Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

150 gées, et qui se posent aujourd'hui plus que • • Jamais. Il est peu de termes plus ambigus. 1 Les Arabes, le monde arabe, on tend à y comprendre tout ce qui vit entre l'Atlantique et l'océan Indien, depuis la Méditerranée jusqu'au Soudan et au golfe Persique, en dépit de là diversité des populations et de leurs antagonismes passés et présents. Nos ancêtres, avant le x1xe siècle, ne connaissaient guère cet usage étendu et simplifié. Dans la· vaste région où dominait l' « arabesque », la langue arabe, ils savaient distinguer au moins les Maures et Barbaresques 2 d'Occident, les Sarrasins 3 d'origine ou d'affinités . orientales, et les groupes levantins non musulmans que personne ne confondait avec les « Arabes ». Groupes ethniques non arabes Le critère linguistique FAIT PLUS grave, la plupart des peuples que l'on veut aujourd'hui rassembler sous .ce nom ne se croyaient ni ne se disaient arabes jusqu'en plein xxe siècle, quelle que fût leur langue maternelle. D'ailleurs, le critère linguistique n'avait pas ici l'importance parfois déterminante qu'il avait acquis dans l'Europe des nationalités. L'arabe vulgaire, répandu d'un océan à l'autre, se fractionnait en dialectes bien souvent mutuellement incompréhensibles. Cela était vrai surtout des deux principaux groupes dialectaux : arabe occidental ou maugrébin 4 , parlé par une bonne moitié de l'Afrique du Nord-Ouest ; et arabe oriental - égyptien, syrien, irakien, yéménite, 1. L'ambiguïté est évidemment chose banale en matière de terminologie historique. Que l'on songe aux diverses acceptions auxquelles le nom de Rome a donné lieu : empire d'Orient resté «romain» quoique devenu byzantin, grec; empire «romain» mais germanique du moyen âge occidental; art roman, langues romanes; Romagne· d'Italie, Roumanie et Roumélie balkaniques; les Roumis, c'est-à-dire tous les chrétiens vus par les musulmans ; et nous en passons. Il en va de même pour les mots plus récents ; ainsi par exemple, on entend par «Américains » le peuple des ÉtatsUnis ou les autres habitants du nouveau monde, ou encore, en langage scientifique, les indigènes pré-colombiens. Toutes ces nuances, sanctionnées par l'usage et comprises de tous, ne prêtent plus à confusion et n'ont guère de portée politique. Mais là où l'ignorance des faits offre son terrain aux propagandes intéressées - et c'est précisément le cas des «Arabes » - l'ambiguïté devient une arme et représente un véritable danger. 2. Deux mots pré-arabes qui soulignent la persistance d'une Afrique indigène. Le premier, Mauri des auteurs latins, est d'origine libyenne, c'est-à-dire proto-berbère; il est attesté depuis les temps carthaginois. Le deuxième, Barbaresques, est visiblement le nom même des Berbères qui a pu prêter à un jeu de mots péjoratif dès l'antiquité (Barbari des Romains, les Barbares). 3. Sarrasins, Saracènes, très probablement de l'arabe ach-Charq, l'Orient ; désignent « les Orientaux » sans connotation ethnique. Le terme s'appliquait en Méditerranée a~ musulmans les plus arabisés linguistiquement. 4. Maugreb, Maghreb, i.e. l'Occident. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL etc.; sans compter les nombreux patois bédouins. D'autre part, les parlers non arabes - c'est-àdire pré-arabes dans la plupart des cas - continuaient à jouer un rôle, chacun dans sa région ou dans sa sphère sociale, qu'il s'agît de langues apparentées à l'arabe de plus ou moins loin (famille hamito-sémitique 5 ) ou de langues fondamentalement différentes. Dans la première catégorie on mentionnera : les dialectes berbères, au long des chaînes de l' Atlas et dans certaines parties du Sahara et du Soudan occidental ; les nombreuses langues kouchitiques de l'Afrique du Nord-Est, depuis la Haute- Égypte jusqu'en Somalie ; les langues sémitiques de l'Éthiopie et quelques parlers apparentés dans le sud-est de la péninsule Arabique ; enfin les anciennes langues de l'Orient classique, toujours cultivées, voire encore vivantes, ou subsistant seulement dans la liturgie, parmi les communautés juives et certaines Églises indigènes : hébreu, araméen, et même copte, forme ultime de l'égyptien pharaonique. Dans la deuxième catégorie, essentiellement étrangère à l'arabe, il faut compter les langues variées du Soudan appartenant aux divers groupes soudanais, au tchado-nigérien, au nilotique, au nubien (un dialecte de ce dernier, dans son avancée vers le nord, atteignant même la haute vallée égyptienne) ; puis le souahéli, une Zingua franca à base bantoue, entendu sur les côtes africaine et arabique de l'océan Indien ; aussi le turc, en usage sur certains points du domaine ottoman ou ex-ottoman ; les langues indo-européennes de l'Asie occidentale, parlées au Levant et dans le bassin du Tigre-Euphrate : arménien, .kurde, persan ; enfin les langues de l'Europe méridionale et occidentale, répandues autour de la Méditerranée : grec, italien, espagnol, français. On notera que le français était de beaucoup le principal instrument de civilisation dans l'ensemble de l'Afrique du· Nord et du Proche-Orient au x1xe siècle et au début ( ' du xxe, et que dans une large mesure il conserve cette fonction aujourd'hui, malgré la concurrence de l'anglais. Il faut dire également qu'en dépit d'une renaissance surtout journalistique et administrative de l'arabe littéraire, et du progrès de son unification à l'usage d'une minorité instruite, la transition du x1xe au xxe siècle a été marquée aussi par un phénomène tout autre, qui, sur le plan linguistique, va à l'encontre de l'unif ormisation arabe le long des rives sud et est de la , ?· Ou. chamito-sémitique - ortho~raphe plus usuelle mais moins correcte.

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