte presque autant que musulman, et de sentiment fort peu arabe. Mais depuis, il a été si complètement confisqué par une dictature militaire à visées panarabes, panafricaines, panislamiques, qu'aujourd'hui il devient difficile de séparer ce nouvel impérialisme égyptien des formes les plus outrancières du panarabisme. Des évolutions, des déviations du même ordre s'observent ailleurs, en Syrie notamment. De toute évidence il n'y a pas un « nationalisme », il y en a plusieurs, dans chacun des pays et dans l'ensemble des régions qt1i nous intéressent ... Et ce qu'on entend vulgairement par le nationalisme arabe au singulier risque fort de représenter, en fin de compte, une sorte d' Internationale panarabe. Aspects divers du panarabisme TOUTEFOISd, ans ces circonstances, le panarabisme qui se superpose aux diverses manifestations locales véritablement ou fictivement arabes, et qui leur impose une idéologie ou du moins une phraséologie commune, n'est pas lui-même un phénomène parfaitement homogène. Loin de là. Nous avons déjà fait allusion à ses origines, qui sont en partie artificielles, synthétiques, dues à une conception importée d'Europe et mise en œuvre par des intérêts anglais, puis américains, enfin soviétiques. Mais même à s'en tenir à ses développements strictement orientaux Biblioteca Gino Bianco 155 et africains, le mouvement panarabe apparaît fluide, désordonné, hétéroclite, malgré les proclamations de solidarité et le simplisme des mots d'ordre. Dans un certain nombre de pays qui se disent indépendants ou prétendent le devenir, le panarabisme est devenu dogme officiel, religion d'État - ou au moins de parti. Mais ce n'est pas tout à fait le même culte qu'on lui voue dans ses diverses sectes et chapelles et temples internationaux. Ainsi la théorie et la pratique de la Ligue Arabe ne coïncident point avec la doctrine panarabe affichée par l'alliance égypto-syrosaoudite ; le panarabisme du Caire n'est pas celui de Bagdad, mais il n'est pas non plus celui de Damas ou de Riad; préoccupations et ambitions, précédents et réminiscences ne sont pas identiques. Ici on rêve à l'empire essentiellement africain des califes fatimides de l'Égypte ; là au contraire, à une Grande Syrie et au Califat syrien des Oméyyades ; ailleurs, en Arabie Saoudite, on ne songe qu'à perpétuer les mœurs pré-médiévales du désert, Sous le protectorat de cette compagnie pétrolière arabo-américaine, l' Aramco, qui réincarne les Compagnies des Indes d'autrefois. Le sens musulman du panarabisme POURTANTil faut bien que le panarabisme ait un dénominateur commun, dans toutes ses fractions et sous toutes ses facettes ; car la simple illusion ou l'imposture pure et simple n'a pas tant de surface. Point n'est besoin de beaucoup de pénétration pour dégager ce facteur commun : c'est l'islam, ou plus exactement ce sont la xénophobie, le fanatisme, les diverses réactions musulmanes telles qu'elles se • manifestent aujourd'hui dans les pays où l'islam est de tradition surtout arabe. Le panarabisme est l'aspect que prend le réveil musulman lorsqu'il se produit dans le 1nonde de langue arabe. Cette formule, condensée mais suffisante, rend compte de tout l'essentiel. Tout d'abord elle permet de marquer une distinction entre le mouvement panarabe et les velléités panislamiques plus amples mais plus inconsistantes ; car il ne faut pas oublier que les « Arabes », quelle que soit la façon dont on les définisse, ne sont qu'une faible minorité parmi les quelque 350 millions de musulmans de toutes races et de toutes langues. Ensuite la formule explique pourquoi l'idée panarabe, quoique importée récemment par les Infidèles, se soit imposée néanmoins assez rapidement à la diplomatie de certains États musulmans et à la propagande
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