Pages oubliées LE CATÉCHISME DU RÉVOLUTIONNAIRE de Michel Bakounine Le Catéchisme du Révolutionnaire de Michel Bakounine est aussi fameux qu'introuvable en langue française ; il n'a été publié en entier que dans le petit livre sur L'Alliance de la Démocratie Socialiste et l'Association Internationale des Travailleurs (Londres et Hambourg, 187 3) dont K. Marx, F. Engels et P. Lafargue étaient les auteurs. _Celivre, devenu très rare, ne figure pas au catalogue de la Bibliothèque Nationale. Aussi a-t-on cru nécessaire de reproduire le texte français du Catéchisme, imparfaiten1ent connu par des citations dans divers ouvrages. Soit dit en paraphrasant un mot de Victor Hugo, ce document « est plus qu'actuel, il est urgent ». L'intelligentsia occidentale semble médusée par les gens qui, à notre époque, ont pris l'étiquette de communistes, voire de « marxistes », et dont les agissements, les procédés, les manœuvres la déconcertent jusqu'à lui faire perdre contenance intellectuelle. L'ignorance qui prévaut en matière d'histoire révolutionnaire fait remonter à Marx la responsabilité de monstrueuses techniques politico-subversives qu'il a toujours réprouvées et combattues, imputables en réalité à ses adversaires de la première Association Internationale des Travailleurs. Les aveux de N. Khrouchtchev sur les crimes de Staline, les révélations de dirigeants communistes en Pologne et en Hongrie sur les atrocités commises dans leurs pays au nom de la raison d'État appellent l'attentiotz, une fois de plus, sur les mobiles secrets d'un parti qui prétend régénérer l'humanité malheureuse. D'où la nécessité d'une connaissance exacte et d'une interprétation bien motivée à cet égard. « Le socialisme en général ni le marxisme en particulier n'ont rien à voir ici», écrivait G. Plékhanov en 1917, après le coup d'État d' Octobre, identifiant la technique de Lénine à celle « de Bakounine et dans bien des cas celle de Netchaïev ». De son côté, Maxime Gorki dénonçait Lénine et « son anarchisme à la Netchaïev, à la Bakounine » : il affirmait que « Lénine introduit en Russie le régime socialiste selon la méthode de Netchaïev, à toute vapeur à travers la boue ». Auparavant, l'ex- et futur bolchévik J. Goldenberg s'était écrié : « La place de Bakounine est longtemps Biblioteca Gino Bianco restée vide dans la révolution russe. La voici occupée par Lénine. » T. G. Masaryk commenta en ces termesl'action des bolchéviks : « Ils ne se rendent pas campte de ce qu'ils doivent à Bakounine, adversaire de Marx. » On pourrait composer une impressionnante anthologie dans le même sens. Au cours des dix années précédant la révolution de 1917, les plus éminents marxistes russes ont vertement critiqué Lénine et ses suiveurs en multipliant les allusions à Bakounine et à Netchaïev, au Catéchisme du Révolutionnaire qui semble avoir servi de manuel aux « révolutionnaires professionnels >> avides de saisir et de conserver à tout prix le pouvoir. Une distinction pourtant s'impose entre l'amoralisme relatif d'un Lénine et l'immoralité absolue d'un Staline, dont le contraste s'accuse avec le recul, leurs noms étant pris comme représentatifs d'espèces politiques différentes. Chez Staline et ses successeurs, il ne reste rien du marxisme simplifié> schématique de Lénine, sinon une terminologie trompeuse. Il rie subsiste rien non plus des mobiles élevés, du désintéressement de leur maître. On n'entend pas ici faire revivre l'âpre conflit qui _ opposa Marx à Bakounine, ni prendre parti après coup dans cette histoire. Pas davantage ranimer la querelle des bolchéviks et des menchéviks oi't, entre les deux révolutions russes, il a tant été question de Bakounine et de Netchaïev, surtout de la netchaïevchtchina, à cause du Catéchisme que Bakounine laissait attribuer à Netchaïev. Il importe de restituer à son auteur la paternité du document, non seulenient par souci de vérité historique, rnais pour replacer le Catéchisme parmi les autres écrits de Bakounine auxquels il s'apparente, comme l'avait fait M. Dragomanov dans la Correspondance de M. Bakounine avec A. Herzen et N. Ogarev (1895). N. Berdiaev, qui a égaré beaucoup d'intellectuels catholiques par ses écrits confus sur le communisme, se trompe sur ce point comme sur tant d'autres (voir la Notice historique à la suite du document). Bakounine exigeait de ses adeptes, membres de l'Alliance de la Démocratie socialiste et des Frères internationaux, qu'ils eussent « le diable au corps >1
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